Marchés et économie

Les banques centrales se réunissent en juin, mais quand les baisses de taux commenceront-elles?

Édifice de La Banque impériale du Canada à Calgary, en Alberta.
Points importants à retenir
Banque centrale européenne
1

À mon avis, il est fort probable que l'Europe réduise ses taux en juin, vu les énormes progrès réalisés en matière de lutte contre l'inflation.

Banque du Canada
2

Comme l'inflation a ralenti, je crois qu’il y a une chance sur deux que la Banque du Canada abaisse ses taux à sa réunion de juin.

Réserve fédérale américaine
3

À mon avis, la Réserve fédérale américaine va laisser les taux inchangés en juin, car ses membres disent attendre d’avoir davantage de données probantes avant d’agir.

Quand j’étais enfant, le printemps était synonyme de fébrilité. Nous savions tous que la chaleur et les vacances d’été étaient à nos portes, mais nous ne savions pas exactement quand les vacances allaient commencer (car, tout dépendant du nombre de journées de tempête pendant lesquelles nous avions eu congé durant l’hiver, le dernier jour d’école pouvait varier quelque peu). Néanmoins, l’anticipation que nous partagions tous était universellement positive. Ce printemps, je dirais que les marchés traversent une période d’anticipation similaire; ils attendent que les différentes banques centrales commencent à réduire leurs taux d’intérêt. Nous nous attendons à ce que cela se produise bientôt, même si le moment exact demeure incertain, mais l’attente a été généralement positive, car les principaux indices boursiers mondiaux ont atteint de nouveaux sommets ces dernières semaines.

Où en sommes-nous donc en cette fin de mois de mai? Voici ce à quoi je m'attends des réunions de juin des banques centrales.

Banque du Canada : 5 juin

La semaine dernière, les données sur l’inflation au Canada ont montré des progrès significatifs : en avril, l’indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 0,5 % sur un mois et de 2,7 % sur un an.1 Ces chiffres sont conformes aux attentes et représentent le rythme de croissance le plus lent en trois ans.

Qui plus est, l’IPC de base, qui exclut les prix des aliments et de l’énergie, a augmenté de 0,1 % sur un mois pour un quatrième mois consécutif, laisse présager que l’inflation est bien maîtrisée.1 La Banque du Canada concentre ses efforts sur l’inflation de base, comme elle l’explique dans son communiqué d’avril sur la politique monétaire : « Le Conseil de direction surveille particulièrement l’évolution de l’inflation de base et continue de concentrer ses efforts sur l’équilibre entre l’offre et la demande au sein de l’économie, les anticipations d’inflation, la croissance des salaires et le comportement des entreprises en matière d’établissement des prix ».2

Il s’agit de la dernière mesure de l’IPC avant la réunion de juin de la Banque du Canada et je suis persuadée qu’elle a fait augmenter considérablement les probabilités d’une baisse de taux en juin. D’un autre côté, la Banque du Canada pourrait hésiter à agir tout de suite, étant donné la possibilité, exprimée dans le procès-verbal du Federal Open Market Committee et par certains porte-parole de la Réserve fédérale américaine (Fed), que la Fed procède à une hausse de taux. Cette éventualité pourrait nuire au dollar canadien, qui se déprécierait par rapport au dollar américain. Voilà pourquoi, je crois qu’il y a une chance sur deux que la Banque du Canada abaisse ses taux à cette réunion.

Banque centrale européenne : 6 juin

À mon avis, il est fort probable que la BCE réduise ses taux à sa réunion de juin. Les progrès réalisés en matière de lutte contre l'inflation sont énormes. Le rapport d’avril sur l’inflation dans la zone euro a révélé un IPC global de 2,4 % et un IPC de base de 2,2 % en glissement annuel. L’IPC du secteur tertiaire reste élevé, mais a considérablement ralenti; il a reculé à 3,7 % sur douze mois.3

La baisse des anticipations d’inflation des consommateurs en avril, qui vient d’être publiée, est une autre donnée encourageante. Les anticipations d’inflation sur un an se chiffrent à 2,9 %, soit le plus bas taux enregistré depuis septembre 2021. Les anticipations d’inflation sur trois ans sont passées de 2,5 à 2,4 %.4 Nous avons assisté à une réaccélération des coûts horaires de la main-d’œuvre, mais je doute fort que cela empêche la BCE de procéder à une baisse de taux en juin.

Réserve fédérale américaine: 12 juin

Je m'attends à ce que la Fed laisse les taux inchangés à sa prochaine réunion. Sur une note positive, les données de l’IPC d’avril ont montré une reprise de la désinflation après une certaine stagnation au premier trimestre. De plus, selon les données finales du sondage de l’Université du Michigan, les anticipations d’inflation des consommateurs pour le mois de mai sont moins élevées que prévu, ce qui indique que les anticipations d’inflation sont bien ancrées. Toutefois, il est évident que cela ne suffit pas à rassurer la Fed.

Au cours des dernières semaines, plusieurs porte-parole de la Fed ont déclaré qu’ils attendent d’avoir davantage de données probantes avant d’amorcer des baisses de taux. Je crois que le gouverneur de la Fed, Chris Waller, a résumé l’opinion de la majorité des membres du Federal Open Market Committee (FOMC) dans une déclaration faite la semaine dernière : « Tant que je ne verrai pas un ralentissement marqué du marché du travail, il faudra plusieurs mois de plus de données favorables sur l’inflation avant que je sois à l’aise de donner mon appui à un assouplissement de la politique monétaire ».5 Cela survient au lendemain de la publication du procès-verbal de la réunion de mai du FOMC, dont le ton est plus belliciste que prévu, au point où certains membres ont même indiqué qu’ils étaient prêts à appuyer une hausse de taux si nécessaire.

L’indicateur d’inflation de prédilection de la Fed, l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle, sera rendu public à la fin de cette semaine. Il sera évidemment suivi de près et pourrait faire bouger les marchés. Mais il ne suffira pas à lui seul à faire bouger la Fed. Cela étant dit, je persiste à croire qu’il est fort probable que nous assistions à une baisse de taux au troisième trimestre.

Il convient de noter que les banques centrales asiatiques attendront probablement que la Fed commence à réduire ses taux avant d’en faire autant, parce qu’elles veulent protéger leurs devises locales face à la vigueur du dollar américain.

Banque du Japon : 17 juin

La Banque du Japon (BdJ) semble parvenir à atteindre sa cible d’inflation durable de 2 %, après plusieurs décennies passées en dessous de ce seuil. Le taux d’inflation du Japon en avril s’élevait à 2,5 % en glissement annuel, et l’IPC de base, qui exclut les aliments frais mais inclut les coûts du carburant, était en hausse de 2,2 % sur douze mois; cela marque un deuxième mois de ralentissement de l’inflation, mais celle-ci reste au-dessus de la cible de la banque centrale.6 Qui plus est, les anticipations d’inflation des consommateurs ont augmenté récemment, ce qui donne plus de marge de manœuvre à la BdJ pour procéder à une autre hausse de taux.

La BdJ semble viser un deuxième objectif : contribuer à renforcer le yen japonais face aux pressions à la baisse. Le gouverneur de la BdJ, Kazuo Ueda, a exprimé sa confiance dans l’économie japonaise : « Je suis convaincu que l’économie japonaise va se redresser, malgré les données publiées après la réunion d’avril sur la politique monétaire de la BdJ. »7 Cela explique pourquoi, ces dernières semaines, la BdJ s’est montrée plus belliciste. On ne s’attend pas à une hausse des taux en juin, mais les probabilités qu’elle procède à plus d’une hausse de taux d’ici la fin de 2024 ont augmenté. Cela a eu une incidence sur les obligations d’État japonaises (JGB); le taux des JGB à 10 ans a franchi le seuil du 1 % pour la première fois en 11 ans.8

Banque de réserve d’Australie : 18 juin

L’inflation a été plus tenace en Australie, à tel point que l’on a craint que la Banque de réserve d’Australie ne relève ses taux cette année. Je ne suis pas convaincue que c’est ce qui va se produire, mais je m’attends à ce qu’elle soit parmi les dernières à procéder à des baisses de taux.

Banque d’Angleterre : 20 juin

Le rapport d’avril sur l’inflation au Royaume-Uni fait état de progrès significatifs en matière de lutte contre l’inflation, mais les résultats sont moins bons que prévu. Les progrès très modestes réalisés dans la lutte contre l’inflation dans le secteur tertiaire sont particulièrement décevants. À mon avis, une baisse de taux à la réunion de juin est clairement exclue, mais les progrès en matière de désinflation dans le secteur tertiaire suffiront peut-être à inciter la Banque d’Angleterre à procéder à une baisse de taux en août.

La grande majorité des banques centrales se dirigent vers la même destination

Les différences de politiques monétaires anticipées à court terme ont engendré énormément d’opérations de portage, à savoir que les investisseurs empruntent de l'argent dans des devises de pays dont les taux d'intérêt sont bas et utilisent ces sommes pour investir dans des devises de pays dont les taux d'intérêt vont probablement rester plus élevés pendant plus longtemps. Je crois que cette tendance va se poursuivre à court terme, étant donné que le début des baisses de taux sera certainement échelonné entre les banques centrales qui vont décider de procéder plus hâtivement et celles qui le feront plus tardivement. Cependant, je m’attends à ce que toutes ces banques centrales amorcent des baisses de taux en 2024, tout comme tous les écoliers finissent un jour ou l’autre par arriver aux vacances d’été. Je crois aussi que la plupart de ces banques centrales, sinon toutes, sont sur la voie d’un léger assouplissement monétaire (ou d’un léger resserrement, dans le cas de la Banque du Japon), ce qui devrait jouer en faveur des actifs à risque.

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Statistique Canada

  • 2

    Source : Communiqué de presse de la Banque du Canada, 10 avril 2024

  • 3

    Source : Eurostat 

  • 4

    Source : Banque centrale européenne, 28 mai 2024

  • 5

    Source : Reuters, « Fed officials urge patience on timing of initial rate cut », 21 mai 2024

  • 6

    Source : Ministère des Affaires internes et des communications du Japon

  • 7

    Source : Banque du Japon

  • 8

    Source : Bloomberg, 24 mai 2024