Entre l’élection présidentielle américaine et plusieurs réunions de banques centrales aux quatre coins du globe, les marchés ont eu beaucoup à absorber la semaine dernière. Voici les principaux points à retenir de ce que nous avons appris et leurs répercussions sur les économies et les marchés.
Les marchés réagissent à un deuxième mandat de Trump
Tout d’abord, nous avons assisté à l’élection de Donald J. Trump pour un deuxième mandat non consécutif à la présidence des États-Unis. Les marchés ont réagi fortement dans un premier temps, les actions américaines ayant progressé et les actions européennes et britanniques ayant enregistré des pertes. Le marché obligataire a également eu une incidence importante, les taux obligataires ayant immédiatement augmenté considérablement en raison des craintes d’une hausse de l’inflation et d’une hausse des déficits. Toutefois, vendredi, dans la foulée de la décision de la Réserve fédérale américaine (Fed) de réduire les taux d’intérêt de 25 points de base, certains de ces mouvements avaient été inversés.
Car en fin de compte, au-delà des réactions à très court terme des marchés, je crois que la politique monétaire est plus importante pour les marchés. Oui, les actions américaines ont immédiatement réagi joyeusement à l’élection, mais ces gains peuvent être en quelque sorte éphémères – par exemple, nous avons observé un certain recul des gains à court terme du marché boursier immédiatement après l’élection de 20161. Oui, ce qui semble avoir été une « vague rouge » des dirigeants républicains à la Maison-Blanche, au Sénat et à la Chambre des représentants devrait permettre à une plus grande partie du programme Trump de porter ses fruits, mais la réalité est que nous ne connaissons pas l’ampleur et le calendrier des politiques de la nouvelle administration. Cela signifie que nous ne connaissons pas l’incidence des différentes politiques sur la croissance ni sur l’inflation.
Actifs à surveiller
À très court terme, je m’attends à ce que le « Trump Trade » se poursuive. Cela inclut les suspects évidents comme le bitcoin.
Je suis optimiste à l’égard des actifs risqués en général, mais en particulier des actions américaines à petite et à moyenne capitalisation, dont la valorisation est plus attrayante et qui, à mon avis, devraient afficher un meilleur rendement relatif en prévision d’une réaccélération de l’économie l’an prochain.
Bon nombre d’investisseurs misent sur les titres du secteur de l’énergie en raison de l’intérêt de la nouvelle administration pour l’augmentation de la production. Toutefois, cette augmentation de la production pourrait être bonne pour l’économie et contribuer à atténuer l’inflation globale, mais elle pourrait être négative pour les actions du secteur de l’énergie, étant donné que la baisse des prix entraîne habituellement une baisse des marges bénéficiaires. (En fait, les titres du secteur de l’énergie ont inscrit un rendement inférieur à celui des titres du secteur de l’énergie propre lors de la première administration Trump2.)
Un bénéficiaire plus probable pourrait être le secteur des services financiers, étant donné la possibilité d’une déréglementation relativement rapide dans ce secteur.
Je pense que l’or continuera de montrer des signes de faiblesse à court terme; il est très cher après une importante remontée sur plusieurs années, ce qui le rend plus vulnérable à la récente appréciation du dollar américain et à la hausse des taux des obligations du Trésor. Toutefois, je crois qu’au moins une partie de la baisse des cours de l’or est attribuable à une certaine demande spéculative pour l’or, qui s’est déplacée vers le bitcoin dans le sillage de l’élection américaine.
La Réserve fédérale rassure les marchés
La réunion de jeudi de la Fed nous a rappelé le pouvoir de la banque centrale, car les marchés ont semblé aimer ce qu’ils ont entendu. Le président de la Fed, Jay Powell, a souligné les progrès importants réalisés dans la réduction de l’inflation aux États-Unis. Il a souligné que la seule exception, soit les prix des services de logement, ne reflétait pas les pressions inflationnistes actuelles, mais plutôt les pressions inflationnistes passées. M. Powell a expliqué que la Fed continue de réduire les taux parce qu’elle estime que la politique monétaire demeure restrictive. De plus, il a déclaré que le marché de l’emploi s’est apaisé au cours des deux dernières années et qu’il continue de ralentir, et que la Fed ne veut pas qu’il ralentisse davantage.
À la conférence de presse, M. Powell s’est montré énergique de diverses façons :
- Il a déclaré qu’il ne croyait pas que les anticipations inflationnistes ne sont plus ancrées, mais que si c’était le cas, la Fed agirait bien sûr rapidement pour les raviver.
- M. Powell a clairement indiqué que la Fed n’ajusterait pas sa politique monétaire de façon préventive pour tenir compte des politiques de l’administration Trump qui pourraient amplifier la croissance et l’inflation. Il a souligné que nous ne connaissons pas le moment et la substance des changements de politique à venir et que nous ne présumons pas des effets économiques potentiels. M. Powell a reconnu que les politiques de Trump pourraient avoir une incidence sur l’économie au fil du temps, de sorte que les prévisions de ces effets seraient incluses dans le modèle de la Fed et prises en compte par l’intermédiaire de ce canal. Mais cela n’aura pas d’incidence sur la politique de la Fed à court terme.
- M. Powell a insisté sur le fait qu’il ne démissionnerait pas si le nouveau président le lui demandait, ce qui laisse entrevoir une continuité pour la Fed au cours des prochaines années. (Le mandat de M. Powell à titre de président de la Fed expire en 2026.)
- Même s’il a admis que le travail sur l’inflation n’est pas terminé, M. Powell a déclaré que la Fed doit continuer de rajuster sa politique monétaire. Cette sensibilité aux données (la capacité de réagir une fois la politique adoptée et pouvant être modélisée) a eu une incidence rassurante sur les marchés, ce qui a entraîné une diminution des taux des obligations du Trésor à long terme.
Les secteurs boursiers américains qui ne se sont pas bien comportés immédiatement après l’élection se sont mieux comportés après la décision de la Fed, ce qui illustre bien le pouvoir de celle-ci. Il s’agissait de secteurs boursiers plus sensibles à la hausse des taux d’intérêt, comme l’immobilier, les services aux collectivités et la consommation discrétionnaire; leur rendement s’est amélioré après les commentaires relativement conciliants de M. Powell jeudi3.
La Banque d’Angleterre s’ajuste à une nouvelle administration
Le Royaume-Uni semble vivre dans un univers parallèle à celui des États-Unis. La semaine dernière, tout comme la Fed, la Banque d’Angleterre (BdA) a décrété la deuxième baisse de taux de son cycle d’assouplissement. La Banque d’Angleterre s’ajuste également à un nouveau gouvernement au pouvoir, le budget d’automne ayant été publié la semaine précédente. Ainsi, même si la BdA a souligné que la désinflation avait encore progressé, elle a également prévenu que les politiques contenues dans le nouveau budget pourraient accroître l’inflation. Par conséquent, la BdA a considérablement augmenté ses prévisions d’inflation pour les deux prochaines années (il convient de noter qu’elle a également augmenté davantage ses prévisions de croissance du produit intérieur brut).
De plus, la fin de l’incertitude entourant le budget de l’automne au Royaume-Uni devrait stimuler considérablement l’économie, tout comme ce devrait être le cas aux États-Unis à la suite de la fin de l’incertitude entourant l’élection présidentielle. D’après les données et les renseignements anecdotiques, il est clair que l’incertitude a pesé sur l’embauche et les plans de dépenses des entreprises, ainsi que sur certaines dépenses de consommation dans chacune des économies.
La Banque du Japon surveille de près la politique américaine
La Banque du Japon (BdJ) nous a également rappelé l’importance des données lors de la publication du résumé des avis énoncés à sa réunion du 30 octobre. Cela montre que la BdJ surveille de près l’évolution de la situation politique aux États-Unis et qu’elle procédera avec prudence, ce qui est logique compte tenu de la possibilité que des droits de douane importants et d’autres politiques aient une incidence sur l’économie japonaise et/ou sa monnaie. Un membre de la BdJ a suggéré à la banque de faire une pause pour évaluer l’évolution de l’économie américaine, puis d’envisager de futures hausses de taux. Dans un monde marqué par des changements importants et l’incertitude, il est plus important que jamais d’utiliser les données comme guide.
L’effet net est que la trajectoire des cycles d’assouplissement de la BdA et de la Fed devrait être plus modeste et moins prononcée. Le cycle de resserrement/normalisation de la BdJ pourrait également être plus modeste. Toutefois, il sera dicté par les données.
L’importance des banques centrales
En résumé, je pense qu’il convient de souligner le rôle important que les banques centrales jouent pour les économies et les marchés. Même si les élections de 2024 ont entraîné des changements de politique dans un certain nombre de pays, ces changements devraient jouer un rôle très secondaire dans la politique monétaire. Si les nouvelles politiques gouvernementales entraînent une hausse de l’inflation, les banques centrales peuvent procéder à un rajustement pour contrebalancer les pressions inflationnistes. Enfin, les banques centrales peuvent constituer une force stabilisatrice en période de déstabilisation des marchés.
Les banques centrales pourraient ne pas être en mesure d’aider à résoudre le plus important problème auquel ces gouvernements sont confrontés : l’augmentation des niveaux d’endettement. La dette publique augmente, surtout aux États-Unis, et la hausse des taux n’a fait qu’exacerber le coût total du service de cette dette. Comme nous l’avons vu récemment, même si une banque centrale abaisse les taux, cela ne signifie pas qu’ils diminueront dans la portion à long terme de la courbe. Il existe une plus grande possibilité de hausse des taux à long terme si le parti républicain remporte la Chambre des représentants des États-Unis et qu’il y a effectivement une « vague rouge ». Cela s’explique par la probabilité accrue d’une prolongation complète de la Tax Cuts and Jobs Act et, par conséquent, d’une hausse des déficits budgétaires. Les taux de rendement élevés peuvent freiner les plans de dépenses ambitieux; nous suivrons donc de près les développements à cet égard.
Une dernière réflexion : les échanges fondés sur les résultats des élections devraient être de courte durée; il est plus important de se concentrer sur les économies dans leur ensemble et sur l’incidence de divers facteurs sur les catégories d’actif. Restez à l’affût de nos perspectives pour 2025, qui visent exactement cet objectif.