Marchés et économie

Les records boursiers : Un cas d'exubérance rationnelle

Travailleurs au centre de ville de Londres au crépuscule
Points importants à retenir
Actions américaines
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Les déclarations de bénéfices des « sept magnifiques » des derniers trimestres ont largement confirmé le bien-fondé de l'engouement qu’elles suscitent.

Marchés européens
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Les données macroéconomiques semblent relativement faibles, mais c’est plutôt encourageant pour ce qui est des perspectives d’inflation et du potentiel de baisses de taux.

Marché boursier japonais
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Malgré le nouveau sommet du marché boursier japonais, les évaluations de la Bourse de Tokyo sont beaucoup plus basses que pendant la période de la « bulle spéculative ».

J’adore les records. Quand j’étais enfant, je dévorais le Livre des records Guinness. J’étais moins inspirée par des exploits tels que la première gymnaste à obtenir une note parfaite (car je n’étais même pas capable de faire une culbute), mais j’étais très inspirée par la personne qui était capable d’enfiler le plus grand nombre de chaussettes dans un pied en 30 secondes ou celle qui pouvait mettre le plus grand nombre d’élastiques sur son visage en une minute (à 10 ans, je me disais que ces records pouvaient être « fracassés »).

Il y a quelques semaines, j’ai célébré un autre type de record lorsque l’équipe de basket-ball de ma fille est entrée dans l’histoire de l’école en réussissant une saison sans défaite (j’avais l’impression de me racheter de mes piètres performances à l’époque où je jouais dans la même équipe au secondaire et que nous étions loin d’une saison sans défaite).

La semaine dernière, un certain nombre de records ont été fracassés, alors que les principaux indices boursiers aux États-Unis, en Europe et au Japon ont atteint des sommets inégalés. Mais, contrairement aux records sportifs, les records boursiers s’accompagnent généralement d’une préoccupation majeure : s’agit-il d’un cas d’« exubérance irrationnelle »?

Je ne crois pas que ce soit le cas. Je considère que l’exubérance que nous observons en ce moment est rationnelle et je vais vous expliquer pourquoi.

Qu'est-ce qui a conduit les marchés boursiers mondiaux à des performances records la semaine dernière?

Le 22 février, les principaux indices boursiers aux États-Unis, en Europe et au Japon ont atteint de nouveaux sommets :

  • L’indice Dow Jones des valeurs industrielles et l’indice S&P 500 ont clôturé à des niveaux records.1
  • L'indice Stoxx Europe 600 a clôturé à 495,1 points et battu son précédent record du début de janvier 2022.1
  • L’indice Nikkei 225 a clôturé à 39 068 points.1

Qu’est-ce qui a engendré pareils rendements? Le catalyseur de ce redressement mondial a été la déclaration de bénéfices d’une société, NVIDIA, qui a contribué à renforcer le sentiment positif à l’égard du secteur des technologies de l’information, ce qui, à son tour, a fait grimper les principaux indices. Certains stratèges et observateurs du marché en ont conclu que nous étions en présence d’une « exubérance irrationnelle », pour reprendre le terme inventé par Alan Greenspan, président de la Réserve fédérale il y a plus de 25 ans, dans un contexte de surachat et de valorisations exorbitantes. Mais est-ce vraiment le cas?

Certains ont du mal à comprendre comment le rendement d’un seul titre peut être le facteur le plus important qui pousse les indices du monde entier à se hisser à de nouveaux sommets. Mais je suis assez vieille pour me souvenir à quel point les possibilités offertes par l’internet ont inspiré les investisseurs à la fin des années 90. L’enthousiasme suscité par les valeurs technologiques, en particulier les entreprises liées à Internet, avait contribué à propulser les principaux indices américains vers de nouveaux sommets au cours de cette période.

À l’époque, ces entreprises ne reposaient sur aucune base fondamentale solide, mais seulement sur des espoirs et des rêves, ainsi que sur une vague idée du potentiel de transformation de l’économie qu’elles représentaient. À l’époque, les analystes se concentraient beaucoup plus sur les ratios cours-ventes car les entreprises technologiques qui dégageaient des bénéfices réels étaient plutôt rares, ce qui rendait les comparaisons de ratios cours-bénéfice (C/B) somme toute inutiles. Cette fois-ci, c'est différent. L’excitation et les rêves s’appuient sur des données fondamentales concrètes; il suffit de consulter la déclaration de bénéfices de NVIDIA pour le constater.

Les bénéfices des « sept magnifiques » confirment l’enthousiasme du marché

On a l’impression que le marché boursier américain se négocie à des valorisations extrêmement élevées. S’il est vrai que l’indice S&P 500 se négocie à un ratio cours-bénéfice supérieur à la moyenne2, cette situation est en grande partie imputable à quelques titres seulement; c’est la raison pour laquelle les observateurs décrivent le marché boursier comme étant très « concentré ».

La bonne nouvelle est que ce petit groupe de titres surnommé les « sept magnifiques » a comblé les attentes élevées des investisseurs. Les déclarations de bénéfices des « sept magnifiques » des derniers trimestres ont largement confirmé le bien-fondé de l'engouement qu'elles suscitent. Compte tenu de leurs performances collectives, les valorisations des sept magnifiques restent élevées par rapport à l’ensemble du marché boursier américain, mais la croissance de leurs bénéfices devrait être près de cinq fois supérieure à celle des 493 autres titres de l’indice S&P 500 au cours de la prochaine année.3 Il ne s’agit donc pas d’« exubérance irrationnelle », mais plutôt d’« exubérance rationnelle ».

Le Japon fait preuve d’exubérance rationnelle

L’exubérance rationnelle se manifeste également au Japon. Le nouveau sommet de l’indice japonais Nikkei 225, atteint le 22 février, dépasse le précédent qui remonte à l’époque où j’étais – hélas – à l’université, en décembre 1989.4 Ce nouveau record s’inscrit dans le sillage de la très forte reprise amorcée récemment.

Cela étant dit, les cours boursiers japonais ne sont pas encore surévalués. En fait, le dernier ratio C/B du TOPIX 500 pour les 12 prochains mois était de 16,18 fois les bénéfices, ce qui reste inférieur à la moyenne des 15 dernières années de 16,58 fois les bénéfices.4 On est loin des ratios C/B de la Bourse de Tokyo pendant la « bulle spéculative » qui avaient atteint plus de 60 fois les bénéfices en 1989.4

Étant donné que les prévisions de forte croissance des bénéfices sont à l’origine de la récente hausse des cours boursiers, je crois que les investisseurs devraient se sentir à l’aise avec le nouveau record du Nikkei 225 et le considérer comme un simple jalon sur une trajectoire potentiellement ascendante. Selon moi, les cours boursiers japonais devraient continuer d’évoluer à la hausse.

La politique monétaire pourrait être une force positive à l’échelle mondiale

Je crois que d’autres facteurs liés à la politique monétaire expliquent les nouveaux records établis par certains des principaux indices boursiers. La faiblesse relative des données économiques et le ralentissement de la croissance des salaires permettent d’espérer une baisse de taux de la Banque centrale européenne dans un avenir assez rapproché. Par ailleurs, la diminution de l’inflation au Japon nous porte à croire que la Banque du Japon va commencer à ramener sa politique monétaire à la normale, mais très graduellement, car elle souhaite favoriser un taux d’inflation plus élevé et ne veut surtout pas l’étouffer.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer la possibilité que la politique monétaire américaine agisse comme un catalyseur positif pour les marchés boursiers du monde entier. Cela tient au fait que les attentes à l’égard de la Fed sont assez faibles, car les marchés ont commencé à anticiper un moins grand nombre de baisses de taux, qui devraient débuter plus tard dans l’année. Les marchés nous signalent ce changement de prévisions de baisses de taux de différentes manières : le dollar américain s’est apprécié et les obligations américaines à rendement élevé ont surpassé les obligations américaines de qualité.5

Ce que j’ai appris par expérience avec ma propre famille, c’est que plus je place la barre basse pour mon mari et mes enfants, plus ils sont susceptibles de la dépasser. J’espère donc que la Fed va continuer à tenir un discours belliciste et qu’elle surprendra agréablement en procédant à des baisses de taux dès le deuxième trimestre et qu’il y aura plus de baisses de taux que le marché n’en attend en ce moment. Ce serait un autre argument en faveur d’un rendement positif des actifs à risque cette année.

Des baisses de taux et une augmentation des revenus réels pourraient contribuer à une réaccélération de la croissance économique dans le courant de l’année. Cela pourrait entraîner un élargissement du marché boursier, ce qui permettrait aux sociétés à petite capitalisation et aux valeurs cycliques de mieux se comporter dans l’anticipation d’un redressement économique.

La prochaine semaine

Cette semaine, nous attendrons tous avec impatience l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle. Il s’agit de l’indicateur d’inflation de prédilection de la Fed. Cet indice aura probablement un impact significatif sur les membres du Federal Open Market Committee qui cherchent à confirmer la tendance désinflationniste en cours. Je m’attends à une vive réaction des marchés si l’indice est sensiblement supérieur ou inférieur aux prévisions consensuelles, car il aura une incidence sur les attentes concernant la politique monétaire de la Fed.

Rédigé en collaboration avec Tomo Kinoshita et James Anania

Dates à surveiller :

Date

Rapport

Ce qu'il nous dit

27 février

Indice de confiance des consommateurs du Conference Board

Sondage mensuel sur les attitudes des consommateurs américains, leurs prévisions de dépenses et leurs attentes en matière d'inflation, de cours boursiers et de taux d'intérêt.

 

Commandes de biens durables aux États-Unis

Suit le volume des nouvelles commandes passées auprès des fabricants de biens durables.

 

Réunion sur la politique monétaire de la Banque de réserve de la Nouvelle-Zélande

Révèle la plus récente décision concernant la trajectoire des taux d'intérêt.

 

Indice de confiance des consommateurs GfK de l’Allemagne

Mesure un éventail d'attitudes des consommateurs, y compris leurs attentes concernant la situation économique générale et la santé financière des ménages.

28 février

Indice de confiance des consommateurs de la zone euro

Suit l'évolution de la perception qu'ont les consommateurs de leurs finances et de l'économie.

 

Indice de confiance des entreprises de la zone euro

Évalue la confiance des entreprises sur une base mensuelle.

 

Anticipations d’inflation des consommateurs de la zone euro

Sonde les anticipations d’inflation des consommateurs.

 

Produit intérieur brut des États-Unis (PIB)

Mesure l’activité économique d’une région.

 

Production industrielle du Japon

Donne une indication de la santé économique du secteur de l’industrie.

 

Ventes au détail au Japon

Sonde la demande des consommateurs.

29 février

Indice Nationwide des prix de l'immobilier au Royaume-Uni

Donne une indication de la santé du marché de l’habitation.

 

Indice des prix à la consommation (IPC) de l’Allemagne

Suit la trajectoire de l'inflation.

 

Indice des dépenses de consommation personnelle des États-Unis

Suit la trajectoire de l'inflation.

 

PIB du Canada

Mesure l’activité économique d’une région.

 

Indices PMI de la Chine

Donnent une indication de la santé économique des secteurs manufacturier et tertiaire.

1er mars

IPC de la zone euro

Suit la trajectoire de l'inflation.

 

Sondage final de l’Université du Michigan sur les attentes des consommateurs

Analyse les attentes en matière d’économie et de dépenses personnelles des consommateurs américains.

Découvrez ce à quoi nous nous attendons des marchés et de l’économie en 2024 : Lisez nos Perspectives de placement pour 2024 et écoutez notre baladodiffusion.

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Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bloomberg, au 23 février 2024. L’indice S&P 500 a atteint un sommet de 5 088 points le 22 février 2024. L'indice Dow Jones des valeurs industrielles s'est hissé à un sommet de 39 131,53 points le 22 février 2024.

  • 2

    Sources : Bloomberg, au 31 janvier 2024. Le ratio cours‑bénéfice des douze prochains mois du S&P 500 est de 20,4 fois. Il est supérieur à la moyenne sur 5 ans de 19,0 fois et sur dix ans de 17,7 fois. Source : Factset, au 16 février 2024.

  • 3

    Source : Bloomberg. Rendement total, ratio cours-bénéfice des douze prochains mois et bénéfice par action prévisionnel sur un an de l’indice des sept magnifiques, de l’indice S&P 500 et de l’indice S&P excluant les sept magnifiques au 23 février 2024.

  • 4

    Source : Bloomberg, au 23 février 2024

  • 5

    Source : Bloomberg, au 23 février 2024. Indice S&P 500 des obligations de sociétés de qualité vs indice S&P 500 des obligations de sociétés à rendement élevé, catégorie B