Le président des États-Unis, Donald Trump, a dévoilé de nouveaux tarifs douaniers radicaux dans son annonce du Jour de la libération, le 2 avril, qui s’ajoutent à la liste des tarifs déjà annoncés au cours des premières semaines de son deuxième mandat. Les droits de douane du 2 avril se divisent en deux parties1 :
- Un tarif de base de 10 % a été appliqué à l’ensemble des importations, à compter du 5 avril. Le Canada et le Mexique, qui ont été assujettis à des annonces tarifaires antérieures, sont exemptés de cette exigence.
- Des « droits de douane réciproques réduits » s’appliquent à de nombreux pays, notamment de 34 % en Chine, 24 % au Japon et 20 % dans l’Union européenne. Ils entrent en vigueur le 9 avril et remplacent les droits de base de 10 %. « Nous leur facturerons environ la moitié de ce qu’ils nous facturent et nous ont facturés », a déclaré M. Trump en conférence de presse pour annoncer son plan. « Les droits de douane ne seront donc pas entièrement réciproques. »2
Les réactions ont commencé peu après l’annonce de Trump. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a déclaré : « Nous finalisons déjà le premier ensemble de contre-mesures en réponse aux droits de douane sur l’acier, et nous nous préparons maintenant à d’autres contre-mesures pour protéger nos intérêts et nos entreprises en cas d’échec des négociations. » 3
Pour mettre en perspective l’intensification des guerres commerciales, nous avons demandé l’avis de divers experts mondiaux d’Invesco. La situation évolue, et nous continuerons de faire le point avec d’autres perspectives.
Marchés mondiaux
Kristina Hooper, stratège en chef des marchés mondiaux
Le risque de récession augmente chaque jour où ces droits de douane élevés sont en vigueur. Nous prévoyons une volatilité importante et des pressions à la baisse sur les actifs risqués à court terme. Le risque de stagflation aux États-Unis a également augmenté.
La bonne nouvelle est qu’il y a des dates de mise en œuvre décalées, ce qui appuie la théorie selon laquelle ces tarifs sont utilisés comme un outil de négociation et ne devraient pas être de nature à long terme. Certains pays ont indiqué qu’ils réduiront les droits de douane qu’ils appliquent aux importations américaines.
À court terme, des pressions à la baisse importantes seront probablement exercées sur les actions américaines et les actions des pays où les droits de douane sont élevés. Nous nous attendons à ce que le dollar américain se déprécie, car la croissance ralentit et la demande d’actifs libellés en dollars diminue, ce qui devrait réduire le déficit commercial. Nous prévoyons que le cours de l’or continuera d’augmenter en raison de l’incertitude géopolitique et économique. Nous pensons que les actions européennes et chinoises pourraient bien se comporter, en supposant que les mesures de relance budgétaire aideront à soutenir la croissance économique.
Pour les investisseurs dont l’horizon de placement est à court terme, nous croyons qu’il serait prudent d’opter pour l’aversion pour le risque. Ceux qui ont un horizon de placement à long terme peuvent envisager de profiter des ventes massives afin d’accroître leur exposition aux actifs risqués, de mettre les liquidités sur la touche et de demeurer bien diversifiés.
Marchés américains
Brian Levitt, Stratège en chef des marchés mondiaux
Les espoirs à l’approche du « Jour de la libération » étaient doubles : premièrement, que les droits de douane ne soient pas aussi élevés que prévu et, deuxièmement, que les marchés retrouvent de la clarté. Malheureusement, aucun de ces espoirs ne s’est concrétisé. L’incertitude persiste sur les marchés, car nous attendons de savoir quels pays imposeront des représailles tarifaires aux États-Unis et lesquels chercheront à faire des concessions à l’administration Trump en échange d’une baisse des tarifs.
Les droits de douane entraînent des résultats économiques moins optimaux, purement et simplement. Même si nous pouvons débattre de la question de savoir s’ils en valent le coup pour la rentabilité des entreprises et la hausse des prix des biens de consommation, au bout du compte, quelqu’un doit payer. Je m’attends à ce que l’économie américaine ralentisse davantage, et plus les droits de douane sont en place longtemps, plus le risque est grand pour le cycle économique américain. La hausse des prix pourrait aussi empêcher la Réserve fédérale américaine de réagir énergiquement pour contrer la faiblesse de l’économie. Il est difficile de présenter des arguments convaincants en faveur des actions américaines ici, à moins qu’un changement important ne se produise dans les échanges commerciaux et la politique monétaire.
Actions canadiennes
Brian Tidd, gestionnaire de portefeuille principal, Équipe des actions Canada
Les droits de douane américains sur les exportations canadiennes (automobiles, acier, bois d’œuvre, etc.) auront une incidence profonde sur l’économie canadienne. Il faudra du temps pour établir de nouveaux partenaires commerciaux et, pour de nombreux biens (comme le pétrole), les États-Unis sont destinés à demeurer le principal marché d’exportation du Canada. Certains secteurs seront plus durement touchés que d’autres, et nous prévoyons que les difficultés se répercuteront sur de nombreuses collectivités. Par exemple, la ville de Windsor (qui se trouve de l’autre côté de la rivière à partir de Detroit) pourrait être dévastée par des droits de douane ou une réduction de la production automobile au Canada. Le Canada devra se concentrer sur l’encouragement des nouveaux investissements des entreprises, l’amélioration de la productivité, la promotion de l’innovation et l’élargissement des alliances commerciales et de sécurité. Il y a maintenant un nouveau sentiment d’urgence au Canada pour développer ses vastes ressources naturelles, investir dans les infrastructures et accroître les dépenses militaires nationales afin de soutenir l’économie pour les années à venir. Je m’attends à ce que ces dépenses soient positives pour l’industrie canadienne et puissent présenter des occasions de croissance à long terme intéressantes pour certaines entreprises canadiennes.
Facteurs boursiers
Nick Kalivas, chef, Stratégies factorielles et de produits de base, FNB Invesco
Dans la foulée de l’annonce de Trump concernant les droits de douane et de la réponse mondiale, l’incertitude entourant la politique monétaire devrait persister et la volatilité devrait être élevée. La mise en œuvre énergique des droits de douane compromet également les attentes d’accélération de la croissance des bénéfices en 2025 et pourrait retarder une reprise des bénéfices.
À mon avis, tout cela renforce les arguments en faveur de la détention de titres affichant des facteurs défensifs comme la faible volatilité, la qualité et le rendement. De plus, le contexte des tarifs pourrait changer rapidement, de sorte que la possibilité de participer à la vigueur du marché tout en atténuant le risque de baisse devrait être intéressante, à mon avis. La saga des tarifs nous rappelle que les facteurs peuvent être utilisés de façon tactique et stratégique pour aider à créer un portefeuille plus durable.
Actions européennes
Oliver Collin, cochef, Actions britanniques et européennes
Que signifient les annonces de Trump concernant les droits de douane pour l’Europe? En ce qui concerne le produit intérieur brut (PIB), les hausses de 20 % des droits de douane pour l’Europe pourraient-elles largement compenser l’incidence positive attendue des récentes annonces de dépenses de l’Allemagne en 2025? Cela nous semble un peu audacieux, mais de toute évidence, les tarifs auront une incidence importante cette année s’il n’y a pas de renégociation. Cela dit, c’est en partie parce que les États-Unis sont devenus plus antagonistes au départ que l’Europe a commencé à mettre en place des plans de dépenses supplémentaires – le plan de défense ReArm et le plan allemand d’infrastructures et de défense.
De plus, n’oubliez pas qu’il s’agit d’un changement graduel des niveaux tarifaires, ce qui signifie qu’il s’agit largement d’un effet sur un an. Par conséquent, nous nous attendons à des difficultés à court terme, mais à mesure que l’offre et la demande s’ajustent à la hausse des prix, l’incidence des tarifs devrait être modeste par la suite. Une résolution rapide est donc essentielle.
Pour l’Europe, cela ne fait que souligner l’importance de devenir plus autosuffisant. La gravité des hausses tarifaires ne fait que renforcer ce message. Heureusement, l’Europe relève le défi. Cela signifie que nous sommes convaincus que les perspectives à moyen et à long terme du PIB sont nettement meilleures qu’elles ne l’ont été depuis la crise financière mondiale. L’un des principaux problèmes des dix dernières années a été le manque d’investissements gouvernementaux, en particulier en Allemagne. Toutefois, nous nous attendons à ce que la croissance convenable se poursuive en Europe du Sud et, mettant de côté l’incidence des droits de douane, nous nous attendons à ce que les programmes budgétaires de l’Allemagne ajoutent de 1 % à 2 % au taux de croissance du PIB en temps opportun. Il nous semble donc qu’au moins les deux tiers de l’Europe sont bien placés pour croître à moyen terme.