Marchés et économie

Que nous disent les marchés au sujet de la victoire décisive de Donald Trump?

Gros plan sur un immeuble à Washington DC
Points importants à retenir
Réductions d’impôt
1

M. Trump se concentrera probablement sur la prolongation de la Tax Cuts and Jobs Act et sur la réduction de l’impôt des sociétés. Je m’attends à ce qu’une telle mesure soit très bien accueillie par les marchés.

Réserve fédérale (Fed)
2

La majorité républicaine au Sénat devrait favoriser une approbation automatique des nominations de M. Trump. Cela pourrait accroître l’incertitude quant à la composition de la Fed.

Deficits budgétaires
3

Certains s’attendent à ce que les politiques de M. Trump se traduisent par des déficits budgétaires plus importants, et les investisseurs obligataires montrent déjà des signes d’impatience à l’égard des dépenses du gouvernement américain.

À l’issue de l’élection présidentielle aux États-Unis, les électeurs ont donné à Donald Trump un billet de retour à la Maison-Blanche. Fait important, les États-Unis ont réussi à éviter ce que les marchés craignaient le plus : une élection contestée et une incertitude prolongée, ce qui aurait pu entraîner des ventes massives importantes. Nous nous retrouvons plutôt devant une victoire décisive. Les marchés aiment ce qui est clair, et je m’attends à ce qu’ils réagissent bien à court terme.

Le Sénat devient républicain, la composition de la Chambre des représentants demeure incertaine

Le président désigné, M Trump, aura l’aide d’une majorité républicaine au Sénat pour mettre son programme en œuvre. Le Sénat joue un rôle comparable à un service des ressources humaines : il vote pour confirmer les nominations présidentielles, de sorte que les membres qui viennent d’y être élus devraient approuver automatiquement les décisions de M. Trump. Cela pourrait accroître l’incertitude pour la Réserve fédérale américaine (Fed), étant donné que M. Trump risque de nommer des candidats non traditionnels à des sièges de l’institution, plus particulièrement au poste de président de la Fed.

Au moment où je vous écris ce matin, après l’élection, la composition de la Chambre des représentants demeure incertaine. Cela dit, que le gouvernement soit divisé ou uni, j’estime que les actions devraient enregistrer des gains à court terme. (L’indice Dow Jones des valeurs industrielles a progressé de 3 % à l’issue de l’élection1.)

L’immigration, les tarifs douaniers et la déréglementation sont des enjeux à surveiller

Les principaux éléments du programme de M. Trump, soit l’immigration, les tarifs douaniers et la déréglementation, ne nécessitent généralement pas l’adoption de mesures législatives, de sorte que la composition de la Chambre des représentants n’a que très peu d’importance pour la mise en œuvre de ces politiques. M. Trump peut les mettre en place dès son arrivée au pouvoir.

Pendant la campagne, M. Trump a laissé entendre qu’il n’appliquera pas immédiatement les tarifs douaniers qu’il a proposés. Il pourrait simplement les brandir comme une menace, puis négocier. Il est également possible que les tarifs douaniers ne soient appliqués que pendant un très court laps de temps. Cette situation serait semblable à ce qui s’est produit lors de la première administration de M Trump qui a été marquée par une volatilité importante et des ventes massives à court terme, suivies de redressements selon l’évolution des guerres commerciales. (Et si les tarifs douaniers se résumaient à une menace ou n’étaient imposés qu’à court terme, je ne crois pas qu’ils auraient une incidence importante sur l’inflation, même s’ils étaient aussi élevés que 60 % pour les biens chinois2.)

En ce qui concerne l’immigration, M. Trump s’est engagé à expulser sans délai de 15 à 20 millions d’immigrants illégaux. La concrétisation d’une telle mesure pourrait grandement accroître les pressions inflationnistes, car le marché de l’emploi est déjà serré et certains secteurs connaissent des pénuries de main-d’œuvre. Toutefois, il est peu probable que la Fed réagisse aux changements de la politique monétaire tant que l’inflation ne se manifestera pas dans les données, ce qui pourrait prendre du temps. La hausse de la croissance des salaires pourrait entraîner un ralentissement des réductions de taux par la Fed. (Les points morts d’inflation ont augmenté, ce qui donne à penser que les marchés pourraient déjà s’inquiéter d’une inflation plus élevée.)

Il est probable que M. Trump concentre ses efforts législatifs sur la prolongation de la Tax Cuts and Jobs Act et sur une réduction de l’impôt des sociétés. Je m’attends à ce que cela soit très bien accueilli par les marchés, et c’est probablement la raison pour laquelle ils se sont redressés immédiatement après l’élection; ils anticipent les baisses d’impôt et une réglementation moins stricte aux États-Unis.

De toute évidence, les marchés croient que la croissance économique des États-Unis sera amplifiée par les politiques de l’administration de M. Trump. Nous le constatons dans les résultats de l’indice Russell 2000, qui a progressé de plus de 4 % quelques minutes après le début de la séance de négociation du 6 novembre1. Toutefois, je crois toujours que les actions bénéficient davantage des assouplissements par la Fed pour soutenir la croissance. (La décision de la Fed du 7 novembre recentrera les investisseurs sur la politique monétaire.) À titre de rappel, les actifs américains ont tendance à bien se comporter au cours de l’année suivant une élection (en particulier les actions)3. Et les actions américaines se comportent habituellement bien lorsque la Fed assouplit sa politique monétaire et qu’une récession est évitée4.

Un problème à surveiller : les vigiles du marché obligataire

De mon point de vue, le principal problème du marché auquel la nouvelle administration devra faire face sera celui des vigiles du marché obligataire, soit des investisseurs obligataires qui menacent de vendre ou d’éviter d’acheter des obligations afin de protester contre les politiques des émetteurs d’obligations (dans ce cas, le gouvernement américain).

On s’attend à ce que les politiques de M. Trump se traduisent par des déficits budgétaires plus importants, et les investisseurs obligataires montrent déjà des signes d’impatience à l’égard des dépenses du gouvernement américain. Les titres du Trésor américain ne sont plus considérés comme des valeurs refuges comme ils l’étaient auparavant, et les taux obligataires pourraient augmenter de manière à complexifier de plus en plus les dépenses déficitaires. Jusqu’ici, la hausse des taux semble être principalement liée aux points morts de l’inflation, mais la situation budgétaire joue également un rôle; je crois que l’augmentation des déficits budgétaires deviendra une préoccupation grandissante pour les investisseurs.

Conclusion

En résumé, nous avons observé une réaction démesurée des marchés, probablement en raison de la « surprise positive » d’éviter une période d’incertitude prolongée et d’une victoire décisive de la part du candidat dont le programme électoral met de l’avant des baisses d’impôt et la déréglementation. Toutefois, j’ai l’impression que l’euphorie à l’égard des actions américaines est un peu exagérée et que celles-ci pourraient reculer à court terme, comme ce fut le cas en 2016. Il en va de même pour les ventes massives d’actions européennes et britanniques; je pense qu’elles sont également démesurées et que l’on pourrait assister à un certain retour du balancier.

Il incombera probablement à la Fed de soutenir une remontée marquée des marchés boursiers; nous resterons donc attentifs aux indices que laissera poindre son président, Jay Powell, afin de savoir quels éléments pourraient inciter la Fed à ralentir ou même à interrompre son cycle d’assouplissement. Mon scénario de base demeure une réaccélération de l’économie des États-Unis et de la plupart des autres grandes économies l’an prochain, ce qui devrait favoriser les actifs risqués. Je m’attends à ce que les actions de sociétés à petite et à moyenne capitalisation profitent particulièrement de ce contexte.

Avec les contributions de Paul Jackson et de Brian Levitt.

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Bloomberg, L.P., au 6 novembre 2024.

  • 2

    Source : PBS : « Trump favors huge new tariffs. How do they work? » 27 sept. 2024

  • 3

    Sources : Sources : ICE BofA, S&P, indices Dow Jones, LSEG Datastream et Invesco Global Market Strategy Office, du 31 octobre 1987 au 31 octobre 2024.

  • 4

    Sources : Federal Reserve Economic Database (FRED) et Bloomberg L.P., au 31 août 2024. D’après le rendement moyen de l’indice S&P 500 12 mois avant et 12 mois après le début des 16 derniers cycles d’assouplissement de 1970, 1971, 1973, 1974, 1975, 1980, 1981 (deux cycles cette année-là), 1982, 1984, 1989, 1995, 1998, 2001, 2007 et 2019.