Marchés et économie

La Banque du Canada marque une pause : d'autres banques centrales suivront-elles son exemple cette semaine?

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Points importants à retenir
La Banque du Canada marque une pause
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La semaine dernière, la Banque du Canada a relevé son taux directeur de seulement 25 points de base et décidé de mettre son cycle de hausse des taux sur pause.

Les autres banques centrales suivront‑elles son exemple?
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La grande question que beaucoup se posent cette semaine est la suivante : la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne et la Banque d'Angleterre vont‑elles l’imiter?

Une « pause conditionnelle » pour les États‑Unis?
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De toute évidence, de ces trois banques centrales, c’est la Fed qui est la mieux placée pour appuyer rapidement sur le bouton pause et elle pourrait copier une page du livre de jeu du Canada.

Cette semaine sera cruciale en matière de politique monétaire. La Banque d’Angleterre, la Banque centrale européenne et la Réserve fédérale américaine (Fed) vont se réunir alors que le monde se demande : « Quand chacune d’elle va-t-elle décider d’appuyer sur le bouton pause? Nous ne pouvons qu’espérer qu’elles imiteront la Banque du Canada.

La Banque du Canada appuie sur le bouton pause

La semaine dernière, à sa réunion, la Banque du Canada a décidé de relever son taux directeur de 25 points de base; il s’agit de sa plus faible hausse de taux depuis mars. Plus important encore, elle a décidé de mettre son cycle de hausse des taux sur pause. Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a expliqué cette décision comme suit : « Après la modeste hausse d’aujourd’hui, nous nous attendons à pouvoir mettre en pause les augmentations du taux directeur pendant que nous évaluerons les effets du resserrement monétaire considérable auquel nous avons déjà procédé ».1

L’inflation au Canada est loin de la cible de 2 % de la banque centrale. L’indice général des prix à la consommation (IPC) au Canada était de 6,3 % sur douze mois en décembre; l’IPC de base s’élevait à 5,3 % sur douze mois.2 En fait, l’IPC semble n’avoir plafonné que cet automne. Alors, qu’est-ce qui pousse la Banque du Canada à appuyer sur le bouton pause si peu de temps après que l’inflation a commencé à se modérer?

Je crois que la Banque du Canada est plus convaincue de son point de vue selon lequel l’inflation ralentit suffisamment. Elle prévoit que l’inflation reviendra à 3 % d’ici la fin de l’année, ce qui correspond au sommet de sa fourchette cible.3 Et elle pourrait devenir plus sensible aux risques posés par le resserrement marqué de la politique monétaire, ce qui explique pourquoi elle dit avoir besoin d’évaluer « les effets » du resserrement monétaire auquel elle a déjà procédé.

Les autres banques centrales suivront-elles son exemple?

Par conséquent, la grande question que beaucoup se posent cette semaine est la suivante : la Fed, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d'Angleterre vont-elles l’imiter? Il semble prématuré que ces banques centrales suivent immédiatement les traces de la Banque du Canada, pour différentes raisons, car chacune a sa propre conjoncture économique et des calculs à faire :

  • Europe. L’inflation en Europe a culminé à 10,6 % en octobre, après quoi elle a commencé à se modérer, mais elle reste très élevée, à 9,2 % sur douze mois en décembre.4 La présidente de la BCE, Christine Lagarde, reste concentrée sur la lutte contre l’inflation et, pas plus tard que la semaine dernière, elle a réitéré son intention de relever les taux jusqu’à ce qu’ils soient « suffisamment restrictifs » et de les maintenir jusqu’à ce qu’il y ait « un retour opportun de l’inflation à notre objectif ».5 Elle pourrait même être enhardie par l’économie étonnamment résiliente de la zone euro. L’indice S&P Global composé préliminaire des gestionnaires en approvisionnement de la zone euro rendu public la semaine dernière montre une amélioration de la situation économique, alors que l’indice s’est hissé en territoire expansionniste à 50,2 points en janvier, a dépassé les attentes et a clôturé en hausse par rapport aux 49,3 points enregistrés en décembre.6 Il convient aussi de noter que la BCE a commencé plus tard que les autres grandes banques centrales des marchés développés à relever ses taux en raison des enjeux de croissance posés par la crise énergétique en temps de guerre et du rôle majeur des prix de l’énergie et des aliments dans l’inflation de la zone euro. Maintenant, la majeure partie du choc énergétique a été absorbée, d’autant plus que les prix de l’énergie sont loin de leurs sommets vu l’hiver très doux et les abondantes réserves d’énergie. Ces deux conditions soutiennent le pouvoir d’achat des ménages et des entreprises, ce qui risque, du même coup, d’enraciner davantage l’inflation. Tous les signes indiquent que le resserrement va se poursuivre pendant un certain temps encore.
  • Royaume-Uni. L’inflation est encore plus élevée au Royaume-Uni. Elle a culminé à 11,1 % sur douze mois en octobre et s’élevait à 10,5 % sur douze mois en décembre7, si bien que la Banque d’Angleterre n’a pas la latitude nécessaire pour pouvoir appuyer sur le bouton pause de sitôt. La Banque d’Angleterre a commencé à relever son taux directeur plus tôt, mais le Royaume-Uni se trouve dans un contexte d’inflation plus difficile. Le pays doit composer avec un marché du travail structurellement plus tendu en raison de plusieurs facteurs, à commencer par le Brexit, qui empêche de nombreux travailleurs de l’UE de rester au Royaume-Uni ou de venir s’y installer. Par conséquent, le Royaume-Uni pourrait bien finir par adopter une politique monétaire plus restrictive que la Fed ou la BCE en raison de l’inflation plus élevée et des risques d’inflation, même si le risque de récession est le plus élevé.
  • États-Unis. L’inflation se modère depuis plusieurs mois aux États-Unis. Selon l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE) des États-Unis, l’inflation est conforme aux prévisions pour le mois de décembre, soit un taux d’inflation global de 5,0 % et un taux d’inflation de base de 4,4 %.8 C’est une nette amélioration par rapport aux données de novembre, soit un taux d’inflation global de 5,5 % et un taux d’inflation de base de 4,7 %.8 Cependant, le président du conseil de la Fed, Jay Powell, est hanté par le fantôme de son prédécesseur, Paul Volcker, qui erre dans les couloirs de l’immeuble de la Fed, mâchouille des cigares et attise la peur que l’inflation ne s’enracine si elle n’est pas complètement vaincue dans les plus brefs délais. La peur que l’histoire de la fin des années 70 et du début des années 80 se répète si la Fed « n’a pas fait ce qu’il fallait » du premier coup est une force puissante à la Fed, car M. Powell s’inquiète de ce qu’il va laisser à la postérité. (Il ne veut clairement pas qu’on se souvienne de lui comme d’un Arthur Burns, mais comme d’un Paul Volcker. Il devrait peut‑être élargir les possibilités et inclure Alan Greenspan parmi les « dirigeants de la banque centrale qui l’ont inspiré »?) La Fed devrait aussi se préoccuper du risque de provoquer une grave récession aux États-Unis si elle n’appuie pas bientôt sur le bouton pause.

La Fed pourrait-elle procéder à une « pause conditionnelle »?

De toute évidence, de ces trois banques centrales, c’est la Fed qui est la mieux placée pour appuyer rapidement sur le bouton pause. Elle pourrait calmer les craintes qu’elle ne termine pas la lutte contre l’inflation en copiant une page du livre de jeu de la Banque du Canada. La Banque du Canada a clairement indiqué qu’il s’agit d’une « pause conditionnelle » qui n’aura lieu que si « l’évolution de l’économie est généralement conforme à nos… perspectives ».9 Cependant, la Banque du Canada a ajouté ceci : « si nous devons intervenir davantage pour ramener l’inflation à la cible de 2 %, nous le ferons. »9

J’espère qu’une « pause conditionnelle » similaire accompagnée d’un avertissement clair disant que d’autres hausses de taux auront lieu si les statistiques économiques ne sont pas satisfaisantes suffira à apaiser les craintes des faucons de la Fed, ainsi que le fantôme de Paul Volcker. J’espère et je suis de plus en plus convaincu que la Fed relèvera ses taux de 25 points de base cette semaine et de 25 points de base de plus en mars, mais que la réunion de mars sera accompagnée d’une « pause conditionnelle ».

Les marchés devront encore composer avec de nouvelles hausses de taux des banques centrales, notamment de la BCE et de la Banque d’Angleterre. Mais cela ne devrait pas être une grande surprise et la bonne nouvelle est que la croissance supérieure aux attentes dans la zone euro et la réouverture de l’économie chinoise réduisent considérablement le risque d’une récession mondiale dans un proche avenir. Cela signale une dépréciation du dollar américain alors que les attentes d’une reprise mondiale se concrétisent, ce qui, à mon avis, devrait soutenir les actifs à risque, malgré la baisse des bénéfices.

Rédigé en collaboration avec Arnab Das

Notes de bas de page

  • 1

    Source : Banque du Canada, « Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse », 25 janvier 2023

  • 2

    Source : Statistique Canada, 17 janvier 2023

  • 3

    Source : Banque du Canada, 25 janvier 2023

  • 4

    Source : Eurostat, 18 janvier 2023

  • 5

    Source : Bloomberg News, « ECB Will Stay Course to Return Inflation to 2%, Lagarde Says », 23 janvier 2023

  • 6

    Source : S&P Global Markit Economics

  • 7

    Source : UK Office for National Statistics

  • 8

    Source : U.S. Bureau of Economic Analysis, 27 janvier 2023

  • 9

    Source : Banque du Canada, « Rapport sur la politique monétaire – Déclaration préliminaire à la conférence de presse », 25 janvier 2023