Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : La Fed peut-elle réussir l’atterrissage (en douceur)?

Une coccinelle se pose sur la main d’un enfant
Points importants à retenir
Début des mesures d’assouplissement de la Fed
1

La Réserve fédérale américaine a procédé à sa première réduction de taux. Peut-elle revenir à une politique plus expansionniste sans récession?

D’autres réductions à venir
2

Le marché prévoit que le taux des fonds fédéraux sera de 2,75 % d’ici la fin de l’année prochaine, s’attendant à 10 réductions de taux au cours des 15 prochains mois.

Que réservent les actions?
3

Le marché boursier américain a inscrit des rendements positifs, en moyenne, au cours des 12 mois suivant la première baisse de taux de la Fed dans un cycle d’assouplissement.

Donald Geiss : Vous devez désigner votre remplaçant.

Jack Donaghy : J’ai préparé une liste de candidats.

Donald Geiss : Un conseil : il doit s’agir d’une personne de confiance.

Jack Donaghy : Je suppose que cela exclut la Réserve fédérale.

Les échanges entre Jack et Donald et les rires exagérés de ce début d’épisode de 30 Rock témoignent du scepticisme du milieu des placements à l’égard de la capacité de la banque centrale à mener une politique monétaire appropriée. Ce n’est pas surprenant. La Réserve fédérale américaine (Fed) a commis certaines erreurs au fil des ans, notamment en resserrant sa politique monétaire pendant la plupart des récessions enregistrées. La Fed s’est également trompée en faisant preuve de prudence en 2021, maintenant une politique monétaire exagérément souple pendant trop longtemps en vue de soutenir l’économie au début de la période post­pandémie. Il en a résulté une inflation galopante pour la première fois en 40 ans.

La Fed est maintenant parvenue à ramener l’inflation américaine dans sa zone de confort, mais pourrait tout de même voir la victoire lui échapper des mains si elle maintient les taux à des niveaux trop élevés pendant trop longtemps. La réduction de 0,50 % en septembre est un début, mais comme l’indique le graphique à points, de nombreuses autres réductions devront être décrétées.

Faisons-nous confiance à la Fed pour qu’elle rétablisse une politique monétaire plus expansionniste à temps avant que l’économie n’entre en récession? Jack Donaghy et Don Geiss sont peut-être sceptiques, mais la Fed pourrait bien y parvenir.

Il peut s’agir d’un biais de confirmation, mais…

…le marché boursier américain a, en moyenne, inscrit des rendements positifs au cours des 12 mois suivant la première baisse de taux de la Fed dans un cycle d’assouplissement, avec ou sans récession1. En toute franchise, les moyennes peuvent être quelque peu trompeuses. Par exemple, les marchés ont fortement reculé lorsque les premières réductions de taux ont été décrétées dans le cadre de graves récessions, comme en 1973 et en 2008.
Il est clair que l’état de l’économie a son importance.

Si l’on exclut les récessions profondes de 1973 et de 2008, le rendement moyen pour l’année suivant la première baisse de taux est de 13 %, avec une baisse maximale moyenne de 9 %1. Cela semble raisonnable.

Heureusement, une récession ne semble pas imminente aujourd’hui, et si elle devait se produire, l’économie ne montre pas les signes d’endettement ou d’excès qui alimenteraient un repli important.2

 

Puisque vous m’avez posé la question... (partie 1)

Q. : Quel devrait être le taux des fonds fédéraux?

R. : S’il s’agit d’une économie optimale (ni trop forte ni trop faible), le taux des fonds fédéraux devrait être neutre, c’est-à-dire ni expansionniste ni restrictif. Une estimation raisonnable du taux dit neutre, fondée sur la croissance et les attentes d’inflation aux États-Unis, se situe entre 3,5 % et 4 %. Le taux actuel des fonds fédéraux de 4,75 % demeure donc trop restrictif, d’autant plus que la mesure de l’inflation privilégiée par la Fed a atteint un sommet en 2022 et est revenue à 2,5 % cette année, et que la croissance ralentit3. Un taux expansionniste serait même inférieur à 3,5 %. Pour ce que ça vaut, le marché prévoit que le taux des fonds fédéraux sera de 2,75 % d’ici la fin de l’année prochaine, et s’attendant à 10 réductions de taux au cours des 15 prochains mois4.

Puisque vous m’avez posé la question... (partie 2)

Q. : Une récession ne permettrait-elle pas à l’économie de repartir du bon pied?

R. : Non. Je ne considère pas que les récessions offrent des avantages « invisibles ». Elles sont souvent le résultat d’erreurs de politique que nous devrions chercher à éviter. Même une légère récession pourrait coûter des millions d’emplois au pays. Qui plus est, les travailleurs déplacés en période de récession ont tendance à subir d’importantes pertes de revenus à vie. Comme nous le savons, les dépenses des uns sont les revenus des autres.

Je ne pense pas qu’une récession serait un désastre pour le marché boursier (voir ci-dessus), mais des vies réelles seraient affectées.

On a dit (partie 1)

« … les données économiques aux États-Unis laissent entrevoir une économie résiliente qui continue de surmonter une foule de difficultés. Les données sur les ventes au détail concordent avec l’opinion selon laquelle les pressions économiques considérables exercées sur les ménages à faible revenu n’ont pas d’incidence sur le niveau de consommation globale. »

– Mohamed El-Erian, Bloomberg News

Les gains rapides de richesse et la baisse des prix de l’énergie soutiennent la consommation, même si la croissance de l’emploi et des salaires ralentit. Les consommateurs sont devenus plus économes, mais la demande des ménages demeure résiliente.

  • La valeur nette des consommateurs américains est de 163 000 milliards de dollars et devrait augmenter de 11 % en 20245.
  • Les prix du pétrole sont près de 70 $ le baril, tandis que ceux de l’essence semblent se diriger vers 3 $
    le gallon6.

Voilà qui plaide en faveur d’un « atterrissage en douceur ».

On a dit (partie 2)

« Je pense que si Kamala Harris était élue, je retirerais mon argent du marché. Je le placerais sur le marché monétaire… »

– John Paulson, gestionnaire de fonds de couverture, Financial Times

(Soupir) Au-delà de la politique, je ne me réjouis jamais de cette rhétorique. Pourquoi? Parce que ce n’est jamais vrai. En 2016, Hillary Clinton a prévenu que Donald Trump mènerait le pays à la faillite, comme l’un de ses casinos. En 2020, M. Trump a prévenu que le marché imploserait si Joe Biden était élu. Les actions se sont bien comportées sous les deux administrations7.

Les commentaires de M. Paulson étaient directement liés à une question concernant l’impôt potentiel sur les gains en capital non réalisés que Kamala Harris propose d’instaurer dans le cadre de sa campagne. N’oubliez pas que la plupart des propositions d’une plateforme électorale ne deviennent pas des lois. Je fais mon métier depuis assez longtemps pour me souvenir lorsque George W. Bush allait privatiser la sécurité sociale, Barack Obama jeter le pays au bord du gouffre fiscal et Joe Biden relever le taux d’inclusion des gains en capital à 43,4 %. Rien de tout cela ne s’est produit.

Contrairement à M. Paulson, je ne retirerai pas mon argent du marché, peu importe qui gagne.

Et ça recommence!

Un investisseur m’a récemment demandé comment je pouvais ne pas être préoccupé par les marchés financiers américains, compte tenu de l’élection présidentielle qui aura lieu dans moins de 50 jours. J’ai reconnu que l’indice S&P 500 avait reculé de plus de 3,5 % au cours des 50 jours précédant les deux dernières élections présidentielles8. Mais on pourrait s’attendre à ce que cela se produise lorsque le parti ou le candidat au pouvoir est sur le point de perdre la course. Dans les deux cas, les marchés ont poursuivi leur progression constante après l’élection.

Toutefois, la question portait moins sur les élections habituelles que sur l’opinion de ce monsieur selon laquelle les États-Unis devenaient une république de bananes. Il croyait qu’une restructuration radicale de l’économie américaine était imminente et que nous ressemblerions bientôt à son pays natal, Cuba, et à son système économique centralisé.

Ma réponse a été que les États-Unis n’ont pas procédé à une restructuration radicale de l’économie et qu’ils ne le feront pas. Les États-Unis ont trois pouvoirs gouvernementaux distincts, mais égaux, avec un système de freins et contrepoids, ou mécanismes de contrôle. Les présidents, même lorsque leur parti avait les pleins pouvoirs, ont tendance à mener à bien une ou deux grandes réalisations législatives.

La preuve se situe dans la structure de l’économie américaine, qui a été remarquablement stable sous plusieurs administrations. La consommation privée et les investissements des entreprises représentent 80 % de l’économie depuis des décennies9. J’aurais du mal à qualifier l’économie américaine novatrice, qui a constamment été stimulée par le secteur privé, de « république de bananes ».

Automatiser mon travail?

Chaque mois, je pose une question à ChatGPT – l’agent conversationnel axé sur l’intelligence artificielle – et j’évalue sa réponse.

Q. : Les actions se sont déjà beaucoup redressées. Devrais-je attendre pour investir?

R. : Si le marché boursier s’est déjà fortement redressé, pour décider d’investir maintenant ou d’attendre, il faut tenir compte de plusieurs facteurs.

  1. Évaluation du marché : Déterminer si le marché est surévalué.
  2. Conditions économiques et de marché : Évaluer la conjoncture économique, les taux d’intérêt et d’autres indicateurs de marché.
  3. Objectifs et horizon de placement : Si vous avez un horizon de placement à long terme, les fluctuations à court terme des marchés sont moins préoccupantes.
  4. Tolérance au risque : Si la récente remontée vous a rendu nerveux, vous pourriez préférer attendre.
  5. Diversification : Peu importe le rendement du marché, maintenez un portefeuille diversifié pour réduire l’incidence des fluctuations du marché.

Pas mal, ChatGPT. J’aurais soulevé deux points :

  1. Par le passé, les investisseurs ont été mieux servis en investissant lorsque l’indice S&P 500 se trouvait à des sommets record qu’à tout autre jour10.
  2. Au cours de chacune des trois dernières décennies, les investisseurs hypothétiques qui ont choisi le pire moment (ce qui signifie qu’ils ont investi à un sommet du marché chaque année) ont tout de même surpassé les liquidités11.

Tout le monde a son balado

Le balado The Greater Possibilities a accueilli Justin Livengood, gestionnaire de portefeuille principal des stratégies de croissance à petite et à moyenne capitalisation. Mes points à retenir :

  • L’assouplissement de la politique monétaire favorisera les marchés au cours des prochaines années.
  • Les sociétés à petite capitalisation ont profité de la baisse des taux, mais cela à elle seule n’est pas suffisant. Les bénéfices des sociétés à petite capitalisation doivent maintenir un rendement égal ou supérieur à celui des sociétés à grande capitalisation. Cela semble maintenant se produire.
  • La « grande rotation » des actions à grande capitalisation vers les actions à petite capitalisation devrait être considérée comme un événement qui se déroulera sur plusieurs années. Rappelons que la capitalisation boursière des sociétés à petite capitalisation en pourcentage de la capitalisation boursière totale aux États-Unis était de 10 % il y a dix ans. Elle a reculé à 4 %, car les sociétés à plus grande capitalisation sont devenues encore plus grandes12. Cette tendance devrait se normaliser au fil du temps.

Sur la route

Mes voyages m’ont amené à Jacksonville, en Floride, pour une série de rencontres avec des clients. Si vous avez besoin que je prenne la parole à The Brumos Collection, qui compte 35 000 pieds carrés d’automobiles anciennes et de voitures de course Porsche, je serai heureux d’y aller.

On a tendance à être aux premières loges des craintes des gens quand on fait ce que je fais dans la vie.
Les questions pouvaient porter sur la possibilité que les États-Unis deviennent une république de bananes (voir ma réponse ci-dessus), l’effondrement du dollar américain ou le fait que le pays était au bord de la Troisième Guerre mondiale. Je suis peut-être un éternel optimiste, mais je ne m’inquiète pas de ces choses. J’espère avoir mis en contexte mon optimisme. De plus, il est difficile de se plaindre lorsque vous avez une Peugeot L45 de 1914 devant vous.

On se retrouve le mois prochain. Nous avons survécu à septembre. Vous voyez? Ce n’était pas si mal. 

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bloomberg, L.P., septembre 2024. Selon les rendements de l’indice S&P 500.

  • 2

    Source : Réserve fédérale américaine, US Census Bureau, Bureau of Economic Analysis et Bloomberg. Selon les mesures suivantes : Dette et passif des sociétés non financières, ratio des stocks par rapport aux ventes au détail, investissements résidentiels en pourcentage du produit intérieur brut et écarts de taux des obligations de sociétés. Les écarts de taux des obligations de sociétés sont représentés par l’indice Bloomberg US Corporate Bond. L’écart ajusté en fonction des options est la mesure de l’écart entre le taux d’un titre à revenu fixe et le taux de rendement sans risque, qui est ensuite ajusté pour tenir compte d’une option intégrée, comme une option de rachat, anticipé ou non. 

  • 3

    Source : Réserve fédérale américaine, septembre 2024, et US Bureau of Economic Analysis, août 2024. Sur la base de la variation en pourcentage sur un an des dépenses personnelles de consommation de base. 

  • 4

    Source : Bloomberg L.P., 20 septembre 2024. Selon le taux implicite des contrats à terme sur fonds fédéraux, soit la différence entre le taux au comptant et le taux des contrats à terme, qui est un taux d’intérêt qui peut être calculé pour tout titre visé par un contrat à terme. 

  • 5

    Source : Réserve fédérale américaine, août 2024. La croissance de 11 % est fondée sur la tendance actuelle depuis le début de l’année.

  • 6

    Source : Bloomberg L.P. et AAA, 20 septembre 2024. Selon le prix du pétrole brut West Texas Intermediate aux États-Unis et la moyenne nationale quotidienne de l’essence ordinaire sans plomb.

  • 7

    Source : Bloomberg L.P., 20 septembre 2024. Selon les rendements de l’indice S&P 500.

  • 8

    Source : Bloomberg L.P.

  • 9

    Source : US Bureau of Labor Statistics, 30 juin 2024.

  • 10

    Source : Bloomberg L.P. et Invesco. Selon l’indice S&P 500 de 1957 à août 2024.

  • 11

    Source : Bloomberg L.P. et Invesco. Selon l’indice S&P 500 de 1993 à 2003, de 2003 à 2013 et de 2013 à 2023.

  • 12

    Source : Standard and Poor’s et Russell, au 31 août 2024.