La couverture médiatique de l’élection présidentielle aux États-Unis a atteint un point culminant au cours de la fin de semaine, lorsque le président Joe Biden a annoncé qu’il se retirerait de la course. Je m’attends à ce que les turbulences de fin de course accentuent la volatilité à court terme sur les marchés, mais je reste aussi concentré sur la réunion de la Réserve fédérale (« la Fed ») la semaine prochaine, car je crois que la Fed est beaucoup plus importante pour les marchés. De plus, je surveille la période de publication des résultats pour déceler des signes indiquant que le rendement du marché pourrait s’élargir en raison de la domination des titres des « 7 magnifiques ».
Troubles électoraux aux États-Unis : trois conséquences pour le marché
Avant d’examiner les répercussions de la décision de M. Biden sur le marché, je crois qu’il est important de souligner que ce n’est pas la première fois qu’un président américain en poste décide de ne pas poursuivre son mandat. Au vingtième siècle, cela s’est produit trois fois : Calvin Coolidge, Harry S Truman et Lyndon B. Johnson ont tous décidé de ne pas se faire réélire. Toutefois, ce qui est différent aujourd’hui, c’est le moment choisi; le titulaire ne s’est jamais retiré de la course présidentielle si près de l’élection. M. Coolidge a décidé de ne pas se faire réélire en août 1927, soit plus d’un an avant le jour de l’élection, tandis que messieurs Truman et Johnson ont pris leurs décisions en mars de l’année de l’élection présidentielle, soit quatre bons mois avant que M. Biden se retire de la course.
Autrement dit, un retrait à la fin de juillet est très inhabituel et crée de nombreuses inconnues. Il limite la capacité du Parti démocrate de décider d’un nouveau ticket (puisque la saison des primaires est déjà terminée) et réduit considérablement le temps dont dispose le nouveau ticket pour faire campagne avant que les électeurs se rendent aux urnes. De plus, cela pourrait ouvrir la voie à de nouvelles contestations judiciaires qui pourraient figurer sur le bulletin de vote dans certains États (même si la plupart des experts juridiques sont d’avis qu’aucune contestation judiciaire ne sera couronnée de succès).
Qui est donc susceptible d’être sur le ticket démocrate? Les partisans de la vice-présidente Kamala Harris semblent s’être ralliés à sa candidature à l’élection présidentielle. Il convient de noter qu’elle a bénéficié d’un afflux important de dons dans les 24 heures suivant l’annonce de M. Biden, alors qu’ils s’étaient taris dans les semaines qui ont suivi la tenue du débat. De plus, M. Biden lui a donné son appui. Il semble donc probable qu’elle sera en tête du ticket.
Le choix du vice-président est également crucial. Les démocrates doivent gagner les électeurs indépendants, qui considèrent probablement Mme Harris comme étant plus à gauche que M. Biden. Ils ont donc besoin d’un vice-président désigné qui fait appel aux indépendants. Un vice-président sortant des sentiers battus, tel l’homme d’affaires milliardaire Mark Cuban, un indépendant et un conservateur fiscal dont le nom commence à être évoqué dans ces conversations, ne séduirait pas seulement les indépendants, mais insufflerait beaucoup plus d’enthousiasme dans la saison électorale, en suggérant qu’il ne s’agit pas d’une politique comme les autres. Il attirerait également l’attention sur des enjeux importants, comme la dette nationale croissante des États-Unis. Toutefois, cela semble plutôt improbable en ce moment; il est beaucoup plus probable que Mme Harris choisira un gouverneur plus modéré, probablement d’un État en dents de scie. J’ai hâte de voir à quoi ressemblera le ticket.
Quelles sont les conséquences pour le marché en ce moment?
- De toute évidence, cette situation devrait accroître la volatilité à court terme, car l’incertitude importante à l’égard du nouveau ticket démocrate pourrait ne pas être résolue avant le congrès du parti en août. (La volatilité a fortement augmenté ces derniers jours1, mais je m’attends à ce qu’elle ne fasse qu’augmenter.)
- Il est probable que les marchés réagissent plus vivement aux déclarations de Donald Trump à court terme, comme nous l’avons vu au cours des dernières semaines, étant donné que les marchés ont commencé à supposer au cours des dernières semaines qu’il allait maintenant gagner (si l’on mise sur Predictit.org, on parie beaucoup en faveur de M. Trump, après avoir annoncé une victoire démocrate en avril). Toutefois, malgré les hypothèses actuelles du marché, on pourrait soutenir que cette évolution donne un nouveau souffle à la période électorale et qu’elle pourrait accroître les chances d’une victoire démocrate. Mais, comme nous l’avons vu plus haut, cela dépend beaucoup de qui figure sur le ticket du parti.
- Nous avons observé une certaine incidence sur le marché de « Trump Trades », car les négociateurs positionnent leurs portefeuilles en fonction de ce qu’ils attendent d’une autre administration Trump, notamment : nous avons observé une accentuation de la courbe des taux et une hausse des prix des bitcoins2. Toutefois, cette incidence pourrait être partiellement réduite selon ce qui se passera au cours des prochaines semaines avec le ticket démocrate. (Je m’attends toutefois à ce que le début probable des réductions des taux d’intérêt par la Réserve fédérale favorise une certaine accentuation de la courbe des taux3.)
La Réserve fédérale se rapproche peut-être des réductions de taux
L’attention que les médias portent à l’élection présidentielle détourne notre attention de ce qui, selon moi, est beaucoup plus important pour les marchés, c’est-à-dire la Réserve fédérale (« la Fed »). Au cours des dernières semaines, un certain nombre de membres du Federal Open Market Committee ont déclaré que la Fed semblait de plus en plus confiante à l’égard des réductions de taux. Pas plus tard que la semaine dernière, le gouverneur de la Fed, Christopher Waller, a déclaré que « la Fed se rapproche du moment où une réduction du taux directeur est justifiée4». </639
Même si peu de gens s’attendent à une baisse de taux à la réunion de la Fed les 30 et 31 juillet prochains, les probabilités pourraient augmenter après la publication du prochain rapport sur les dépenses personnelles de consommation (DPC) vendredi. Bien que cela reste très improbable, je pense que la Fed sera plus encline à procéder à une réduction en juillet si elle constate des signes de détérioration plus importante de l’économie, en particulier sur le marché du travail. Un autre facteur pourrait être l’incertitude croissante qui entraîne une baisse des dépenses. Selon le Livre beige de la Réserve fédérale, publié la semaine dernière, la croissance devrait ralentir au cours des six prochains mois en raison de l’incertitude entourant les prochaines élections, la politique intérieure, les conflits géopolitiques et l’inflation.
Dans le discours qu’elle a prononcé la semaine dernière, la gouverneure de la Fed, Adriana Kugler, a souligné l’importance d’utiliser les données du secteur privé pour compléter les données officielles du gouvernement afin d’évaluer l’état de l’économie et de l’inflation, car celles-ci offrent un meilleur délai et une fréquence plus élevée. Elle a expliqué que « lorsque nous examinons les points de retournement économique, il est également important de tenir compte des rapports sur les attentes et les résultats attendus de sources non gouvernementales. Il s’agit notamment de sondages sur les attentes d’inflation, les embauches ou les mises à pied prévues, ainsi que sur la confiance des consommateurs et des entreprises à l’égard de l’économie ou de la trajectoire de l’économie5». En discutant des données récentes, elle a minimisé les statistiques officielles sur les coûts de logement, car elles ne sont pas récentes (les données récentes du secteur privé sur le marché de l’habitation montrent que les coûts ont diminué).
J’apprécie l’intérêt de la gouverneure de la Fed, Mme Kugler, à l’égard de diverses sources d’information, y compris les sources privées, sur l’état de l’économie. Je consulte évidemment les rapports sur les bénéfices pour obtenir de l’information sur la santé de l’économie. Synchrony Financial, une société qui, selon moi, est un baromètre de la santé des consommateurs, a publié ses résultats la semaine dernière. Elle a indiqué que son taux de défaillance des consommateurs avait augmenté de façon importante, mais qu’il y avait une différence importante entre les consommateurs à revenu élevé et les consommateurs à faible revenu, ceux-ci ressentant des pressions économiques. Cela confirme mon opinion générale selon laquelle aucune sonnette d’alarme ne sonne encore, mais des failles commencent à se former dans l’économie américaine, et la Fed doit agir le plus tôt possible.
Bref, tout indique que la Fed procédera à des réductions avant la fin du troisième trimestre.
La période de publication des résultats bat son plein
Parlant de bénéfices, en date de vendredi, 14 % des sociétés de l’indice S&P 500 avaient publié leurs résultats réels pour le quatrième trimestre. Parmi ces sociétés, 80 % ont surpassé les prévisions de bénéfices et 62 %, les prévisions de chiffre d’affaires6.
Le taux de croissance mixte des bénéfices pour le deuxième trimestre devrait s’établir à 9,7 % sur 12 mois; toutefois, quatre sociétés des « 7 magnifiques » sont responsables d’une part importante de cette croissance des bénéfices. Si vous retiriez ces quatre sociétés de l’analyse, le taux de croissance prévu des bénéfices serait de 5,7 % sur 12 mois6.
Ce que je souhaite, c’est une participation accrue en ce qui a trait à la croissance des bénéfices, ce qui rendrait cette rotation durable, selon moi. La bonne nouvelle est que les analystes prévoient une croissance des bénéfices de plus de 10 % pour les 496 autres sociétés de l’indice S&P 500 à compter du quatrième trimestre6.
La Chine offre plus de mesures de relance pour soutenir l’économie
Le troisième plénum de la Chine, un événement marquant qui a lieu habituellement tous les cinq ans, a pris fin la semaine dernière. De plus, la Chine a fait savoir qu’elle privilégiait l’innovation technologique et l’intensification des réformes. De plus, la Banque populaire de Chine a abaissé son taux directeur à court terme pour la première fois depuis l’été dernier. La réduction n’a été que de 10 points de base, mais elle témoigne de la volonté des décideurs de soutenir l’économie chinoise. Selon moi, ces événements sont favorables aux actions chinoises.
La semaine à venir
La semaine prochaine, les données les plus importantes seront publiées sur l’indice des prix des DPC aux États-Unis. Les dépenses de consommation personnelles de base sont le principal indicateur d’inflation de la Fed et certains observateurs du marché laissent entendre qu’elles seront plus faibles que prévu. Si cela devait se produire, cela soutiendrait davantage les actions à petite capitalisation et cycliques et affaiblir légèrement le dollar américain.
Cette semaine aussi, la Banque du Canada (BdC) se réunira. Rappelons que la BdC avait déjà commencé à réduire les taux en juin. Toutefois, je m’attends à ce qu’elle les diminue encore cette semaine, car la hausse du taux de chômage et une autre baisse des dépenses de consommation discrétionnaire indiquent que l’économie ralentit.