J’ai eu l’immense plaisir de faire une présentation lors d’un événement à Colorado Springs la semaine dernière. En retournant à l’aéroport, j’ai réalisé que mon chauffeur maîtrisait de manière impressionnante les légendes urbaines locales. Il m’a raconté une anecdote intéressante : Les théoriciens du complot croient que les corps extraterrestres récupérés de l’écrasement d’un OVNI en 1947 à Roswell, au Nouveau-Mexique, sont maintenant stockés sous l’aéroport de Denver (il a expliqué que le gouvernement les a retirés de la zone 51 parce qu’elle attirait trop l’attention). Je dois dire que j’ai rapidement regardé autour de moi à mon arrivée à l’aéroport, mais que je n’ai vu aucun signe d’installation d’entreposage extraterrestre. Puis, je me suis dit qu’il était préférable de consacrer mon temps à dissiper les mythes sur les marchés boursiers et les placements dont j’entends parfois parler dans mes voyages.
Mythe no 1 : La relation entre l’économie et les marchés boursiers
L’un des mythes est qu’une économie doit être en très bon état pour que son marché boursier se porte bien. Ce n’est tout simplement pas vrai. Les États-Unis en 2009 en sont un bon exemple. La croissance du produit intérieur brut des États-Unis a reculé de 4,3 % cette année-là.1 Toutefois, l’indice S&P 500 a inscrit un rendement de 23,45 % pour le prix simple et de 26,46 % pour le rendement total en 2009.2
Les conditions économiques peuvent être quelque peu faibles, voire très mauvaises, et les actions peuvent tout de même progresser en raison de divers catalyseurs comme l’assouplissement de la politique monétaire, les surprises économiques ou les bénéfices positifs. C’est pourquoi je crois qu’il faut examiner les secteurs du marché boursier où il y a des « difficultés » et des attentes faibles; ces secteurs pourraient avoir un potentiel de hausse important lorsqu’il y a une certaine forme de surprise positive.
Les actions britanniques en sont un exemple. Les évaluations ont été très intéressantes, à mon avis – le ratio cours/bénéfice (C/B) de l’indice MSCI Royaume-Uni est de 12,86 et son ratio C/B prévisionnel est de 11,66 – et le rendement en dividendes moyen est assez robuste, à 3,64 %.3 Le budget de l’automne, qui sera publié à la fin du mois, suscite beaucoup de nervosité à court terme, et l’optimisme à long terme à l’égard du potentiel de l’économie britannique est négatif en raison de certains facteurs structurels défavorables. Mais je vois un risque de surprise positive. Le budget pourrait ne pas imposer un fardeau fiscal aussi élevé que prévu, ou peut-être que le simple fait de publier le budget et d’éliminer cette incertitude pourrait être un catalyseur positif pour les actions. Il existe également un risque de surprise économique positive. Les ventes au détail au Royaume-Uni ont été meilleures que prévu en septembre, même si la confiance des consommateurs britanniques a récemment diminué. Le taux de chômage au Royaume-Uni a diminué au cours des trois derniers mois. De plus, les données sur l’inflation de septembre donnent à penser que la Banque d’Angleterre, un autre moteur possible des actions, pourrait encore réduire ses taux cette année.
La situation est semblable pour les actions de la zone euro. Les récents sondages de l’indice des directeurs d’achats (PMI) donnent à penser que l’économie est faible, mais l’inflation a considérablement diminué, ce qui donne à penser que la Banque centrale européenne (BCE) pourrait aussi réduire ses taux cette année. Les évaluations étant également relativement faibles – le ratio C/B de l’indice MSCI Europe est de 15,2 – et le rendement en dividendes des actions européennes supérieur à 3 %3 a également un potentiel dans ce contexte, d’autant plus que les prévisions de bénéfices ont été réduites en raison des craintes d’une hausse des impôts et des tarifs douaniers. Les attentes sont encore plus faibles maintenant, de sorte qu’il y a probablement plus de place pour des surprises positives.
Mythe no 2 : La relation entre l’or et les actions
Un autre mythe est que l’or et les actions ne se comportent pas bien en même temps. La théorie sous-jacente est que l’or se comporte généralement bien dans un contexte d’« aversion » pour le risque, tandis que les actions se comportent généralement bien dans un contexte d’« appétit » pour le risque. En effet, par le passé, l’or et les actions ont affiché une corrélation faible ou négative, à quelques exceptions près, car les investisseurs ont évité les actions et se sont rués vers l’or comme catégorie d’actif « refuge » dans des contextes d’aversion pour le risque.4 Mais cela a commencé à changer pendant la pandémie, l’or étant de plus en plus étroitement corrélé avec les actions.4
Au cours des derniers mois, l’or a affiché une corrélation positive très élevée avec les actions.4 Par exemple, la semaine dernière, l’or a atteint un autre sommet record, soit environ 2 700 $ l’once, tandis que les actions ont également atteint des sommets records la semaine dernière, l’indice S&P 500 clôturant à 5 864.5 Il semble que les investisseurs aient largement tendance à prendre des risques à l’égard des portefeuilles, mais qu’ils couvrent également le risque, en particulier le risque géopolitique, en investissant dans l’or.
Il s’agit d’un bon exemple de diversification en action. Les investisseurs peuvent avoir de l’« appétit » pour le risque et profiter du potentiel d’appréciation du capital des actions, mais ils doivent être « conscients du risque » en utilisant l’or pour se protéger contre les risques de baisse liés à l’incertitude et aux turbulences géopolitiques. Cela dit, l’or n’est qu’une composante plus petite d’un portefeuille. Je préfère une bonne diversification et une exposition à d’autres catégories d’actif dont la corrélation avec les actions est historiquement faible.
Mythe no 3 : Stratégie des banques centrales
Une autre légende urbaine est que les banques centrales savent déjà ce qu’elles veulent bien faire avant leurs réunions. Je rencontre souvent des gens qui croient que les débats de la Réserve fédérale américaine (Fed) lors de ses réunions régulières sont tous productifs et que la Fed sait bien à l’avance ce qu’elle prévoit faire à chaque réunion. Ce n’est pas vrai.
Au cours des dernières années, la Fed a réagi de plusieurs façons aux données. Par exemple, en décembre 2021, le graphique à points de la Fed prévoyait que le taux des fonds fédéraux serait de 90 points de base à la fin de 2022.6 Toutefois, le taux des fonds fédéraux était en fait de plus de 400 points de base à la fin de 2022.7 C’est parce que la Fed et les autres banques centrales dépendent des données, et les données n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes.
Pas plus tard que la semaine dernière, Chris Waller, gouverneur de la Fed, a laissé entendre que le graphique à points que la Fed a publié à sa réunion de septembre pourrait être quelque peu désuet, expliquant, « Selon moi, l’ensemble des données indiquent que la politique monétaire devrait être plus prudente à l’égard du rythme des réductions de taux que ce qui était nécessaire à la réunion de septembre ».
C’est le cas également des autres grandes banques centrales. Par exemple, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, a également clairement indiqué que la BCE modifie sa politique monétaire en fonction des données, même si elle établit une distinction entre les données et les points de données, ce qui donne à penser que la BCE modifie sa politique monétaire en fonction des tendances économiques.
Un mythe en prime : Élections et marchés
Bien sûr, un autre mythe est que les élections ont une incidence majeure sur les marchés, un sujet approprié étant donné que l’élection présidentielle américaine aura lieu dans seulement deux semaines. Même si les élections peuvent certainement causer de la volatilité à court terme, elles n’ont généralement pas d’incidence importante sur les marchés à long terme.
Par exemple, aux États-Unis, l’indice S&P 500 a inscrit des rendements positifs dans la plupart des administrations, à quelques exceptions près, depuis 1929. Ces rares exceptions sont les présidences qui se sont terminées par de profondes récessions : la présidence de Herbert Hoover, la présidence de Richard Nixon et la présidence de George W. Bush. Toutes les autres présidences depuis 1929 ont enregistré des gains annualisés de près de 10 % ou plus sur le marché boursier, même si bon nombre d’entre elles ont connu une volatilité importante.8
Il est également important de souligner que les marchés n’ont pas historiquement produit les résultats attendus compte tenu des politiques du parti au pouvoir. Par exemple, en 2021 et 2022, le président Joe Biden a promulgué trois grands projets de loi qui affectaient des sommes importantes aux dépenses en infrastructures. Toutefois, les secteurs des matériaux et de l’industrie ont inscrit un rendement inférieur à celui de l’indice S&P 500 en 2023,9 malgré cette loi qui a contribué à stimuler les dépenses de construction très importantes aux États-Unis pour les structures non résidentielles à compter de 2022.
En réalité, historiquement, la politique monétaire a beaucoup plus d’importance que la composition de la Maison-Blanche en ce qui a trait aux marchés. Par exemple, le rendement de l’indice S&P 500 a été étroitement corrélé avec les cycles de politique monétaire, et un solide rendement découle habituellement de la fin d’un cycle de resserrement de la Fed. Au cours de six des sept derniers cycles de resserrement, l’indice S&P 500 a enregistré des gains à deux chiffres au cours de la période d’un an suivant la dernière hausse de taux.10 Dans le passé, l’accent mis sur les élections a été mis davantage par la politique monétaire que par les marchés.
Les titres du Trésor sont maintenant un secteur des marchés qui peut être touché par les élections. Les déficits budgétaires et la taille globale de la dette nationale préoccupent de plus en plus certains investisseurs du Trésor, et je pense que c’est la raison pour laquelle l’or est devenu la catégorie d’actif « refuge » de choix par rapport aux titres du Trésor pour de nombreux investisseurs. Je crois que la prudence budgétaire pourrait être très positive pour le marché des titres du Trésor, mais aucun des deux partis n’a été en mesure de prétendre cela au cours des dernières années.
Aider les investisseurs à demeurer concentrés
Il peut être amusant de passer une longue balade en voiture à se demander s’il existe une vie extraterrestre et s’il y a une conspiration de longue date visant à cacher des preuves d’ovnis. Mais ces histoires ne vont pas m’empêcher d’attraper un avion à l’aéroport de Denver.
Malheureusement, les mythes entourant les marchés boursiers et les placements peuvent inciter les investisseurs à revoir leurs décisions et à rater le potentiel de croissance de leurs portefeuilles. Mon objectif avec cette chronique est d’aider les investisseurs à comprendre ce qui se passe dans l’économie et les marchés et à prendre des décisions fondées sur des vérités et non sur des mythes.
Que nous réserve l’avenir?
J’ai hâte de voir la décision de la Banque du Canada (BdC) cette semaine. Je m’attends à ce que la BdC réduise de nouveau les taux. L’inflation est relativement faible au Canada. L’inflation de base selon l’indice des prix à la consommation publié la semaine dernière pour septembre est inférieure à la cible de 2 % de la BdC. Je pense que cela, combiné à une certaine faiblesse économique récente, est suffisant pour que la BdC réduise ses taux de 50 points de base, ce qui serait la quatrième fois consécutive de ce cycle d’assouplissement. Cela contribuerait au contexte global d’assouplissement monétaire, soutenu par la récente réduction massive de la Banque de réserve de Nouvelle-Zélande. Le surdimensionnement n’est pas réservé aux Américains.
Il y a quelques données importantes auxquelles je porterai attention, en particulier le livre beige de la Réserve fédérale américaine, qui donne un aperçu de l’état de l’économie dans les 12 districts de la Réserve fédérale américaine qui composent les États-Unis. Je surveillerai également de près l’enquête menée par l’Université du Michigan auprès des consommateurs, ainsi que les indices des directeurs d’achats pour un certain nombre de grandes économies, qui sont importants pour obtenir des renseignements relativement à jour sur l’activité économique. Enfin, nous obtiendrons les données les plus récentes sur la confiance des consommateurs britanniques, même si nous avons constaté que les consommateurs peuvent être négatifs et dépenser tout de même comme s’ils étaient plutôt heureux.