On parle d’une récession aux États-Unis depuis plus d’un an. Même si aucune récession ne s’est encore concrétisée, il est important de se souvenir que cela prend généralement de 12 à 18 mois pour que les hausses de taux d’intérêt se fassent sentir dans l’économie1. C’est pourquoi, selon nous, une légère récession pourrait se profiler à l’horizon. Nous croyons également que l’an dernier, le marché boursier américain a tenu compte d’une récession. Je surveille de près plusieurs indicateurs économiques américains qui signalent généralement une récession. Voici donc un résumé de la situation actuelle. La plupart des indicateurs sont positifs et ne signalent pas une récession. Certains sont négatifs et d’autres sont préoccupants, car ils montrent des signes de baisse.
Indicateur positif : les attentes d’inflation aux États-Unis ont considérablement diminué
L’accentuation des attentes inflationnistes accélère le cycle de resserrement de la politique monétaire, ce qui précipite la fin des cycles économiques. Tout simplement. L’inflation en 2022 a été nettement supérieure à la « zone de confort » de la Fed, ce qui a donné lieu à une série de hausses de taux d’intérêt. La bonne nouvelle : les attentes inflationnistes ont considérablement diminué selon le taux d’inflation neutre, une mesure des attentes à l’égard de la trajectoire future de l’inflation. Cette situation donne à penser que la fin du resserrement de la politique monétaire approche.2
Indicateur négatif : la courbe des taux des obligations du Trésor américain signale des difficultés économiques
Une récession se déroule habituellement en quatre étapes, et nous en sommes à la troisième.3
- La Fed amorce un cycle de resserrement.
- L’écart entre le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans et celui des titres à 2 ans s’inverse.
- L’écart entre le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans et celui des titres à 3 mois s’inverse.
- La récession commence un ou deux ans plus tard.
Indicateur positif : les écarts de taux aux États-Unis se sont légèrement élargis, mais demeurent bien soutenus
Les marchés des obligations de sociétés font souvent office de sonnette d’alarme, indiquant d’avance que les conditions économiques s’affaiblissent considérablement. Les écarts de taux, mesurés par l’écart corrigé des options de l’indice Bloomberg US Corporate High Yield Bond, se sont légèrement élargis en raison du resserrement de la politique monétaire, mais demeurent inférieurs aux niveaux observés avant les récessions passées4. Cette évolution témoigne probablement de la vigueur fondamentale actuelle des entreprises américaines.
Indicateur préoccupant : le resserrement des conditions financières aux États-Unis laisse entrevoir une contraction de l’économie
Les conditions financières se sont considérablement resserrées, en raison de la hausse des taux d’intérêt réels et de l’appréciation du dollar américain par rapport aux monnaies de ses principaux partenaires commerciaux (par exemple, l’euro, le yen et le yuan). Des indicateurs économiques avancés, comme l’indice des directeurs d’achats du secteur manufacturier de l’Institute for Supply Management, signalent une contraction (l’indice est inférieur à 50), mais pourraient toucher leur creux5. La question cruciale : un assouplissement des conditions financières entraînera-t-il d’autres hausses des taux d’intérêt et d’autres pressions sur l’économie américaine?
Indicateur positif : la croissance du volume des obligations de sociétés demeure relativement faible
Les données fondamentales de l’économie demeurent solides. En règle générale, une récession est précédée d’une forte croissance du volume des obligations de sociétés. Cela ne semble pas être le cas actuellement6.
Indicateur préoccupant : les normes d’octroi de prêts des banques américaines se resserrent
Les banques resserrent leurs normes d’octroi de prêts, ce qui est souvent le cas avant les récessions. Les banques ont tendance à se préoccuper davantage des créanciers à mesure que la croissance ralentit. Plus de la moitié des répondants au sondage de la Réserve fédérale auprès des responsables principaux des prêts font état d’un resserrement des normes d’octroi de prêts aux grandes et moyennes entreprises7.
Indicateur négatif : le pessimisme des consommateurs américains est un signe probable d’un ralentissement de la croissance
La confiance des consommateurs s’est considérablement détériorée, en raison de la hausse des prix de l’essence et des aliments et des prix élevés de la plupart des biens et des services de consommation compris dans l’indice des prix à la consommation (IPC) des États-Unis. (Toutefois, le récent ralentissement de l’inflation pourrait être une bonne nouvelle.) Les consommateurs ont été remarquablement résilients jusqu’à présent et leur confiance s’est accrue récemment, selon l’indice de confiance de l’Université du Michigan8. Cela mérite d’être surveillé, car la consommation est l’épine dorsale de l’économie américaine.
Indicateur positif : le marché américain de l’emploi est robuste
Le marché de l’emploi est vigoureux. Le taux de chômage est actuellement de 3,8 %9. Est-ce que cette situation va continuer? La Fed peut-elle ramener l’inflation à un niveau plus raisonnable sans augmenter le taux de chômage?
Indicateur positif : le marché américain de l’habitation demeure relativement solide
Le nombre d’autorisations de mises en chantier de logements aux États-Unis a tendance à diminuer avant une récession, ce qui pourrait commencer à se produire. Les nouvelles mises en chantier de logements privés autorisées, mais non commencées, ont diminué depuis le début de l’année, selon le US Census Bureau10.
Perspectives : une récession légère et brève
Même si la plupart des indicateurs économiques que je surveille ne laissent pas entrevoir une récession aux États-Unis, certains sont négatifs et d’autres sont préoccupants. Toutefois, compte tenu des effets retardés du resserrement monétaire, nous croyons que les États-Unis pourraient connaître une légère récession au début de 2024.