La semaine dernière, j’ai écrit que la mini-crise bancaire semble s’être atténuée, même s’il était évident que les investisseurs avaient encore des craintes à l’égard de certaines banques régionales. Eh bien, la situation a refait surface de plus belle la semaine dernière, après que la banque régionale First Republic a annoncé ses résultats du premier trimestre et une chute vertigineuse des dépôts. Au cours de la fin de semaine, nous avons appris que les avoirs de la First Republic ont été saisis par les autorités réglementaires américaines et que l’entreprise a été rachetée par JPMorgan Chase. Malgré tout, la situation continue de sembler idiosyncrasique plutôt que systémique. Voici un résumé de ce que nous avons appris sur le secteur bancaire depuis le début de la période de déclaration des bénéfices :
- Croissance des revenus. Jusqu’à présent, les banques américaines ont déclaré, ou s’apprêtent à déclarer, une croissance des revenus nettement supérieure à 10 % pour le premier trimestre.1 Cela inclut les banques régionales. Les grandes banques installées sur les principales places financières ont généralement enregistré des bénéfices plus élevés, même si toutes les banques font face aux mêmes vents contraires (c.-à-d., augmentation des provisions pour pertes sur prêts dans l’anticipation d’un ralentissement économique et diminution des marges nettes d’intérêts).
- Dépôts. On note une différence significative entre les grandes banques et les banques régionales aux États-Unis en ce qui concerne les flux de dépôts récents. Les grandes banques ont vu leurs dépôts augmenter ou diminuer dans une fourchette relativement étroite de 1 à 3 %.2 Les banques régionales ont fait état d’une fourchette beaucoup plus large, mais en moyenne, les banques régionales ont enregistré une baisse substantielle des dépôts depuis que la crise a éclaté au début de mars, bien qu’aucune autre banque n’ait signalé des sorties de fonds aussi extrêmes que celles signalées par la First Republic la semaine dernière.
- Cours boursiers. Il semble que les cours des actions des banques régionales américaines ne soient pas déterminés par les bénéfices, mais plutôt par les flux des dépôts; celles qui ont des pertes sont punies, tandis que celles dont les dépôts se sont stabilisés ou ont augmenté récemment ont été récompensées.
Par exemple, First Republic a largement dépassé les attentes en matière de bénéfices et de revenus pour le premier trimestre, malgré une baisse des revenus nets d’intérêts. Pourtant, son action a chuté de façon spectaculaire lorsqu’elle a annoncé une forte baisse des dépôts. À l’inverse, une autre banque, PacWest, a indiqué la semaine dernière qu’elle avait légèrement dépassé les attentes en matière de bénéfices, mais elle a aussi affirmé que ses dépôts se sont stabilisés vers la fin du trimestre et ont depuis augmenté en avril, ce qui a entraîné une forte hausse du cours de l’action ces derniers jours.
À mon avis, First Republic est un cas isolé en raison du pourcentage élevé de dépôts qu'elle a perdus, ce qui a dicté le sort de son cours boursier. La raison pour laquelle elle a connu des sorties de fonds aussi élevées est liée à la nature unique de sa clientèle; comme la Silicon Valley Bank, elle avait un pourcentage élevé de dépôts non assurés (environ 70 %)3 en raison de sa clientèle fortunée.
Doit-on s’attendre à ce que d’autres banques régionales américaines subissent pareil sort?
À quoi peut-on s’attendre? D’autres banques régionales pourraient éprouver des difficultés, mais je crois que ce serait des cas très isolés, étant donné l'ensemble relativement unique de caractéristiques qui a posé des problèmes aussi graves à la Silicon Valley Bank, la Signature Bank et la First Republic Bank.
De manière générale, nous croyons que les banques seront confrontées à des conditions d’exploitation de plus en plus défavorables à mesure que les taux approcheront du sommet cyclique. Il faut s’y attendre : par le passé, les marges bénéficiaires nettes ont culminé à peu près au moment où la courbe des taux américains s’est inversée (et cela semble être le cas cette fois-ci). Ainsi, les perspectives du secteur bancaire américain en général sont légèrement négatives à court terme, compte tenu du ralentissement potentiel de la croissance, du resserrement des conditions de crédit et de la compression des marges nettes d’intérêts à mesure que la concurrence pour les dépôts s’intensifie.
Les conditions de crédit se resserrent aux États-Unis
Je persiste à croire que l’aboutissement le plus important de la crise bancaire est que les conditions de crédit se resserrent. Dans le plus récent livre beige de la Réserve fédérale américaine, on peut lire qu’en règle générale, l’activité économique est demeurée inchangée, mais que les conditions de crédit se sont resserrées dans un certain nombre de districts.
Par exemple, la Réserve fédérale de Dallas a déclaré que « la demande de prêts a continué de diminuer, que le volume des prêts a chuté et que les conditions de crédit se sont resserrées », tandis que la Réserve fédérale de San Francisco a fait remarquer que les « conditions de crédit se sont resserrées de façon notable et que plusieurs institutions de dépôt ont décidé de réduire le volume des prêts, particulièrement aux nouveaux clients, malgré les liquidités abondantes. »4
En outre, le plus récent indice des conditions de crédit de la American Bankers Association montre que les économistes des banques anticipent une nette détérioration des conditions de crédit et un resserrement des normes de crédit au cours des six prochains mois.5 J'espère que ce sera un mal pour un bien car cela pourrait obliger la Réserve fédérale américaine (Fed) à cesser de relever les taux puisque son travail aura été fait pour elle par le biais du resserrement des conditions de crédit.
Et maintenant, que fera la Fed?
Cela m'amène à vous parler des événements à surveiller cette semaine. Parmi les données importantes qui seront rendues publiques dans les prochains jours, citons le rapport sur le marché de l’emploi aux États-Unis et le sondage de mars Job Openings and Labor Turnover Survey sur les postes à combler et le roulement de personnel du U.S. Bureau of Labor Statistics, car nous surveillons attentivement les signes de pressions sur les salaires.
Cependant, l'événement le plus important à l’ordre du jour cette semaine est la réunion du Federal Open Market Committee. La plupart s'attendent à ce que la Fed relève ses taux de 25 points de base. J’espère encore que la Fed jouera de prudence et mettra fin aux hausses de taux en décrétant une « pause conditionnelle » ou, à tout le moins, qu’elle procédera à une « hausse accommodante » de 25 points de base, tout en nous disant que c’est la fin des hausses de taux.
Après de nombreuses hausses de taux musclées dans un très court laps de temps, je crois que la Fed joue avec le feu si elle continue sur cette voie, même si l’inflation n’est plus aussi élevée et que les signes pointent vers une désinflation marquée.
Rédigé en collaboration avec Arnab Das et Ashley Oerth