Le 1er juillet a marqué le début de la deuxième moitié de 2024, et même si le « Nouvel An semestriel » n’est peut-être pas un jour férié officiel, il semble que ce soit le point de départ de certains nouveaux régimes. La semaine dernière, nous avons obtenu deux données importantes qui, selon moi, devraient nous rapprocher du début tant attendu des réductions de taux de la Réserve fédérale (Fed). Le premier tour des élections législatives a eu lieu en France le 30 juin, les résultats initiaux et les sondages indiquant que le parti d’extrême droite du Rassemblement national de Marine Le Pen et ses alliés ont remporté le plus de votes. De plus, les électeurs britanniques devraient élire un gouvernement travailliste après 14 ans sous le règne des conservateurs.
Les forces du premier semestre peuvent-elles se poursuivre?
Commençons par récapituler les six premiers mois de l’année. La plupart des actifs risqués ont connu une excellente période. Les actions mondiales, représentées par l’indice MSCI Monde, ont inscrit des gains de plus de 10 % au premier semestre de l’année1. Les États-Unis se sont démarqués, l’indice S&P 500 progressant d’environ 15 % au cours de la période2. D’autres grands indices boursiers ont également enregistré des gains, mais plus modestes.
Les rendements des titres à revenu fixe ont été contrastés. Certaines obligations d’État ont subi des pertes au premier semestre de l’année, y compris les obligations d’État japonaises3. Les obligations des marchés émergents ont inscrit des gains, tout comme les obligations américaines à rendement élevé4.
Les prix des produits de base ont également enregistré des gains importants, en particulier ceux de l’énergie et des métaux précieux5. Les prix de l’or en particulier ont augmenté au premier semestre de l’année6, grâce à la demande soutenue des banques centrales, ainsi que l’intérêt des investisseurs pour la couverture des risques géopolitiques et les préoccupations des investisseurs à l’égard de la hausse des déficits budgétaires.
La plupart des investisseurs espèrent que ce contexte de marché se poursuivra, du moins en ce qui concerne les actifs risqués. Toutefois, de nombreux investisseurs craignent qu’il ne se poursuive pas. Je crois que ce sera le cas, étant donné que l’un des principaux moteurs de ce contexte de marché – les attentes d’assouplissement de la Fed – demeure en place.
La confiance de la Fed pourrait s’accroître
La semaine dernière, nous avons obtenu deux données importantes qui, selon moi, devraient accroître la confiance de la Fed et nous rapprocher du début des réductions de taux de cette dernière : Dépenses personnelles de consommation (DPC) de base en juin et données finales de l’Université du Michigan sur les attentes des consommateurs relativement à l’inflation en juin.
Les DPC de base sont la mesure privilégiée de l’inflation par la Fed. Elles sont maintenant tombées à 2,6 % sur 12 mois, se rapprochant de la cible de 2 % de la Fed7. Elles sont maintenant inférieures au niveau où la Fed s’attend à ce que les dépenses personnelles de base soient à la fin de l’année, selon le graphique à points de juin. De plus, maintenant que les DPC de base sont tombées à 2,6 % et que le taux des fonds fédéraux est toujours supérieur à 5,3 %, la politique monétaire est maintenant plus restrictive que jamais depuis septembre 20078.
La Fed accorde également une attention particulière aux attentes des consommateurs relativement à l’inflation. Après avoir brièvement augmenté, les attentes des consommateurs relativement à l’inflation pour un an à l’Université du Michigan sont retombées à 3 %, contre 3,3 % en juin9. Même si elles ne correspondent pas à la cible de la Fed, cela est rassurant, car cela indique que les attentes des consommateurs relativement à l’inflation sont bien ancrées.
La Fed tient compte d’une mosaïque de données dans ses décisions de politique monétaire. Toutefois, ces deux données sont sans doute plus importantes pour la Fed et augmentent considérablement la probabilité d’une baisse de taux en septembre, selon moi. Rappelons qu’en juin 2022, le président de la Fed, Jay Powell, a invoqué deux données : les attentes des consommateurs relativement à l’inflation au Michigan et un autre indicateur d’inflation (bien que ce ne soit pas l’indice préféré de la Fed), soit l’indice des prix à la consommation, comme raisons de relever les taux plus que prévu. De telles données sont très importantes pour la Fed et, tout comme elles l’ont convaincue d’adopter une attitude plus ferme, elles peuvent la convaincre d’adopter une attitude plus conciliante. Mon point à retenir : Un « changement de régime » de la politique monétaire est imminent.
Élections parlementaires en France : Résultats de la première ronde
Un « changement de régime » semble également s’opérer en France. Le premier tour des élections législatives françaises a eu lieu le 30 juin, et les résultats des sondages de sortie et les résultats initiaux indiquent que le parti d’extrême droite du Rassemblement national de Marine Le Pen et ses alliés ont obtenu le plus grand nombre de votes (environ 34 %), l’alliance de l’extrême gauche du Nouveau Front populaire (NFP) arrivant au deuxième rang (environ 29 %) et la coalition Ensemble centriste du président Emmanuel Macron au troisième rang (environ 22 %)10.
Gardez à l’esprit que le premier tour consistait à décider quels candidats passeraient au deuxième tour dans chacune des 577 circonscriptions. Seuls les candidats ayant obtenu plus de 12,5 % des voix au premier tour sont admissibles au deuxième tour et ceux ayant obtenu plus de 50 % sont automatiquement élus.
Les premières projections de sièges de la société de recherche et de sondage Ipsos donnent à penser que le RN remportera 230 à 280 sièges, soit un peu moins des 289 sièges nécessaires pour obtenir une majorité. Le NFP devrait gagner de 125 à 165 sièges et Ensemble devrait en gagner de 70 à 100. Il convient de noter que ces projections sont au mieux aléatoires et incertaines.
Il n’est pas certain qu’un parti obtiendra une majorité parlementaire, d’autant plus que M. Macron a fait appel à l’électorat pour bloquer le parti RN d’extrême droite. Jean-Luc Mélenchon, chef de l’alliance du NFP, a demandé à ses candidats qui se sont classés troisièmes dans les districts où le candidat du RN est en tête de peloton de démissionner. La stratégie consiste à détourner les votes au deuxième tour de ces circonscriptions du parti RN, plutôt que de diviser le vote anti-RN entre les candidats centristes et les candidats de gauche.
La deuxième série de négociations aura lieu le 7 juillet, et le résultat est loin d’être clair. Pour simplifier, nous envisageons trois scénarios possibles : une majorité de l’extrême droite, une majorité de l’extrême gauche et une solution administrative temporaire, comme la nomination d’un gouvernement technocratique ou un cabinet de continuité quelconque (un gouvernement doit être formé à partir du nouveau parlement, car il ne peut y avoir d’autres élections avant au moins 12 mois).
Incidences de l’élection française sur les placements
Les gouvernements d’extrême droite et d’extrême gauche devraient accroître le déficit budgétaire déjà important de la France et détériorer les relations avec l’Union européenne. Nous sommes d’avis qu’une solution administrative temporaire est la plus probable et qu’il s’agirait de l’issue la plus rassurante pour les marchés financiers, ce qui pourrait déclencher un redressement. Toutefois, si un gouvernement durable ou technocratique est entravé par un RN fort ou freiné en étant redevable au NFP, le président Macron pourrait dissoudre l’Assemblée nationale et déclencher de nouvelles élections anticipées après un an, un scénario qui fait l’objet de discussions dans certains milieux politiques. L’incertitude pourrait ne pas se dissiper rapidement. Mais pour l’instant, tous les yeux sont tournés vers le deuxième tour.
- Solution administrative temporaire : Selon nous, c’est le résultat qui serait le mieux accueilli par les marchés. Ce scénario devrait se traduire par la plus grande continuité, la plus grande stabilité et le moins d’incertitude, et nous croyons donc que les actions françaises devraient augmenter dans ce scénario. Nous nous attendons à ce que ce résultat soit le plus favorable à l’UE, de sorte que l’euro et les actions européennes devraient augmenter. De plus, nous nous attendons à ce que les écarts de taux des obligations françaises par rapport à ceux de l’Allemagne se resserrent, car le gouvernement actuel sera probablement le plus prudent sur le plan budgétaire. De même, les écarts de taux des pays périphériques devraient se resserrer, car ce résultat serait le moins dommageable pour le projet de l’UE.
- Majorité de l’extrême droite : Selon nous, ce résultat ne serait pas bien accueilli par les marchés, mais il ne serait pas aussi négatif qu’une majorité de l’extrême gauche, surtout compte tenu des récentes assurances données par Marine Le Pen. Toutefois, étant donné que cela nuirait vraisemblablement à la vigueur de l’Union européenne, l’euro devrait s’affaiblir. Compte tenu de la plus grande incertitude politique, nous croyons qu’elle pourrait nuire aux actions françaises et européennes, tandis que les écarts de taux des obligations françaises et des pays périphériques pourraient s’élargir par rapport à ceux de l’Allemagne.
- Majorité de l’extrême gauche : Nous nous attendons à ce que ce résultat soit le plus défavorable pour les marchés. Il en résulterait probablement la plus grande largesse budgétaire, ce qui entraînerait un délestage des obligations françaises. Cela nuirait également à la vigueur de l’Union européenne, ce qui pourrait affaiblir l’euro. Compte tenu de la plus grande incertitude politique, nous croyons qu’elle serait probablement défavorable pour les actions françaises et européennes ainsi que pour l’euro, et qu’elle entraînerait un élargissement des écarts de taux des obligations françaises et périphériques par rapport à ceux de l’Allemagne.
Quel que soit le résultat, nous sommes d’avis que la thèse de placement dans les actions européennes demeure. Leurs évaluations sont faibles et leur exposition aux secteurs cycliques est plus importante, ce qui devrait profiter à la reprise de l’économie mondiale11. Cela dit, ces titres pourraient connaître une forte volatilité à très court terme en raison des élections en France.
Changement de régime au Royaume-Uni
Une chose dont nous pouvons être à peu près certains est qu’il y aura un changement de régime au Royaume-Uni. Les électeurs britanniques se rendront aux urnes le 4 juillet et devraient élire un gouvernement travailliste après 14 ans sous le règne des conservateurs. Les sondages indiquent que le nouveau premier ministre recevra un mandat fort de l’électorat et sera en mesure de gouverner, contrairement aux deux premiers ministres précédents (M. Sunak et Mme Truss), ce qui devrait apporter stabilité et certitude. Une fois les élections terminées, les investisseurs devraient avoir l’occasion de se recentrer sur les données fondamentales.
Que nous réserve l’avenir?
Il y a un congé cette semaine aux États-Unis, mais nous recevrons beaucoup de données importantes. Les indices des directeurs d’achats pour les États-Unis, la zone euro, le Royaume-Uni et le Japon seront publiés, ce qui nous donnera une idée de la direction que prendront ces économies. De plus, l’inflation dans la zone euro sera importante. Il y a lieu de craindre que ce taux soit plus élevé que prévu, mais cela ne me préoccupe pas. Nous savons que le parcours de désinflation est imparfait et que certaines données seront décevantes. Je m’attends à ce que la Banque centrale européenne ne se précipite pas de nouveau pour réduire les taux. Nous sommes donc déjà prêts à faire preuve de patience; l’important est que la politique monétaire évolue dans la bonne direction, mais de façon graduelle. De plus, le compte rendu de la réunion du Federal Open Market Committee – qui donne habituellement un aperçu utile de ce que pensent les dirigeants de la Fed – et plusieurs données importantes sur l’emploi aux États-Unis seront publiés cette semaine. Je crois qu’ils donneront à la Fed d’autres raisons de commencer à réduire ses dépenses avant la fin du troisième trimestre.
Comme je l’ai mentionné plus haut, à l’aube de la deuxième moitié de l’année, les investisseurs craignent que la conjoncture change et ne favorise pas autant les actifs risqués. Même si je n’étais pas surprise de voir une période de digestion relativement courte après la forte remontée de la première moitié de l’année, je crois que le contexte demeurera favorable aux actifs risqués à l’échelle mondiale. La différence réside peut-être dans le fait que nous observons un élargissement du marché aux actions à petite capitalisation et aux marchés boursiers qui n’ont pas connu un aussi bon rendement au premier semestre de l’année.
Avec les contributions de Paul Jackson, Arnab Das et Emma McHugh