Le mois d’avril s’est envolé à la vitesse de l’éclair. Les statistiques économiques se sont multipliées, ce qui nous a permis de réfléchir sur la performance de l’économie mondiale malgré le resserrement marqué de la politique monétaire et la lutte contre l’inflation. Nous vous présentons ci-dessous neuf choses que nous avons apprises ce mois-ci et qui sont pertinentes pour les investisseurs.
1. Une crise bancaire majeure semble avoir été évitée
La mini-crise bancaire s'est calmée et il semble qu'elle était idiosyncratique plutôt que systémique. Après avoir grimpé à plus de 26 points en mars au pic de la tourmente, l’indice de volatilité VIX s’est considérablement apaisé et a terminé la semaine dernière en deçà de 17 points.1 Mais ce n’est pas terminé, comme nous le constatons depuis le début de la saison de déclaration des bénéfices. Jusqu’à présent, les banques ont déclaré (ou devraient déclarer) une croissance des revenus nettement supérieure à 10 %,2 mais les détails varient :
- Les grandes banques installées sur les principales places financières ont généralement enregistré des bénéfices nettement meilleurs, même si elles partagent les mêmes vents contraires que toutes les autres banques (c.-à-d., augmentation des provisions pour prêts douteux dans l’anticipation d’un ralentissement économique, besoin d’augmenter le taux de rémunération des dépôts.)
- Les résultats des banques régionales sont très variables : certaines ont déclaré une baisse soutenue des dépôts et sont clairement encore sous pression, tandis que d’autres ont récemment déclaré une augmentation des dépôts. L’indice KBW Regional Banking s’est détérioré considérablement au début de mars et se négocie dans une fourchette plus basse depuis, ce qui dénote un pessimisme soutenu, du moins à l’égard de certaines banques régionales. L’élément à retenir est qu’une crise majeure semble avoir été évitée.
Un PDG d’une entreprise de services financiers a décrit avec justesse le premier trimestre comme étant un « test d’effort dans la vraie vie » qui a démontré que si les autorités monétaires agissent rapidement et efficacement, le secteur bancaire s’avérera résilient.3
2. Les conditions de crédit se resserrent
L’aboutissement le plus important de la crise bancaire est que les conditions de crédit se resserrent. Dans le plus récent livre beige de la Réserve fédérale américaine, on peut lire qu’en règle générale, l’activité économique est demeurée inchangée, mais que les conditions de crédit se sont resserrées dans un certain nombre de districts. Par exemple, la Réserve fédérale de Dallas a déclaré que « la demande de prêts a continué de diminuer, que le volume des prêts a chuté et que les conditions de crédit se sont resserrées », tandis que la Réserve fédérale de San Francisco a fait remarquer que les « conditions de crédit se sont resserrées de façon notable et que plusieurs institutions de dépôt ont décidé de réduire le volume des prêts, particulièrement aux nouveaux clients, malgré les liquidités abondantes. »4
En outre, le plus récent indice des conditions de crédit de la American Bankers Association montre que les économistes des banques anticipent une nette détérioration des conditions de crédit et un resserrement des normes de crédit au cours des six prochains mois.5
3. Nous recevons des signaux contradictoires quant à l’économie américaine
Certains signaux indiquent que l’économie américaine éprouve des difficultés, tandis que d’autres suggèrent qu’elle est très résiliente et même qu’elle se redresse. L’Enquête sur les perspectives des entreprises manufacturières de la Réserve fédérale de Philadelphie fait état du plus bas taux d’activité depuis mai 2020, tandis que l’indice manufacturier de l’Empire State de la Réserve fédérale de New York révèle une première augmentation en cinq mois.6 Les indices préliminaires des gestionnaires en approvisionnement (PMI) S&P Global de l’économie américaine sont impressionnants, l’indice PMI du secteur tertiaire a atteint un pic en douze mois et même l’indice PMI manufacturier s’est hissé à son plus haut sommet en 6 mois.7 La prépondérance des données laisse entendre que l’économie américaine demeure résiliente, quoiqu’elle soit vulnérable aux effets décalés du resserrement de la politique monétaire.
4. L’économie de la zone euro demeure résiliente
La zone euro continue de produire des statistiques économiques positives, qui se sont avérées nettement plus résilientes que prévu. L’indice composé préliminaire PMI S&P de la zone euro s’est fixé à 54,4 points, un nouveau sommet en 11 mois.8 Cela est attribuable à l’activité du secteur tertiaire, qui a atteint un point culminant sur 12 mois; le secteur manufacturier continue de tourner au ralenti.
5. L'inflation élevée demeure préoccupante dans de nombreuses régions du monde
Les prix dans le secteur tertiaire dans la zone euro sont obstinément élevés, comme en témoignent les indices PMI S&P Global. L’indice des prix à la consommation du Royaume-Uni pour mars a été plus élevé que prévu à 10,1 % sur un an.9 C’est moins que les 10,4 % encore plus surprenants de février,10 mais ce n’est pas le pourcentage recherché par les autorités monétaires car il fait craindre que l’inflation perdure plus longtemps encore.
Le Japon a divulgué un taux d’inflation de 3,2 % sur douze mois en mars, en légère baisse par rapport à février.11 Cependant, le taux de base, excluant les aliments et l’énergie, s’élève à 3,8 % vs 3,5 % en février, soit une très forte hausse.11 Cela pourrait exercer des pressions sur le nouveau gouverneur de la Banque du Japon pour qu’il modifie la politique monétaire.
6. Mais l’inflation élevée n’est pas préoccupante partout
L’inflation selon l’indice des prix à la production (IPP) du Canada est en fait passée en territoire négatif sur une base annualisée en mars, après avoir plafonné en mars 2022. La forte baisse de l’IPP signale que les marchés sous-estiment peut-être le rythme de la désinflation. Et, n’oubliez pas que ces données surgissent après que la Banque du Canada a pesé sur le bouton pause en janvier, ce qui nous rappelle qu’il y a véritablement un décalage entre le changement de la politique monétaire et son effet. Aussi, au cours de ce cycle, l’inflation au Canada a donné le ton à l’inflation aux États-Unis, ce qui laisse présager que les États-Unis pourraient bientôt suivre les traces du Canada.
7. La réouverture de l’économie chinoise a stimulé l’économie
Nous continuons de recevoir dans l’ensemble de bonnes nouvelles sur l’activité économique en Chine à mesure que la réouverture s’effectue. L’économie chinoise a enregistré un taux de croissance de 4,5 % au premier trimestre de 2023, dépassant les estimations de 4 % et nettement le taux de croissance de 2,9 % enregistré au quatrième trimestre de 2022.12 Fait encore plus encourageant, les ventes au détail ont bondi de 10,6 % en mars, une hausse par rapport aux 3,5 % en janvier-février.13 Il est évident que la « vie de vengeance » est amorcée. Le PDG d’Airbus a affirmé avec véhémence que « la réouverture de l’économie chinoise a largement contribué à la reprise du trafic aérien et que toutes les régions devraient enregistrer un retour à la normale, voire même un degré d’activité supérieur à avant la COVID ».14
Il y a eu de petites déceptions quant à la production industrielle et aux dépenses en immobilisations, mais la situation devrait s’améliorer car on note un regain de confiance des entreprises. Le chômage urbain va dans la bonne direction et je m’attends à ce que le taux de chômage chez les jeunes lui emboîte le pas puisque la réouverture de l’économie se poursuit. De plus, je crois que cela contribue à la diminution des pressions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, qui sont à l’heure actuelle aux niveaux prépandémiques, d’après l’indice de pression de la chaîne d’approvisionnement mondiale de la Réserve fédérale de New York.
8. La période de déclaration des bénéfices est plutôt encourageante
Jusqu’à présent, 18 % des sociétés de l’indice S&P 500 ont déclaré avoir réalisé un bénéfice au premier trimestre.15 Parmi elles, 76 % ont dévoilé une hausse des bénéfices inattendue.15 Les secteurs des soins de santé, de la consommation discrétionnaire et des services financiers ont mené le bal. Cependant, détrompez-vous, ce sont là des « dépassements » sur des révisions à la baisse des prévisions en matière de bénéfices. On prévoit que les bénéfices vont chuter ce trimestre-ci. Et, c’est correct; cela semble être ce que les marchés anticipaient lorsqu’ils se sont repliés l’année dernière. Je crois que la chute des taux agira comme une force compensatoire qui permettra l’augmentation des ratios, même si des bénéfices moins élevés exercent des pressions à la baisse sur les cours boursiers.
9. La divergence s’est accélérée
Bien que la volatilité des actions ait diminué, celle des obligations a en fait augmenté. Cette divergence a débuté au milieu de 2022, mais s’est accélérée récemment. On peut peut-être blâmer l'incertitude quant à la voie que va emprunter la Réserve fédérale américaine. Je prévois que la volatilité implicite des actions va augmenter car les États-Unis sont en voie d’atteindre le plafond de la dette publique sans résolution en vue.
Conclusion
Somme toute, le mois d’avril a dressé le tableau d’une économie mondiale qui continue de lutter contre l’inflation dans bon nombre de régions du monde; cependant, on peut espérer que l’inflation va chuter rapidement sous peu (du moins aux États-Unis). Certains signes montrent que l’économie mondiale s’est bien tirée d’affaires, malgré le resserrement marqué de la politique monétaire et il ne fait aucun doute que la réouverture de l’économie chinoise va soutenir l’économie mondiale. Nous nous retrouvons dans un jeu de patience pour savoir simplement quel impact le resserrement aura sur ces économies, ce que feront les banques centrales et quand la question du plafond de la dette publique sera résolue.
Rédigé en collaboration avec Paul Jackson et Andras Vig