Planification fiscale et successorale

Don d’actifs à des membres de la famille – Ce que vous devez savoir (partie 1)

Don d’actifs à des membres de la famille – Ce que vous devez savoir (partie 1)

« Quelle est la meilleure façon de faire un don d’actifs à ma famille? » est l’un des sujets dont l’équipe Succession et fiscalité d’Invesco discute le plus souvent avec les conseillers dans l’InfoService. Il va sans dire que tout le monde veut prendre soin de ses proches, de préférence d’une manière qui soit fiscalement avantageuse et avec un minimum d’incertitude. Parfois, ce qui semble être une stratégie « simple » peut avoir des conséquences imprévues.

Cette série de blogues en trois parties traite des incidences fiscales et non fiscales de deux mécanismes couramment utilisés pour faire un don d’actifs non enregistrés à des membres de la famille : la création d’une entente de propriété conjointe et le don du vivant du bénéficiaire.

Partie 1 : Incidences fiscales – Don à un époux ou conjoint de fait

Transfert automatique au conjoint

Selon la règle par défaut prévue dans la législation fiscale canadienne, les conjoints peuvent transférer des immobilisations entre eux avec report d’imposition (ce qu’on appelle communément la règle du transfert au conjoint), que ce soit pendant la vie des conjoints ou au décès de l’un des conjoints. Les conjoints de fait jouissent du même traitement fiscal. Dans notre analyse ci-dessous, le terme « conjoint » s’applique à la fois aux conjoints légalement mariés et aux conjoints de fait.

Lorsqu’une personne acquiert des droits de propriété de son conjoint, soit à titre de copropriétaire ou par un transfert complet de propriété, le transfert se fait automatiquement au prix de base rajusté (PBR) du conjoint cédant et ne constitue pas une disposition imposable. Dans le cas des immobilisations amortissables, la valeur du transfert correspond à la fraction non amortie du coût en capital. Toutefois, les conjoints peuvent choisir de ne pas se prévaloir de la règle de transfert au conjoint et de transférer le bien à sa juste valeur marchande (JVM) et créer délibérément une disposition imposable.

Le gain ou la perte en capital découlant du transfert est généralement imposé au nom du conjoint cédant. Pour faire ce choix, les conjoints doivent joindre à leur déclaration de revenus à l’Agence du revenu du Canada (ARC) une lettre indiquant que le bien est transféré entre les conjoints à sa JVM et qu’ils ne veulent pas faire appliquer le paragraphe 73(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) – il s’agit de la section de la LIR qui permet le transfert automatique du bien entre les conjoints au PBR.

La possibilité de déclencher un gain en capital immédiat peut être intéressante lorsque le conjoint cédant dispose de pertes en capital inutilisées pour compenser ce gain en capital imposable, ce qui a pour effet de « gonfler » le PBR au profit du conjoint cessionnaire et, par conséquent, de réduire les gains en capital futurs réalisés sur ce bien. Soulignons qu’un transfert à la JVM visant à déclencher une perte en capital sera probablement refusé en raison des règles sur les pertes apparentes. (Veuillez consulter le bulletin de Succession et fiscalité sur la planification relative aux pertes en capital pour obtenir plus de détails au sujet des règles sur les pertes apparentes.) Une autre raison de ne pas se prévaloir du transfert automatique au conjoint peut être d’éviter les règles d’attribution du revenu au conjoint, qui sont examinées ci-dessous.

Règles d’attribution du revenu au conjoint

Ces règles visent à empêcher le fractionnement du revenu entre conjoints au moyen d’un transfert d’actifs du conjoint dont le revenu est plus élevé au conjoint dont le revenu est moins élevé, dans le but de payer l’impôt sur le revenu et les gains en capital générés par l’actif en question à un taux plus bas.

Les règles d’attribution du revenu s’appliquent au transfert direct ou indirect d’actifs entre conjoints lorsque le bien est transféré sans contrepartie. En règle générale, les règles fonctionnent de manière à mettre le conjoint cédant dans la même situation fiscale que si le transfert n’avait pas eu lieu. Par conséquent, lorsque des conjoints transfèrent des actifs entre eux, le revenu et le gain (ou la perte) en capital générés par ces actifs transférés sont attribués au conjoint cédant aux fins de l’impôt sur le revenu.

Certaines exceptions s’appliquent, par exemple si le conjoint cédant est un non-résident du Canada, s’il est décédé ou s’il est séparé ou divorcé du conjoint cessionnaire. (Attention : en cas de séparation, les gains en capital restent assujettis aux règles d’attribution, à moins que les deux conjoints effectuent un choix conjoint de ne pas appliquer ces règles.)

L’attribution au conjoint s’applique également lorsque les conjoints sont titulaires du compte en parts égales (c’est-à-dire, chaque conjoint a le même droit de jouissance du bien), mais qu’ils ont versé des montants inégaux dans le compte. Dans ce cas, même si la propriété est répartie également entre les conjoints, ceux-ci paient généralement de l’impôt en fonction de la proportion de leurs cotisations respectives.

Par exemple, si le mari cotise 70 % du capital dans un compte conjoint et sa femme, 30 %, le mari devra assumer 70 % de l’impôt sur tout revenu ou gain en capital généré par les actifs détenus dans le compte et sa femme, 30 %. Il incombe aux particuliers de tenir une comptabilité de leurs cotisations en appui à leurs déclarations de revenus.

Comment éviter les règles d’attribution du revenu

Les mesures à prendre pour éviter les règles d’attribution du revenu sont les suivantes :

  1. le conjoint cédant doit se soustraire à la règle du transfert au conjoint (c’est-à-dire, choisir de transférer l’actif à la JVM); et
  2. le conjoint cessionnaire doit remettre la JVM en contrepartie au conjoint cédant.

La contrepartie du bien transféré peut être en espèces ou en actifs non liquides, comme des bijoux ou d’autres biens corporels, qui doivent avoir la même valeur que le don reçu. La contrepartie doit également provenir des propres sources de capital ou de revenu gagné par le conjoint cessionnaire.

La contrepartie peut aussi prendre la forme d’un prêt portant intérêt entre les conjoints. Le taux d’intérêt minimal exigé pour ce prêt est le taux d’intérêt prescrit par l’ARC au moment où le prêt est contracté et peut demeurer le même pour le reste de la durée du prêt. Au deuxième trimestre de 2023, le taux prescrit est de 5 % et le demeurera pour le troisième trimestre de 2023.

Pour éviter les règles d’attribution du revenu, il faut payer les intérêts dans les 30 jours suivant la fin de l’année civile durant laquelle le prêt est conclu et dans les 30 jours suivant chaque année subséquente pendant laquelle le prêt est en cours. Le conjoint cédant doit déclarer ses paiements d’intérêts à titre de revenu d’intérêts dans sa déclaration de revenus. La violation de ces modalités déclenchera les règles d’attribution du revenu pour l’année de la première violation et pour toutes les années ultérieures.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur les règles d’attribution du revenu et les stratégies de fractionnement du revenu, veuillez consulter le bulletin de Succession et fiscalité Fractionnement du revenu et règles d’attribution du revenu visant à leCan prévenir.

Exemple

Robert et Amélie sont mariés. Amélie gagne un revenu élevé et a accumulé des actifs non enregistrés sous son propre nom. Elle souhaite faire don de la moitié de ces actifs à Robert, afin que celui-ci puisse partager le fardeau fiscal sur le revenu qu’ils génèrent, parce que Robert se trouve dans une fourchette d’imposition inférieure. Elle ajoute Robert à son compte non enregistré Invesco d’une valeur de 600 000 $. Son PBR est de 200 000 $.

Amélie donne à Robert 50 % de son compte. Selon la règle de transfert au conjoint, le transfert au compte conjoint se ferait par défaut au PBR, sans entraîner de gains en capital immédiats pour Amélie. Toutefois, les règles d’attribution du revenu attribuent à Amélie le revenu et les gains en capital gagnés sur la part de 50 % que Robert détient dans le compte. Cela signifie qu’Amélie continuera de payer de l’impôt sur le revenu et les gains en capital générés par l’ensemble du compte. Les règles d’attribution cesseraient de s’appliquer seulement si Amélie décédait, devenait une non-résidente ou mettait fin à sa relation avec Robert.

Pour éviter les règles d’attribution du revenu, Amélie peut choisir de transférer ses biens à leur JVM dans un compte conjoint avec Robert. Amélie doit inclure une lettre, signée par les deux, dans sa déclaration de revenus indiquant qu’ils souhaitent se retirer du transfert au conjoint (c’est-à-dire que le paragraphe 73(1) de la LIR ne doit pas s’appliquer à ce transfert). Amélie est ensuite réputée avoir disposé de 50 % du compte et est tenue de déclarer le gain ou la perte en capital qui en résulte au cours de l’année du transfert.

En contrepartie du don, Robert peut remettre des actifs d’une valeur de 300 000 $ à Amélie. Si Robert ne possède pas suffisamment de liquidités ou d’actifs non liquides, le couple peut s’entendre pour traiter les 300 000 $ transférés comme un prêt d’Amélie à Robert avec intérêt, au taux d’intérêt prescrit par l’ARC (actuellement de 5 % au deuxième trimestre de 2023).

Chaque année qui suit l’année de la création du prêt, Robert doit payer à Amélie les intérêts calculés au plus tard 30 jours après la fin de l’année civile précédente, malgré toute entente de prêt documentée indiquant une date de paiement différente, p. ex., au plus tard en juin de chaque année. Amélie doit inclure les intérêts reçus de Robert dans sa déclaration de revenus. De cette façon, Robert peut payer l’impôt sur 50 % du revenu généré par le compte Invesco sans attribution à Amélie.

Robert et Amélie assument la responsabilité d’enregistrer fidèlement leurs opérations et leur entente de don (par exemple, des billets à ordre s’ils sont traités comme des prêts à taux prescrit), afin de pouvoir appuyer leurs demandes de déduction fiscale. Dans le cas d’un prêt, étant donné que Robert emprunte de l’argent pour effectuer un placement admissible, il peut déduire les intérêts annuels payés dans sa déclaration de revenus.

Dans l’hypothèse où Amélie fait plutôt don de la totalité du compte à Robert, les règles d’attribution du revenu s’appliquent à l’ensemble du compte pour tous les revenus de placement futurs générés après le don. Sans entente expresse, le transfert de propriété se fait au PBR et Amélie continue de payer de l’impôt sur tous les revenus et gains produits par le compte, même si Robert est le seul titulaire inscrit. Amélie et Robert peuvent éviter les règles d’attribution en concluant une entente semblable à celle dont on a traité plus haut pour constituer une propriété conjointe.

Notre prochain blogue de cette série en trois parties traitera des incidences fiscales des dons à des enfants adultes.