Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : Retour à la normale

Une foule de gens s’apprêtant à voyager.
Points importants à retenir
Actions et assouplissement
1

En moyenne, le marché boursier américain s’est bien comporté au début des cycles d’assouplissement décidés par la Réserve fédérale.

Concentration du marché
2

La perspective d’un cycle d’assouplissement et le retour à la normale de la courbe des taux pourraient contribuer à accroître de nouveau la participation au marché.

Indépendance de la Fed
3

Notre système est structuré de façon à ce qu’il soit très difficile de remettre en cause l’indépendance de la Réserve fédérale.

Je déclare la fin de la crise de COVID-19. Le commentaire est audacieux, n’est-ce pas? S’il est vrai que les quarantaines semblent bien loin derrière nous, les conséquences de la pandémie ont continué de se faire sentir. C’est ce qui arrive lorsque les décideurs inondent l’économie mondiale d’argent au moment même où les entreprises resserrent leurs effectifs et réduisent leurs stocks. Il ne s’agit pas de critiquer les décideurs. Je pense qu’ils ont ainsi évité une véritable catastrophe mondiale. Mais cela a ouvert la voie à l’inflation, au resserrement de la politique monétaire et à la crainte d’une récession. Certains commentateurs ont même avancé que nous étions au bord d’une nouvelle période d’inflation, ou pire encore, de stagflation. Il a fallu attendre le début de ce mois pour qu’un important dirigeant de banque avertisse que les taux d’intérêt allaient atteindre 7 %. Si ce n’est plus! À l’image des amateurs de paris sportifs, misons sur le moins.

La variation annuelle de 2,75 % de l’indice de base des prix des dépenses personnelles de consommation1 a conforté ma position. De mon point de vue, ce chiffre est un indicateur de stabilité des prix et se trouve dans ce que j’ai toujours perçu comme la « zone de confort » de la Réserve fédérale. Il donne également à penser que la cible actuelle de 5,25 % à 5,50 % pour les taux des fonds fédéraux2 est probablement trop restrictive compte tenu du contexte d’inflation. Un cycle d’assouplissement semble se préparer et, par conséquent, je prévois un retour à la normale de la courbe des taux des obligations du Trésor américain, après 19 mois d’inversion3. J’insiste sur « retour à la normale », même si mon dernier test de dépistage remonte à loin.

Il peut s’agir d’un biais de confirmation, mais…

En moyenne, le marché boursier américain s’est bien comporté au début des cycles d’assouplissement décidés par la Réserve fédérale4; du moins, si l’économie est en récession avant le début du cycle d’assouplissement ou s’il n’y a pas de récession. Les cycles d’assouplissement qui ont précédé les récessions ont été moins favorables aux investisseurs. Je suppose que c’est toujours une possibilité, mais nos indicateurs de récession préférés, dont les écarts de taux des obligations de sociétés5 et les normes d’octroi de prêt des banques6, n’émettent pas de signaux d’avertissement de récession.

 

On a dit…

« Je crois que l’indice S&P va diminuer de 86 % par rapport à sa valeur maximale et de 92 % par rapport au Nasdaq. »

– Harry Dent, économiste7

Un ami m’a un jour conseillé de faire des commentaires extravagants pour faire les gros titres. Je n’ai jamais eu pour objectif de faire les gros titres. Personnellement, je veux que les investisseurs restent au-dessus de la mêlée afin que leurs émotions ne les incitent pas à s’écarter de leur plan de placement.

Harry Dent a certainement fait les gros titres au début de ce mois. Certains m’ont demandé si j’accordais de la crédibilité à son point de vue. J’ai répondu que j’accordais autant de crédibilité à ce commentaire qu’à la prédiction de Harry Dent concernant une grande dépression prolongée à partir de 2009 et une chute de l’indice Dow Jones à partir de 2012. De même, vous souvenez-vous de sa théorie sur la vague de dépenses? L’idée était que les baby-boomers réduiraient considérablement leurs dépenses lorsqu’ils seraient âgés de 48 à 63 ans, ce qui mettrait les marchés financiers dans une situation très difficile. Croyez-en quelqu’un qui a 48 ans et 2 adolescentes à la maison : la théorie de la vague de dépenses est une « fadaise », pour reprendre les mots du président Biden.

Téléphonez à un ami

On m’a envoyé beaucoup de questions sur la future indépendance de la Réserve fédérale américaine. Les alliés de l’ancien président Trump ont fait circuler un document de 10 pages décrivant une vision de la banque centrale dans laquelle, entre autres, le président serait consulté sur les décisions de politique monétaire. Le sentiment d’un manque d’indépendance de la politique monétaire pourrait avoir des conséquences importantes sur les taux d’intérêt et le dollar américain.

J’ai demandé à Jen Flitton, cheffe des relations avec le gouvernement américain à Invesco, ce qu’elle en pensait. Voici sa réponse :

« Le système est structuré de façon à ce qu’il soit très difficile de remettre en cause l’indépendance de la Fed. Toute modification officielle des activités ou de l’indépendance de la Réserve fédérale américaine exigerait l’aval du Congrès pour amender le Federal Reserve Act. Une telle modification de statut nécessiterait 60 voix au Sénat, une barrière extrêmement haute à franchir. Même si les républicains font un triplé en novembre, c’est-à-dire qu’ils remportent les élections présidentielles ainsi que des victoires à la Chambre des représentants et au Sénat, ils n’auront pas les voix nécessaires au Sénat pour modifier en profondeur le fonctionnement de la Fed.

Cela dit, il suffit de 51 voix au Sénat pour confirmer la nomination d’un nouveau président de la Fed. En 2026, lorsque le mandat de Jerome Powell prendra fin, et si Trump est président, il est possible que le nouveau président de la Fed soit davantage redevable à la Maison-Blanche. Néanmoins, 5 des 12 membres du Federal Open Market Committee n’auront pas été nommés par le vainqueur de l’élection de 2024. »

Puisque vous m’avez posé ces questions... (partie 1)

Q. : Qu’est-ce qu’il faudrait changer pour que le marché boursier américain soit moins concentré?

R. : Le rendement du marché à la fin de 2023 pourrait fournir un contexte utile pour réfléchir à l’avenir. Les actions à petite capitalisation, représentées par l’indice Russell 2000, ont progressé de plus de 20 % au cours de la période de 2 mois close le 31 décembre 20238. Au cours de la même période, l’indice S&P 500 Equal Weight a surpassé de plus de 3 % l’indice S&P 500, qui est pondéré en fonction de la capitalisation boursière9. Ce rendement supérieur est survenu lorsque les attentes des investisseurs à l’égard des baisses de taux en 2024 sont passées de 3 à 6. Il n’en a rien été. Le rendement des actions américaines a été de plus en plus concentré au premier semestre de 2024, lorsque les attentes à l’égard des baisses de taux ont été tempérées.

La perspective d’un cycle d’assouplissement et le retour à la normale de la courbe des taux pourraient contribuer à accroître de nouveau la participation au marché.

Puisque vous m’avez posé ces questions... (partie 2)

Q. : Craignez-vous qu’un président américain puisse décider de quitter l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord)?

R. : Non. La National Defense Authorization Act pour l’exercice 2024 interdit au président de se retirer unilatéralement de l’OTAN sans l’approbation des deux tiers du Sénat ou une loi du Congrès. De plus, 23 pays membres de l’OTAN (dont la France et l’Allemagne) devraient respecter l’engagement de dépenses militaires à hauteur de 2 % du produit intérieur brut prévu par l’OTAN cette année, contre 11 en 2023 et seulement 3 en 201410

Tout le monde a son balado

Kristina Hooper, stratège en chef des marchés mondiaux à Invesco, a participé au balado « Greater Possibilities » pour discuter des perspectives de mi-année. Kristina est restée persuadée que l’économie américaine serait résiliente et que la Réserve fédérale américaine abaisserait les taux d’intérêt cette année, peut-être plus d’une fois. Les marchés lui ont donné raison, et elle continue de privilégier l’exposition aux actifs risqués pour le deuxième semestre de 2024.

Découvrez les perspectives de placement de mi-année

Automatiser mon travail?

Chaque mois, je pose une question à ChatGPT – l’agent conversationnel axé sur l’intelligence artificielle – et j’évalue la réponse.

Q. : Les obligations à rendement élevé font-elles piètre figure lorsque les écarts de taux des obligations de sociétés sont serrés?

R. : Oui, les obligations à rendement élevé ont tendance à offrir des résultats médiocres lorsque les écarts de taux sont serrés. En effet, les écarts de taux serrés sont le signe que les investisseurs exigent une rémunération moindre pour le risque accru lié à la détention d’obligations de qualité inférieure. Lorsque les écarts sont faibles, la marge de rémunération diminue et le risque de défaillance devient plus important par rapport au rendement potentiel. Par conséquent, le rendement total des obligations à rendement élevé pourrait être inférieur pendant les périodes où les écarts sont serrés par rapport aux périodes où ils sont plus importants, et l’arbitrage risque-rendement plus favorable.

C’est une réponse acceptable, ChatGPT. Je préfère toutefois que les investisseurs considèrent le taux de rendement comme une évaluation raisonnable du rendement prévisionnel sur 5 ans, indépendamment des écarts de taux. Le graphique ci-dessous montre que, dans de nombreuses situations, le rendement provient en grande partie du taux de rendement. À l’heure actuelle, le taux de rendement de l’indice Bloomberg US Corporate High Yield Bond est de 8 %11. Il s’agit potentiellement d’un rendement comparable à celui des actions mondiales, sans la volatilité historique des actions12. Je ne suis pas certain de vouloir éviter un taux de rendement de 8 % simplement parce que les écarts de taux sont serrés.

Sur la route

Mes voyages m’ont mené à Minneapolis à la rencontre de professionnels de la finance. En marge de nos entretiens, il m’a été demandé de me prononcer sur le nouvel accord pétrodollar. Je reconnais, non sans gêne, que la question m’a pris de cours. Je n’en avais pas entendu parler et ne m’en suis pas caché. Après vérification, il y avait une bonne raison à cela. Un article devenu viral affirmait qu’un accord cinquantenaire entre les États-Unis et l’Arabie saoudite, qui obligeait cette dernière à vendre ses exportations de pétrole brut en dollars américains, avait expiré. Sur les médias sociaux, les spéculations allaient bon train quant au coup fatal que cet événement allait porter au dollar américain. L’inquiétude me paraît légitime, si l’on met de côté le fait que l’article diffusé sur les médias sociaux était faux. Avec le recul, je suis heureux que mon utilisation minimale de ces réseaux ait provoqué ma sidération.

Voici ce que j’aurais répondu si j’avais su ce que j’ai lu depuis :

  • L’Arabie saoudite et les États-Unis n’ont jamais eu d’accord secret visant la vente de pétrole en dollars américains pendant 50 ans. Les deux pays avaient simplement intérêt à ce qu’il en soit ainsi.
  • L’Arabie saoudite a indiqué qu’elle était disposée à vendre du pétrole dans d’autres devises.
  • Elle continue de favoriser le dollar américain en raison de ses liens économiques et militaires étroits avec les États‐Unis et du fait que le royaume a besoin de dollars pour transporter et assurer ses exportations de pétrole.
  • Ne croyez pas tout ce que vous lisez!

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bureau of Economic Analysis des États-Unis, 31 mai 2024.

  • 2

    Source : Réserve fédérale américaine, juin 2024.

  • 3

    Source : Bloomberg, au 17 juin 2024. D’après la différence entre le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans et celui des titres à 3 mois.

  • 4

    D’après le rendement moyen de l’indice S&P 500 12 mois avant et 12 mois après le début des 16 derniers cycles d’assouplissement. Sources : Federal Reserve Economic Database (FRED) et Bloomberg L.P., 31 mai 2024. 

  • 5

    Source : Bloomberg, au 17 juin 2024. D’après l’écart ajusté en fonction des options de l’indice Bloomberg US Corporate Bond.

  • 6

    Source : Réserve fédérale américaine, 31 mai 2024. D’après le pourcentage net de responsables des prêts des banques qui ont fait état du resserrement ou de l’assouplissement des normes d’octroi de prêt aux moyennes et grandes entreprises.

  • 7

    Source : Fox Business, « Economist Harry Dent predicts stock market crash worse than 2008 crisis : The ‘bubble of all bubbles’ », 10 juin 2024

  • 8

    Source : Bloomberg, 31 mai 2024.

  • 9

    Source : Bloomberg, 31 mai 2024.

  • 10

    Source : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, 31 mai 2024.

  • 11

    Source : Bloomberg, 31 mai 2024. D’après le rendement le plus faible de l’indice Bloomberg US Corporate High Yield Bond. 

  • 12

    Source : Invesco et Bloomberg. Volatilité historique mesurée par l’écart-type des rendements mensuels sur une période mobile de 1 an de l’indice S&P 500 (0,16) et de l’indice Bloomberg US Corporate High Yield Bond (0,12) du 29 juillet 1983 au 31 mai 2024.