La grande nouvelle de la semaine dernière, alors que le monde entier attend de savoir quand la Réserve fédérale américaine (Fed) commencera à réduire ses taux, a été le rapport sur le produit intérieur brut (PIB) des États-Unis au premier trimestre. Non seulement la croissance a été moins forte que prévu, mais l’inflation a été plus élevée que prévu. Ce rapport a été suivi par l'indice des prix des dépenses de consommation personnelle (DCP) de mars, qui a révélé que l'inflation globale et de base ont été plus élevées que prévu en mars. Ces données soulèvent des questions quant au caractère statique de l'inflation et à savoir pendant combien de temps encore la Fed devra attendre avant de procéder à des baisses de taux. Par conséquent, les craintes se sont multipliées et les recherches du terme « stagflation » sur Google ont augmenté de façon exponentielle, et certains ont même affirmé que la prochaine intervention de la Fed serait une hausse de taux, et non une baisse. Qui plus est, nous avons assisté à la faillite d'une petite banque la semaine dernière qui a mené à la saisie et à la vente de Republic First Bank. Malgré ces inquiétudes, je crois que les investisseurs ont plusieurs raisons d'être optimistes.
1. Les États-Unis ne sont pas en situation de stagflation
Le terme stagflation (mot-valise formé par la fusion des mots « stagnation » et « inflation ») désigne une faible croissance économique, un taux de chômage élevé et une forte inflation. Il ne s’agit pas de stagflation! L'indice des prix DCP de mars est inférieur à 3 %, avec une inflation globale de 2,7 % en glissement annuel et une inflation DCP de base de 2,8 %.1 N'oublions pas que l'indice DCP est la mesure de l'inflation de prédilection de la Fed.
L'indice des prix à la consommation (IPC) américain a été plus élevé, bien que l'on puisse invoquer des raisons idiosyncrasiques, en particulier des composantes décalées telles que l'assurance automobile (qui reflète une augmentation antérieure des prix de l'automobile) et le logement, qui reflète une augmentation antérieure des coûts du logement, étant donné que les prix plus élevés établis par les nouveaux baux prennent du temps à se manifester dans les données sur le logement.
Bref, je persiste à croire que la désinflation s'est poursuivie, même si les progrès ont ralenti, mais ce ralentissement pourrait être de très courte durée. D'autres données sont attendues d'ici les prochaines réunions de la Fed. (Il convient également de noter que si les recherches sur Google aux États-Unis concernant la « stagflation » ont augmenté de manière significative, elles restent inférieures aux précédents pics de février 2008 et de mai 2022).
2. L'économie de la zone euro semble connaître une forte reprise
Les données préliminaires de l’indice des gestionnaires en approvisionnement (PMI) de la zone euro du mois d’avril montrent que l'économie de la zone euro prend du mieux. L'indice PMI manufacturier de la zone euro s'est légèrement affaibli, mais l'indice PMI tertiaire a atteint son plus haut niveau en 11 mois. La reprise dans ce secteur semble avoir pris de l'ampleur, à mon avis, car nous constatons enfin une amélioration de l'activité dans les deux plus grandes économies de la zone euro, l'Allemagne et la France, qui avaient montré des signes de réelle faiblesse pendant un certain temps.
En outre, l'économie pourrait être stimulée par le début des baisses de taux de la Banque centrale européenne (BCE), qui semblent toujours fort probables en juin, ce qui pourrait donner un véritable élan aux actions européennes.
3. L'économie britannique recèle un potentiel de croissance
Malgré le ralentissement de l'activité manufacturière, l'activité tertiaire a fait montre d'une réelle vigueur. Les données préliminaires de l’indice PMI S&P Global du secteur tertiaire du Royaume-Uni sont bien meilleures que prévu et contribuent à stimuler l’ensemble de l'économie. Comme la désinflation progresse dans de nombreux secteurs, je crois que les baisses de taux de la Banque d'Angleterre vont survenir plus tôt que ce à quoi beaucoup de gens s’attendent.
4. La faillite d'une banque la semaine dernière ne provoquera pas une réaction en chaîne
Comme je le disais plus tôt, nous avons assisté à la faillite d'une petite banque la semaine dernière qui a mené à la saisie et à la vente de la Republic First Bank. Il s'agit de la première faillite d'une banque assurée par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) en 2024. Comme je l'ai dit en décembre, je ne serais pas étonnée que nous assistions à quelques cas isolés de faillites bancaires. Cependant, à mon avis, en présence de situations comme celle-ci, l'essentiel est de déterminer s'il s'agit d'un cas isolé ou s’il y a un risque de réaction en chaîne. À mon sens, si l'on se fie aux renseignements disponibles, il s'agit d'un cas isolé qui découle d’enjeux très particuliers. Je doute que cette faillite provoque une réaction en chaîne.
5. Les bénéfices des sociétés sont plus élevés que prévu
Les marchés se sont bien comportés la semaine dernière, malgré une inflation des DCP plus forte que prévu et la crainte d'une stagflation. Ce qui a aidé les actions, c'est que la croissance des bénéfices a été plus forte que prévu; n'est-ce pas ce que nous voulons pour stimuler la hausse des cours?
Vendredi, alors que près de 50 % des sociétés du S&P 500 ont dévoilé leurs résultats, 77 % d'entre elles ont enregistré une hausse des bénéfices plus élevée que prévu et 60 % une augmentation des revenus supérieure aux attentes.3 La croissance des bénéfices du S&P 500 au premier trimestre est estimée à 3,5 %, ce qui marquerait un troisième trimestre consécutif de croissance des bénéfices sur douze mois.3
Et, ce n’est pas uniquement aux États-Unis. Outremer, 33 % des entreprises du Stoxx Europe 600 ont annoncé leurs résultats, dont 54 % ont dépassé les prévisions.4 Au Japon, 14 % des entreprises du Topix ont divulgué leurs résultats et 59 % ont obtenu des résultats supérieurs aux prévisions.4 La croissance mondiale s'améliore, ce qui devrait se traduire par une augmentation des bénéfices au cours des prochains trimestres.
Comme l'a indiqué une multinationale du secteur de la consommation à l'occasion de la conférence téléphonique pour le dévoilement de ses résultats : « ...nous croyons que les consommateurs des quatre coins du monde sont très résilients. Et nous le constatons, comme vous avez pu le voir, dans les résultats de nos activités internationales. Et cela est essentiellement corroboré par deux faits : un taux de chômage très bas ou assez bas à l'échelle mondiale et des salaires qui augmentent à un bon rythme dans la majorité des pays dans lesquels nous exerçons nos activités ».5
Peut-être revenons-nous à une situation plus normale, où les attentes en matière de politique monétaire n'ont pas autant d'impact sur les actifs.
6. Les rachats d'actions se multiplient en Europe
Les entreprises européennes ont multiplié les rachats d'actions et ressemblent désormais davantage aux entreprises américaines. Par exemple, le ratio de rachat du Stoxx 600 est passé à 1,8 %, soit le même que celui du S&P 500.6 Nous observons le même phénomène au Royaume-Uni. Ces entreprises disposent d'abondantes liquidités à leur bilan, ce qui leur permet de racheter encore plus d'actions. Je crois que cela devrait soutenir passablement les actions européennes et britanniques.
7. Il reste encore des liquidités non investies
Pas besoin de baisses de taux pour faire grimper les cours boursiers; comme je l'ai déjà dit, les investisseurs disposent d'un excédent de liquidités qui pourrait facilement revenir sur les marchés de capitaux. Et le catalyseur n'a pas besoin d'être une baisse imminente des taux d’intérêt, il pourrait simplement s'agir d'une amélioration de la croissance des bénéfices ou de simples « achats sur repli ».
À surveiller : Une semaine importante pour les marchés
Cette semaine sera importante pour les marchés, car elle sera riche en données, avec en prime une réunion de la Fed. Nous connaîtrons l'IPC de la zone euro, les résultats du sondage sur les postes à pourvoir et le roulement de personnel (Job Openings and Labor Turnover Survey ou JOLTS) aux États-Unis, l'indice du coût de l'emploi aux États-Unis, les indices PMI de la Chine et le rapport sur la situation de l'emploi aux États-Unis (US Employment Situation Summary jobs report).
En ce qui concerne les États-Unis, je me concentrerai sur le marché du travail, en particulier sur la croissance des salaires. Du côté de la Fed, je ne serais pas surprise d'entendre le président du conseil, Jay Powell, tenir des propos bellicistes, compte tenu des récentes données, mais cela ne m'ébranlera pas (je m’intéresse aux données qui seront rendues publiques d'ici les deux prochaines réunions de la Fed). Nous recevrons également d'autres rapports sur les bénéfices, qui, selon moi, seront très utiles pour nous éclairer sur les enjeux macroéconomiques et sectoriels.
Je vais diffuser des gazouillis en direct pendant l'annonce des taux de la Fed et la conférence de presse de ce mercredi, 1er mai. Vous pouvez me suivre sur X à @kristinahooper.