La semaine dernière, j’ai passé beaucoup de temps dans les airs, car j’ai fait un aller-retour en Asie. Je trouve que le fait d’être assise dans un avion pendant une longue période et d’admirer la vue à 12 000 mètres d’altitude change quelque peu ma perspective. D’en haut, les arbres ne nous cachent pas la forêt. Voici mes observations sur cinq enjeux — la désinflation, la Chine, les marchés boursiers japonais, le prochain « dot plot » de la Réserve fédérale américaine (Fed) et son ton belliciste — que nous allons surveiller de près en mars.
1. La désinflation devrait se poursuivre
Nous sommes toujours dans le « train D ». Je suis persuadée que la désinflation va se poursuivre en mars, quoique de manière imparfaite. J'ai été encouragée par le fait que le sous-indice des prix à la production de l'indice préliminaire des gestionnaires en approvisionnement (PMI) des États-Unis de S&P Global pour les biens et les services s'est établi à un niveau relativement bas de 52,9 points, soit le deuxième pointage le plus bas depuis juin 2020.1 D'après S&P Global, cette valeur indique globalement que l'inflation des prix à la consommation se situe à 2 %, ce qui est, comme nous le savons, le taux cible de la Réserve fédérale américaine (Fed).2
Les données récentes pour le Royaume-Uni et la zone euro indiquent une inflation plus persistante, mais ces économies évoluent toutes dans la bonne direction en ce qui concerne l’inflation. L’estimation préliminaire de l’inflation de la zone euro pour février était de 2,6 % en glissement annuel, contre 2,8 % en janvier. Le taux de base, excluant les aliments, l’énergie, l’alcool et le tabac, s’élevait à 3,1 % en février, en baisse par rapport à 3,3 % en janvier.3
Selon le sondage PMI manufacturier de la zone euro, les coûts des intrants et les charges de production ont continué à baisser.4 Les attaques des Houthis sur les voies maritimes de la mer Rouge ont été une source d’inquiétude inflationniste pour une grande partie du monde, mais même cette situation semble s’être atténuée. Les tarifs de transport maritime transpacifique ont chuté de 4,6 % en séquentiel la semaine dernière et sont en baisse de 15 % par rapport à leur niveau record du début de février.5
2. Les marchés boursiers japonais semblent bien partis pour poursuivre leur progression
Les dirigeants de la Banque du Japon (BdJ) ont récemment laissé entendre qu’elle va se montrer plus patiente en ce qui concerne la normalisation de sa politique monétaire. M. Hajime Takata, membre du conseil d’administration de la BdJ, a déclaré qu’elle devait envisager de modifier sa politique monétaire ultra-accommodante, notamment en abandonnant les taux d’intérêt négatifs et le contrôle de la courbe des taux, mais il a par la suite rectifié le tir et dit qu’il n’avait pas encore décidé si la BdJ devait mettre fin aux taux négatifs en mars.
Plus important encore, le gouverneur de la BdJ, Kazuo Ueda, a déclaré à la réunion financière du G20 de la semaine dernière : « Nous ne sommes pas encore en mesure de savoir si nous atteindrons notre objectif d’inflation durable et stable ».6 Il a ajouté que la BdJ s’appuierait sur les données futures pour le confirmer. La plupart des analystes s’attendent à ce que la BdJ abolisse les taux négatifs en avril, mais je crois qu’elle ne s’en tient pas à une date précise, mais plutôt aux données. Elle va donc patienter et réfléchir avant de resserrer sa politique monétaire. À mon avis, cela pourrait être très avantageux pour les actions japonaises.
3. Que fera le Congrès national du peuple de la Chine cette semaine?
Le Congrès national du peuple de la Chine se réunit cette semaine. Il s’agit d’une réunion annuelle importante au cours de laquelle le gouvernement fixe sa cible de croissance pour l’année et dévoile souvent ses grandes orientations politiques.
Comme nous l’avons indiqué dans nos perspectives pour 2024 publiées à la fin de l’année dernière, la politique de relance jouera un rôle important dans le rendement des actions chinoises cette année (et, bien sûr, dans la croissance économique du pays). Jusqu’ici, je suis optimiste. La semaine dernière, le bureau politique de la Chine a émis une déclaration dans laquelle il manifeste son intention de stimuler davantage l’économie, notant que « la politique budgétaire proactive doit être modérément renforcée et améliorée en qualité et en efficacité, tandis que la politique monétaire prudente doit être flexible, modérée, précise et efficace ".7
À la réunion du Conseil d’État du 22 janvier, le gouvernement s’est engagé à stabiliser les marchés des capitaux et à rassurer les marchés, ce qui a été suivi d’une série de mesures de soutien ciblées, allant de la baisse des taux d’intérêt à une réglementation plus sévère des ventes à découvert, en passant par le soutien financier aux projets immobiliers résidentiels.8 Cela semble avoir rassuré les marchés; entre le 5 février et le 1er mars, l’indice composé de Shanghai a grimpé de près de 14 %.9
Au Congrès national du peuple de la Chine, le gouvernement a réitéré sa cible de croissance de 5 % pour cette année et je m’attends à ce qu’il propose une politique de soutien à l’économie et aux marchés. Je crois que cela jouera encore plus en faveur des marchés boursiers chinois.
4. Que nous dira le « dot plot » de la Fed?
La prochaine réunion de la Fed aura lieu plus tard en mars. Bien que l'on ne s'attende pas à ce que la Fed relève ses taux, cela ne veut pas dire que cette réunion n'est pas importante. La réunion de mars est l'une des quatre au cours desquelles la Fed dévoile un nouveau « dot plot » — un Summary of Economic Projections (résumé des projections économiques) qui inclut les attentes à savoir à combien s’élèvera le taux des fonds fédéraux à la fin de 2024.
Selon certaines rumeurs (ou peut-être simplement des craintes exprimées), le « dot plot » de mars va signaler l’anticipation moyenne de seulement deux baisses de taux en 2024. Cela risque de réfréner l'enthousiasme du marché, ce qui ne serait peut-être pas mauvais, car il est peut-être temps que les marchés boursiers américains fassent une pause, si brève soit-elle.
Toutefois, je ne peux m’empêcher de vous rappeler qu’en décembre 2021, la Fed a publié un « dot plot » qui disait que le taux moyen des fonds fédéraux serait de 90 points de base à la fin de 2022.10 Cette prévision était à peine erronée (sarcasme voulu), puisque le taux réel des fonds fédéraux à la fin de 2022 s’élevait à 433 points de base.11
5. Une lueur d'espoir malgré le « Fedspeak » belliciste
On dit que le mois de mars commence en lion et se termine en agneau. Ce sera peut-être le cas de la Fed. Il est vrai que nous avons récemment entendu beaucoup de discours bellicistes de la part de la Fed, mais une lueur d'espoir est apparue l’autre jour, qui, selon moi, est un signe avant-coureur de ce qui va se passer.
Austan Goolsbee, président de la Réserve fédérale de Chicago, a déclaré qu’à son avis, le taux actuel des fonds fédéraux est très restrictif, tandis que, de son côté, Lorie Logan, présidente de la Réserve fédérale de Dallas, a dit que le moment est venu d’assouplir le resserrement quantitatif. Comme je l'ai écrit la semaine dernière, je crois que la plupart des membres de la Fed vont continuer à tenir un discours belliciste, mais je suis optimiste et persuadée qu'ils nous réservent une agréable surprise, probablement en mai.
La prochaine semaine
Comme la période de déclaration des bénéfices tire à sa fin, je m’attends à ce que les mouvements du marché soient encore plus influencés par des facteurs qui ont un impact sur les attentes en matière de politique monétaire, en particulier les statistiques économiques et les déclarations des banques centrales, ainsi que les réunions de plusieurs banques centrales qui se tiendront la semaine prochaine. Par conséquent, nous serons très attentifs à tout cela, notamment au salaire horaire moyen aux États-Unis dans le rapport sur l’emploi de vendredi, ainsi qu’au Congrès national du peuple de la Chine et au budget du Royaume-Uni.
Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les réunions de deux grandes banques centrales cette semaine : la Banque du Canada et la Banque centrale européenne (BCE). La plupart des observateurs vont probablement se concentrer sur la BCE, mais j’accorderai une attention toute particulière à la Banque du Canada, qui a souvent été à l’avant-garde des décisions de politique monétaire ces dernières années; nous allons donc suivre de près ses réflexions et ses agissements.
In memoriam
Je ne pouvais pas laisser passer la chronique de cette semaine sans évoquer la mémoire de mon ami et collègue Mark Giuliano, qui est décédé subitement ce week-end. Mark était un homme formidable qui a servi son pays au FBI pendant 28 ans avant de se joindre à Invesco, où il était directeur administratif et faisait partie de notre équipe de direction. Il était un membre important de la famille Invesco et un leader intelligent et attentionné. Il va beaucoup nous manquer. Je tiens à présenter mes condoléances à sa famille, à laquelle je sais qu’il était très dévoué.