Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : la vague rouge, l’incertitude entourant les droits de douane et les dépenses gouvernementales

ballon rouge
Points importants à retenir
Oui ou non?
1

Les interprétations des répercussions économiques de la victoire de Donald Trump diffèrent grandement.

Potentiel de croissance
2

Je crois qu’il existe une combinaison de politiques de réduction des impôts et de déréglementation de l’industrie qui pourrait stimuler la croissance. 

Incertitude commerciale
3

Je crains toutefois qu’une période d’incertitude entourant les politiques commerciales et manufacturières ne nuise aux investissements des entreprises.

Faites la connaissance du nouveau patron, qui est aussi l’ancien patron. Les investisseurs seront-ils de nouveau dupes?

Je me souviens de la victoire de Trump lors de la « vague rouge » en 2016. À l’époque, les marchés étaient optimistes à l’égard d’une période de plus forte croissance alimentée par les baisses d’impôt et la déréglementation. Les analystes de Wall Street prévoyaient une hausse des taux d’intérêt et un rendement supérieur des actions cycliques. Tout cela semblait prometteur, mais les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Bien que le marché boursier ait enregistré des gains importants, il a été dominé par les mêmes titres de croissance qui avaient inscrit des rendements supérieurs pendant l’administration précédente1.

En 2018, les préoccupations à l’égard de la croissance économique mondiale et les incertitudes liées aux politiques commerciales de l’administration dominaient le marché. La Réserve fédérale américaine (Fed) s’est même sentie obligée de réduire les taux d’intérêt. Le taux des obligations du Trésor à 10 ans a terminé la période à un niveau plus bas qu’il ne l’avait commencée2. Bien que la pandémie de COVID-19 ait joué un rôle, le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans avait déjà chuté à 1,5 % au troisième trimestre de 2019, soit bien avant.

La version 1.0 de Trump sera-t-elle un indicateur prévisionnel? Prévoir l’incidence de l’arrivée de l’administration Trump sur l’économie ressemble à un test de Rorschach. Certains y verront peut-être des réductions d’impôt et la libération des esprits animaux, tandis que d’autres pourraient interpréter les guerres commerciales et l’assainissement des finances publiques comme des freins à la croissance. Pour ma part, je me concentrerai sur l’interprétation de l’orientation de l’économie et de la trajectoire de la politique monétaire. Je crois que le contexte actuel de croissance stable aux États-Unis3 et d’assouplissement de la politique monétaire devrait être favorable aux marchés, même si le « Trump Trade » perd un peu de son élan4.

Les Américains ont déclaré que le changement devait arriver, mais comme le chantait The Who, « history ain’t changed » (l’histoire n’a pas changé).

Il peut s’agir d’un biais de confirmation, mais…

… la dynamique du marché pétrolier donne à penser qu’il est peu probable que les taux des obligations du Trésor américain continuent d’augmenter. Le marché obligataire américain semble s’attendre à une croissance nominale qui pourrait ne pas se manifester. Récemment, une divergence intéressante est apparue entre les prix du pétrole et les taux des obligations du Trésor américain5. Les prix du pétrole ont chuté, car l’offre continue de surpasser la demande6. Les sommets des prix du pétrole en septembre 2023 et en avril 2024 ont précédé les sommets des taux des obligations du Trésor américain à 10 ans7. Il ne serait pas étonnant que ce schéma se répète.

On a dit (partie 1)

« Nous allons être fauchés très rapidement, à moins de prendre au sérieux nos problèmes de dépenses. »

                              – Paul Tudor Jones, gestionnaire milliardaire de fonds de couverture8

Non, nous ne le serons pas! Les commentaires des titans de la finance aux États-Unis disant que nous serions fauchés très rapidement n’ont pas été utiles (ni exacts) en 2009, et ils ne le sont pas maintenant. De tels commentaires donnent aux investisseurs l’impression que le gouvernement américain ressemblera à une certaine vedette d’Hollywood qui a fait faillite en dépensant des millions de dollars pour des châteaux médiévaux, des animaux de compagnie exotiques et des os de dinosaures. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Les gouvernements ne font pas faillite, en particulier ceux qui empruntent de l’argent à même leur propre monnaie.

Un gouvernement peut toujours imprimer plus d’argent pour financer ses dépenses. Oui, cela pourrait être inflationniste. Nous venons de le vivre. Les flambées de dépenses provoquées par la COVID-19 sous les gouvernements Trump et Biden ont entraîné une flambée à court terme du taux d’inflation9. La Fed a été contrainte d’agir en relevant les taux d’intérêt jusqu’à ce que le taux d’inflation revienne à son niveau acceptable.

Que se passera-t-il si les soi-disant vigiles du marché obligataire (des investisseurs du marché obligataire qui protestent contre les politiques monétaires ou budgétaires considérées comme inflationnistes en vendant des obligations) se présentent pour donner une leçon à la Fed ou au Congrès? Je suppose que cela pourrait se produire, mais cela semble peu probable, étant donné que les attentes à l’égard de l’inflation aux États-Unis sont faibles10 et que les dépenses du gouvernement américain en pourcentage du produit intérieur brut sont conformes à leur moyenne à long terme11. Si cela change, les vigiles du marché obligataire pourraient forcer le Congrès ou les autorités monétaires à changer de cap. Le « moment Liz Truss » au Royaume-Uni en est un exemple12. Néanmoins, dans une bataille entre les vigiles du marché obligataire et la Fed, je choisirais toujours la Fed.

Arrêtons cela. Le pays n’est pas en faillite. Ces préoccupations devraient maintenant sonner comme un disque qui saute pour les investisseurs.

On a dit (partie 2)

« Je suis désolé pour Donald Trump, car, tout comme George W. Bush en 2000, il entre au bureau au sommet d’une énorme bulle des prix sur le marché boursier » 13.

                                                                                                                                                                                             – David Rosenberg, fondateur de Rosenberg Research

Les avertissements de M. Rosenberg ont causé des remous. Mes réflexions :

  • M. Rosenberg ne veut pas être connu comme un éternel baissier (« permabear » en anglais), mais il a tendance à être pessimiste. Par exemple, il prévoyait une dépression prolongée dans les années 2010.
  • Les évaluations ne sont pas des outils de synchronisation. Parmi les préoccupations de M. Rosenberg figure le fait que la prime de risque des actions (le taux de rendement des bénéfices de l’indice S&P 500 moins le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans) est près de zéro; les investisseurs prennent des risques et ne sont pas récompensés pour ces risques. La prime de risque des actions a toutefois été négative tout au long des années 1990, une décennie au cours de laquelle l’indice S&P 500 a progressé de plus de 400 %14.
  • L’indice S&P 500 se négocie à un cours supérieur à sa moyenne à long terme, mais les évaluations plus élevées ont tendance à être concentrées dans les principaux titres15. L’indice S&P 500 Equal Weight se négocie à un ratio cours-bénéfice de 20,2, comparativement à sa moyenne de 19,4 depuis la création16. Je ne qualifierais pas cela de bulle.

Comme vous l’avez demandé…

Q. : Pourquoi êtes-vous sceptique à l’égard des politiques de la nouvelle administration qui entraîneront une hausse de la croissance économique?

R : Je crois qu’il existe une combinaison de politiques de réduction des impôts et de déréglementation de l’industrie qui pourrait stimuler la croissance. Je crains toutefois qu’une période d’incertitude entourant les politiques commerciales et manufacturières ne nuise aux investissements des entreprises. Par exemple, l’ambiguïté de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en 2018 a entraîné un ralentissement marqué des investissements des entreprises et un marché baissier à court terme des actions américaines17. Les entreprises peuvent probablement s’ajuster à la hausse des droits de douane et à l’évolution des politiques industrielles, mais la clarté sera essentielle.

Téléphonez à un ami

N’y a-t-il pas beaucoup de liquidités en attente, et cela ne sera-t-il pas une bénédiction pour le marché boursier américain? J’ai posé la question à James Anania, stratège en placement d’Invesco.

Sa réponse : Même si les actifs des fonds du marché monétaire ont atteint un sommet record18, c’est une erreur de supposer que les liquidités se déplaceront soudainement vers d’autres segments du marché lorsque les taux d’intérêt diminueront. Au cours du cycle de relèvement des taux de la Fed, les 1 350 milliards de dollars investis par les ménages ont sur les marchés monétaires ont été presque équivalents aux 1 220 milliards de dollars retirés des comptes de dépôt (1 220 milliards de dollars)19. Par conséquent, le montant total des liquidités détenues par les ménages a à peine changé au cours de cette période. Ce qui a changé, c’est l’endroit où les ménages ont conservé leur argent.

Contrairement au rendement d’un compte de dépôt, établi par la banque où le compte est détenu, les taux du marché monétaire reflètent le taux d’intérêt à court terme établi par la Fed. Comme les marchés monétaires ont enregistré des rendements largement supérieurs à ceux des comptes de dépôt au cours des dernières années, les investisseurs ont simplement transféré leurs liquidités là où elles pourraient produire un rendement plus élevé.

Les liquidités (dépôts bancaires + marchés monétaires) représentent actuellement 15 % de l’actif financier des ménages, ce qui est directement conforme à la médiane sur 30 ans20. Les actions représentent maintenant un sommet record de 42 % de l’actif financier des ménages20. Par conséquent, à moins que les investisseurs n’envisagent de réduire leur pondération générale des liquidités, il est peu probable que la baisse des taux entraîne une migration importante des actifs hors des marchés monétaires et vers d’autres catégories d’actif.

Sur la route

Mes histoires de voyage ont toujours fait état de mes aventures professionnelles. Ce mois-ci, je change de registre. Mes voyages m’ont amenée à Łódz, en Pologne, pour visiter la patrie des parents (Mozsek et Shariam) et du frère (Jack) de mon beau-père. Nous avons visité leur maison et le site de l’entreprise que Mozsek détenait et exploitait avant de fuir le pays en 1939, quelques semaines avant l’invasion allemande. Nous nous sommes également retrouvés à la gare ferroviaire de Radegast, qui a servi de point de collecte (Umschlagplatz) pour le transport de nombreux membres de la famille de Mozsek et de Shariam et de milliers d’autres personnes du ghetto de Łódz aux camps de Chełmno et d’autres camps d’extermination.

Mon beau-père a été le premier membre de sa famille à marcher dans les rues de Łódź en 85 ans. C’était un moment spécial que de le voir contempler fièrement la vie que ses parents avaient bâtie dans leur belle ville. Comme l’auteur Alex Haley l’a déclaré : « En chacun de nous, il y a un besoin viscéral de connaître notre patrimoine, de savoir qui nous sommes et d’où nous venons. Sans cette connaissance enrichissante, il y a une aspiration non satisfaite. Peu importe ce que nous accomplissons dans la vie, il subsiste un vide et une solitude des plus angoissantes. » J’ai été honorée et ravie d’être aux côtés de mon beau-père alors qu’il comblait ce vide.

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bloomberg L.P. Les gains importants sont fondés sur le rendement de l’indice S&P 500. Les meneurs du marché sont établis selon le rendement supérieur de l’indice de croissance Russell 1000 par rapport à l’indice de valeur Russell 1000 pendant les années de l’administration Obama et de l’administration Trump. 

  • 2

    Source : Bloomberg L.P.

  • 3

    Source : Bloomberg L.P., Conference Board, 31 octobre 2024, selon les indicateurs économiques avancés.

  • 4

    Le « Trump trade » est généralement perçu comme un contexte où les actions cycliques, de valeur et à petite capitalisation enregistrent des rendements supérieurs.

  • 5

    Source : Bloomberg L.P., selon le prix du pétrole brut West Texas Intermediate et le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans.

  • 6

    Source : Département de l’Énergie des États-Unis, 31 octobre 2024.

  • 7

    Source : Bloomberg L.P., selon le prix du pétrole brut West Texas Intermediate et le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans.

  • 8

    Source : CNBC, « Paul Tudor Jones says market reckoning on spending is coming after election: ‘We are going to be broke’ », 22 octobre 2024.

  • 9

    Source : US Bureau of Labor Statistics, 31 octobre 2024. Selon l’indice des prix à la consommation aux États-Unis.

  • 10

    Source : Bloomberg L.P., 31 octobre 2024. Selon le taux d’inflation neutre des obligations du Trésor américain à 10 ans.

  • 11

    Source : Bureau of Economic Analysis des États-Unis, 30 septembre 2024.

  • 12

    Le « moment de Liz Truss » fait référence à son bref et tumultueux mandat de seulement 45 jours en 2022 à titre de première ministre du Royaume-Uni, soit le mandat le plus court de l’histoire du Royaume-Uni. Son mandat a été marqué par d’importantes turbulences économiques, en grande partie à cause du mini-budget de son gouvernement, qui comprenait des baisses d’impôt non capitalisées qui ont effrayé les marchés financiers et entraîné une forte hausse des coûts d’emprunt. Cette instabilité économique a finalement mené à sa démission.

  • 13

    Source : The Globe and Mail, « Why I feel sorry for Donald Trump », 13 novembre 2024.

  • 14

    Source : Bloomberg L.P., selon le rendement de l’indice S&P 500 du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1999. Il n’est pas possible d’investir directement dans les indices. Les rendements passés ne sont pas garants des résultats futurs.

  • 15

    Source : Bloomberg L.P., selon les ratios cours-bénéfice des dix principales sociétés de l’indice S&P 500.

  • 16

    Source : Bloomberg L.P., octobre 2024. Selon le ratio cours-bénéfice de l’indice S&P 500 Equal Weight du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2024.

  • 17

    Source : US Census Bureau et Bloomberg L.P., selon les dépenses en immobilisations non liées à la défense (excluant les avions et les pièces) et le rendement de l’indice S&P 500. L’indice S&P 500 a atteint un sommet de 19,8 % du 21 septembre 2018 au 24 décembre 2018.

  • 18

    Source : Investment Company Institute, 18 novembre 2024.

  • 19

    Source : Federal Reserve Economic Database (FRED). Comptes financiers des États-Unis; bilans des ménages et des organismes sans but lucratif, du premier trimestre de 1994 et du deuxième trimestre de 2024, données les plus récentes disponibles au 11 novembre 2024.

  • 20

    Source : Réserve fédérale américaine, 31 octobre 2024.