Planification fiscale et successorale

Nouvelles règles de déclaration des fiducies et conséquences pour les comptes en fiducie

Vue rapprochée des ands remplissant les documents juridiques.

Dans le but de contrer l’évitement fiscal et d’évaluer l’impôt à payer pour les fiducies, les nouvelles exigences en matière de production et de déclaration de revenus qui ont été initialement introduites dans le budget de 2018 s’appliqueront aux fiducies pour les années d’imposition se terminant après le 30 décembre 2023.

Auparavant, les fiducies devaient produire une déclaration de revenus et de renseignements (déclaration T3) seulement dans des circonstances particulières, comme lorsque la fiducie devait payer de l’impôt, vendait un bien en capital ou réalisait un gain en capital imposable. De plus, une fiducie peut devoir produire une déclaration T3 si elle reçoit un revenu, un gain ou un profit provenant des biens de la fiducie qui est attribué à un ou plusieurs bénéficiaires. Dans de tels cas, la fiducie doit produire une déclaration T3 si elle a un revenu total de toutes provenances de plus de 500 $, un revenu de plus de 100 $ attribué à un seul bénéficiaire ou a fait une distribution de capital à un ou plusieurs bénéficiaires.

Les nouvelles règles élargissent le nombre de fiducies qui doivent produire une déclaration annuelle de revenus de fiducie T3 et imposent des exigences supplémentaires en matière d’information sur les fiduciaires et les bénéficiaires. Les fiducies touchées sont les fiducies expresses, les simples fiducies et, aux fins du droit civil, les fiducies autres qu’une fiducie établie par la loi ou par jugement. Une fiducie expresse est une forme de fiducie établie avec une intention claire et délibérée du constituant, habituellement au moyen d’une convention de fiducie ou d’un document testamentaire.

En vertu des nouvelles règles, toutes les fiducies sont tenues de produire annuellement une déclaration T3, à quelques exceptions près. Cela signifie que de nombreuses fiducies qui n’avaient pas à produire une déclaration annuelle T3 auparavant sont maintenant tenues de le faire, notamment les « simples fiducies » (voir plus loin). De plus, à moins que la fiducie ne soit considérée comme une « fiducie désignée » (définie ci-dessous), chaque fiducie qui est tenue de produire une déclaration T3 est maintenant tenue (en vertu du nouvel article 204.2 du Règlement de l’impôt sur le revenu) de fournir des renseignements supplémentaires sur la propriété effective en remplissant la nouvelle « annexe 15 – Renseignements sur la propriété effective d’une fiducie », qui fait partie de la trousse de déclaration T3. L’annexe 15 exige que les fiducies concernées déclarent l’identité de tous les constituants, fiduciaires, bénéficiaires et personnes pouvant influencer la prise de décision du fiduciaire en ce qui a trait au revenu ou à l’affectation du capital. Des renseignements comme le nom, l’adresse, la date de naissance, le pays de résidence et le numéro d’identification fiscale doivent également être fournis pour chacune de ces parties. La déclaration T3 et l’annexe 15 (le cas échéant) doivent être produites dans les 90 jours suivant la fin de l’année d’imposition de la fiducie.

Une pénalité s’appliquera si une fiducie doit produire une déclaration T3 (y compris l’annexe 15 sur la propriété effective), mais ne le fait pas. La pénalité sera de 25 $ par jour de retard (avec une pénalité minimale de 100 $), jusqu’à concurrence d’une pénalité maximale de 2 500 $. De plus, si l’omission de produire la déclaration a été faite délibérément ou en raison d’une négligence grave, une pénalité supplémentaire s’appliquera. La pénalité supplémentaire sera égale au plus élevé des montants suivants : 5 % de la juste valeur marchande (JVM) maximale des biens de la fiducie et 2,500 $.

Exceptions aux nouvelles règles de déclaration des fiducies (c.-à-d. fiducies désignées)

Certains types de fiducies, appelées « fiducies désignées », sont exclus de ces exigences supplémentaires en matière de déclaration, notamment les suivantes :

  • les fiducies qui existent depuis moins de trois mois à la fin de l’année;
  • les fiducies qui détiennent des actifs dont la JVM totale ne dépasse pas 50 000 $ tout au long de l’année si les seuls actifs détenus par la fiducie au cours de l’année sont constitués de l’un ou plusieurs des éléments suivants :
    •  des espèces (les espèces ne comprennent pas les pièces d’or ou d’argent de collection ni les lingots d’or ou d’argent);
    •  certaines obligations gouvernementales;
    •  une action, un titre de créance ou un droit coté à une bourse de valeur désignée;
    •  une action du capital-actions d’une société de placement à capital variable,
    •  une part d’une fiducie de fonds commun de placement;
    •  une participation dans un fonds distinct lié;
    •  une participation, en tant que bénéficiaire d’une fiducie, qui est cotée à une bourse désignée;
  • les fiducies admissibles à titre d’organismes sans but lucratif ou d’organismes de bienfaisance enregistrés;
  • les fiducies de fonds communs de placement, les fiducies de fonds distincts et les fiducies principales;
  • les fiducies dont la totalité des parts sont cotées à une bourse désignée;
  • les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs;
  • les fiducies admissibles pour personne handicapée (FAPH);
  • les fiducies de soins de santé au bénéfice d’employés;
  • certaines fiducies financées par le gouvernement;
  • les fiducies instituées en vertu d’un régime de participation différée aux bénéfices (RPDB), d’un régime de pension agréé collectif (RPAC), d’un régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), d’un régime enregistré d’épargne-études (REEE), d’un régime de pension agréé (RPA), d’un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), d’un compte d’épargne libre d’impôt (CELI), d’un régime de participation des employés aux bénéfices (RPEB), d’un régime enregistré de prestations supplémentaires de chômage (PSC) ou d’un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP);
  • les fiducies pour l’entretien d’un cimetière et les fiducies régies par un arrangement de services funéraires admissible.

Par souci de clarté, la plupart des fiducies de fonds commun de placement, des sociétés de placement à capital variable et des fonds négociés en bourse (FNB) offerts sur le marché seront exemptés des exigences plus strictes en matière de déclaration des bénéficiaires.

Pour illustrer l’application des nouvelles règles, supposons que la fiducie familiale XYZ détient des actifs constitués de parts d’une fiducie de fonds commun de placement dont la JVM est inférieure à 30 000 $ tout au long de l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2023 et a gagné un revenu d’intérêts de 1 000 $ au cours de l’année, qui a été conservé dans la fiducie. Dans cet exemple, la fiducie familiale XYZ est considérée comme une fiducie désignée et, par conséquent, elle n’a pas besoin d’inclure l’annexe 15 en vertu des nouvelles exigences de déclaration. Toutefois, la fiducie serait tout de même tenue de produire une déclaration T3, car elle a reçu un revenu de plus de 500 $ au cours de l’année d’imposition. Si la valeur des parts de la fiducie de fonds commun de placement avait été supérieure à 50 000 $ à tout moment au cours de l’année, la fiducie familiale XYZ devrait produire les renseignements supplémentaires sur les bénéficiaires exigés au moyen de l’annexe 15 avec sa déclaration de revenus de fiducie T3. 

Comptes en fiducie

En général, les comptes en fiducie sont des « fiducies informelles » créées pour investir des fonds au nom d’un mineur. En vertu du droit des contrats, les mineurs n’ont pas la capacité juridique de conclure un contrat exécutoire d’achat d’instruments financiers en leur propre nom. Les comptes de fiducie peuvent donner à des bénéficiaires mineurs un accès à des occasions de placement autrement inaccessibles. Lorsqu’un donateur place un bien dans une fiducie, la personne se dessaisit du bien, s’en prive et en perd la possession. Cela indique généralement que la propriété effective du bien a changé depuis que le bénéficiaire est effectivement devenu le nouveau propriétaire. Contrairement aux fiducies formelles, les fiducies informelles ne sont généralement pas soutenues par des documents juridiques, comme un acte de fiducie documentant les paramètres de la fiducie.

Si un compte en fiducie est considéré comme une fiducie valide, nous croyons comprendre qu’il serait visé par les nouvelles règles de déclaration des fiducies. Une déclaration T3 et l’annexe 15 devraient être produites pour la fiducie, à moins que celle-ci ne soit visée par l’une des exceptions ci-dessus. Si le compte en fiducie n’est pas considéré comme une fiducie valide, il ne sera probablement pas assujetti aux nouvelles exigences en matière de déclaration des fiducies.

Pour qu’une fiducie soit considérée comme valide, trois certitudes doivent être présentes, qui peuvent ou non être formellement attestées par des documents. La première est la certitude de l’intention, qui renvoie à la certitude de l’intention absolue du donateur de donner le bien à la fiducie. La deuxième certitude – la certitude quant à l’objet du don – exige que le bien donné soit connu avec une certitude absolue. La troisième certitude – la certitude des sujets – renvoie aux propriétaires effectifs (c.-à-d. les bénéficiaires) du bien; ils doivent être clairement définis. Une fiducie valide existe lorsque ces trois certitudes sont claires et présentes. La question est de savoir si les trois certitudes sont présentes et si une fiducie valide existe. La décision est prise au cas par cas. De plus, la fiducie ne doit enfreindre aucune politique juridique ou publique pour être considérée comme valide (p. ex., elle ne doit pas être créée pour échapper à créanciers en cas de faillite ou à la veille d’une faillite).

En l’absence de preuve établissant l’existence d’une fiducie valide, l’Agence du revenu du Canada (ARC) peut considérer le compte en fiducie comme une entente de mandat, un don ou une entente de quelconque autre nature. Comme les comptes en fiducie comportent des incertitudes inhérentes, leurs incidences fiscales, qui découlent de la nature de l’entente, comportent aussi des incertitudes.

En raison de la nature complexe des ententes de fiducie, il est recommandé de consulter un conseiller juridique lorsqu’on aborde la question des fiducies afin de s’assurer que les intentions du constituant à l’égard de la fiducie sont dûment documentées, exécutées et satisfaites. Un comptable peut également être consulté pour déterminer la pertinence d’avoir recours à une fiducie informelle ou formelle pour atteindre les objectifs financiers d’une personne.

En raison des incertitudes liées aux comptes en fiducie, il est important d’obtenir les conseils d’un comptable qualifié, au besoin, pour déterminer l’incidence des exigences en matière de déclaration de fiducie pour 2023 sur les clients qui détiennent des comptes en fiducie.

Simples fiducies

Une simple fiducie (parfois appelée « fiducie nue »), bien qu’elle ne soit pas définie dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada), désigne généralement une fiducie dont le fiduciaire est légalement propriétaire des biens, mais n’a aucune autre obligation ni responsabilité à l’égard des biens en tant que fiduciaire. La seule fonction du fiduciaire est de détenir le titre de propriété légal des biens. Essentiellement, une simple fiducie est une relation mandant-mandataire, ce qui signifie que le fiduciaire peut raisonnablement être considéré comme agissant à titre de mandataire pour tous les bénéficiaires de la fiducie relativement à toutes les opérations à l’égard de tous les biens de la fiducie.

Les simples fiducies sont expressément incluses dans les nouvelles règles en matière de déclaration des fiducies. Toutefois, un récent conseil fiscal de l’ARC daté du 28 mars 2024 a exonéré les simples fiducies de l’obligation de produire une déclaration T3, y compris l’annexe 15, pour l’année d’imposition 2023, à moins que l’ARC ne le demande expressément. Il est important de noter que cette exemption proactive s’applique exclusivement aux simples fiducies et qu’elle ne semble s’appliquer qu’à l’année d’imposition 2023. L’ARC a indiqué qu’elle collaborera avec le ministère des Finances pour clarifier ses directives concernant les exigences en matière de déclaration et qu’elle communiquera avec les Canadiens à mesure que d’autres renseignements seront disponibles.

La définition générale des simples fiducies pourrait englober un large éventail d’ententes en vertu des nouvelles règles, dont les suivantes :

  • Cosignature d’un prêt hypothécaire : Prenons le cas d’un enfant adulte qui acquiert une maison et dont les parents cosignent le prêt hypothécaire. Un cosignataire peut généralement être soit un « coemprunteur », soit un « garant ». 
    • Lorsque le cosignataire est un « coemprunteur », il est inscrit sur le titre de propriété légal de la maison et est également responsable de la dette si le prêt hypothécaire tombe en défaut. Étant donné que les parents assument la propriété légale alors que la propriété effective appartient à l’enfant, nous comprenons que les parents sont généralement considérés comme les fiduciaires d’une simple fiducie.
    • En revanche, une situation de « garant » survient lorsque le parent cosignataire n’est pas inscrit sur le titre de propriété de la maison, mais qu’il assume plutôt le rôle de garantir que le demandeur remboursera le prêt hypothécaire à temps. Le garant sera responsable du prêt en cas de défaut. Étant donné que le parent n’est pas légalement propriétaire, nous croyons comprendre qu’il n’existe aucune simple fiducie dans une situation de « garant ». 
  • Propriété conjointe : Un titulaire d’un compte conjoint ou d’une propriété résidentielle peut vouloir ajouter un membre de sa famille à titre de propriétaire du compte ou de la propriété résidentielle sans lui accorder un intérêt à titre de bénéficiaire dans le but d’éviter l’homologation ou de simplifier l’administration successorale. Par exemple, si un parent âgé ajoute un enfant adulte à titre de propriétaire d’une propriété résidentielle (sans transférer de droit de propriété effective), l’enfant adulte pourra acquérir la propriété dès son décès. Dans ce cas, l’enfant adulte serait généralement considéré comme le fiduciaire de la fiducie.
  • Coentreprises et sociétés de personnes : Une personne peut détenir le titre de propriété légal d’un bien au nom d’un groupe de propriétaires dans une coentreprise ou une société de personnes. Dans ce scénario, la personne peut être considérée comme le fiduciaire de la simple fiducie.

La difficulté avec les simples fiducies est qu’elles n’ont pas besoin de documents précis pour être officiellement établies. Dans certains cas, des simples fiducies peuvent être créées par inadvertance. Ce manque de formalité peut faire en sorte que de nombreux Canadiens, en particulier ceux qui n’ont pas accès à des conseils fiscaux avancés, ne savent pas qu’ils doivent produire une annexe 15 et une déclaration T3. Nous notons également qu’une confusion peut survenir dans certaines situations en raison de la définition générale d’une simple fiducie et des directives officielles limitées actuellement disponibles. Nous espérons que l’Agence du revenu du Canada (ARC) publiera d’autres directives à l’avenir. Compte tenu de la nature nuancée des simples fiducies et de la possibilité que des personnes ne respectent pas leurs obligations de déclaration, il pourrait être important que les Canadiens qui doivent composer avec les nouvelles règles en matière de déclaration des fiducies demandent des conseils fiscaux.