Marchés et économie

Au-dessus de la mêlée : Les marchés laissent entrevoir que l’inflation est derrière nous

Points importants à retenir
Une bonne nouvelle, c’est une bonne nouvelle
1

Maintenant que l’inflation aux États-Unis est maîtrisée, les marchés se tournent à nouveau vers la croissance et ont, d’une manière générale, récompensé la bonne activité économique.

Les taux élevés n’ont pas entravé l’économie
2

L’abondance de prêts hypothécaires à taux fixe renégociés à des taux moins élevés a contribué à atténuer l’incidence des taux élevés sur l’économie américaine.

Les marchés ne se soucient pas des questions de popularité
3

Depuis 1961, l’indice S&P 500 a inscrit certains de ses meilleurs rendements lorsque la cote de confiance du président se situait entre 35 % et 50 %.

« L’ennemi, c’est le bruit. L’objectif, c’est la clarté. »

                                        Jon Stewart

Il est difficile de donner un nom aux choses. Ma femme et moi avons eu du mal, pendant les 40 semaines de chacune de ses grossesses, à trouver un nom pour le bébé. Pourtant, je n’ai pas eu de mal à accoucher (vous avez la référence?) d’un nom pour mon bulletin mensuel. Je voulais que le contenu reste au-dessus du brouhaha ambiant pour me concentrer sur ce qui comptait le plus pour les marchés financiers, et je l’ai nommé en conséquence.

La cacophonie est presque toujours assourdissante, mais elle ne l’a peut-être jamais été autant qu’aujourd’hui. Guerres. Élections. Ouragans. Le dernier potin concernant une célébrité, à côté duquel je passe complètement mais qui obsède ma fille adolescente. C’est beaucoup. Et pourtant, à l’heure où j’écris ces lignes, l’indice Dow Jones des valeurs industrielles et l’indice S&P 500 atteignent des sommets records.

Comment est-ce possible? Pour rester au-dessus de la mêlée, je me concentre sur trois grands moteurs du marché :

  1. L’état du cycle économique
  2. La direction de l’économie
  3. La trajectoire probable de la politique monétaire

À moins que les guerres, les élections ou les catastrophes naturelles ne modifient mon point de vue sur ces trois moteurs du marché (ce qui n’est généralement pas le cas), je considère ces événements comme un bruit de fond en arrière-plan du marché. Les investisseurs trop axés sur la politique ou les conflits géopolitiques n’ont peut-être pas remarqué la formidable résilience de l’économie et le début du cycle d’assouplissement tant attendu de la Réserve fédérale américaine (Fed).

Peut-on parler d’atterrissage en douceur? D’environnement idéal? Appelez cela comme vous voulez. Dans un cas comme dans l’autre, je m’attends à ce que le contexte des actifs risqués demeure positif.

Il peut s’agir d’un biais de confirmation, mais…

… une bonne nouvelle reste bonne nouvelle, et une mauvaise nouvelle reste une mauvaise nouvelle.

Laissez-moi vous expliquer. Lorsque l’inflation était élevée, les bonnes nouvelles pour l’économie étaient considérées comme de mauvaises nouvelles pour le marché boursier, car elles indiquaient que le resserrement de la politique monétaire se poursuivrait indéfiniment. Maintenant que l’inflation est maîtrisée, les marchés se sont détournés de cette dernière pour se concentrer sur la croissance et ont, d’une manière générale, récompensé la bonne activité économique.

Comment le savons-nous? Prenons les corrélations mobiles entre les actions et les obligations du Trésor américain, illustrées dans le graphique ci-dessous. Les deux facteurs sont habituellement corrélés négativement, c’est-à-dire que lorsque l’un des deux augmente, l’autre diminue, et vice versa. Mais cela n’a pas été le cas entre la fin de 2023 et le milieu de l’année 2024. Au cours de cette période, les bonnes nouvelles économiques se sont traduites par une hausse des taux (soit une baisse du cours des obligations) et un faible rendement des actions, et les mauvaises nouvelles économiques par une baisse des taux (soit une hausse du cours des obligations) et un bon rendement des actions. Il semble que cette époque ait pris fin, car les corrélations sont de nouveau négatives : lorsque les actions augmentent, les obligations diminuent, et vice versa1.

De nouveau, les bonnes nouvelles sont de bonnes nouvelles, ce qui suggère que les marchés estiment que l’épisode de forte inflation est derrière nous : une bonne nouvelle, en effet.

Puisque vous m’avez posé la question... (partie 1)

Q. : Pourquoi les taux d’intérêt élevés n’ont-ils pas affecté l’économie américaine, comme c’est souvent le cas?

R. : L’explication la plus simple est que la plupart des Américains ont des prêts hypothécaires à taux fixe. Comme le montre le graphique ci-dessous, le taux des nouveaux prêts hypothécaires a bondi, mais le taux que les Américains paient est resté historiquement bas. En effet, les ménages américains ont profité des faibles taux en vigueur entre 2009 et 2021 pour verrouiller leurs taux d’intérêt pour 30 ans2.

Si la Fed relève ses taux et que cela n’affecte que peu de monde, alors l’opération passe relativement inaperçue. 

Puisque vous m’avez posé la question... (partie 2)

Q. : Étant donné que le taux d’épargne excédentaire aux États-Unis a considérablement diminué, comment les consommateurs américains pourront-ils continuer de soutenir l’économie?

R. : J’ai beaucoup entendu cette question. L’épargne excédentaire a été épuisée. Considérez-la comme des économies que les ménages n’auraient pas sans les mesures d’ampleur prises par le gouvernement face à la pandémie. La situation est beaucoup plus favorable pour les ménages américains que ne le laisse entendre la question. La valeur nette des consommateurs atteint un niveau record3, et on compte toujours près de 18 000 milliards de dollars de dépôts bancaires4 et 6 500 milliards de dollars sur les marchés monétaires5.

On a dit (partie 1)

« Un mois seul ne constitue pas une tendance ».

                                – Claudia Sahm

Claudia Sahm, spécialiste du marché de l’emploi, met en garde contre une surinterprétation du rapport sur l’emploi de septembre. La mention, dans ce rapport, d’une masse salariale démesurée est incompatible avec d’autres données qui suggèrent que le marché de l’emploi aux États-Unis ralentit. Par exemple, le nombre de postes vacants a chuté à un niveau qui prévalait avant la pandémie, tandis que les taux de démission, qui ont tendance à diminuer à mesure que les emplois deviennent plus difficiles à trouver, sont inférieurs à leur niveau de 20196. On est loin de la grande démission! Je remarque également que les chiffres de l’emploi sont sujets à de fortes révisions.

Ce bon rapport sur l’emploi a fait grimper les taux des obligations du Trésor américain et revoir à la baisse les prévisions de réduction des taux7, ce qui est probablement une réaction excessive. Je suis d’accord avec Claudia Sahm sur ce point : ne donnons pas trop d’importance à un seul chiffre. Le cycle d’assouplissement va persister.

On a dit (partie 2)

Avez-vous entendu l’idée selon laquelle les marchés préféreraient un gouvernement divisé? Vous la connaissez sans doute. Est-ce vrai? Certes, les chiffres confirment cette théorie, mais je dirais que l’analyse n’est pas significative sur le plan statistique. Dans la plupart des cas, les rendements sont plutôt le résultat de quelques années particulièrement importantes. Examinons deux hypothèses potentielles pour 2024 se soldant par des gouvernements divisés :

  • Président républicain, Sénat républicain, Chambre des représentants démocrate : Cette combinaison a donné lieu au deuxième meilleur résultat pour les actions8. Il s’agit d’une donnée intéressante, surtout pour ceux qui appellent de leurs vœux une victoire de Trump, mais moins impressionnante si l’on considère que cette combinaison ne s’est présentée qu’au début des années Reagan et en 2019-2020.
  • Président démocrate, Sénat républicain, Chambre des représentants démocrate : Cette combinaison ne s’étant pas produite depuis la période 1886-1889, elle se situe hors de notre période d’analyse.

Pour ce que cette information vaut, le marché boursier américain a inscrit de solides rendements positifs lors des récents exemples où un seul parti avait les pleins pouvoirs, notamment sous les présidences du démocrate Bill Clinton (1993-1994), du républicain George W. Bush (2005-2006) et du démocrate Barack Obama (2009-2010)8.

Tout le monde pense peut-être « savoir » que le marché se porte mieux sous un gouvernement divisé... Ou alors, tout le monde confond corrélation et causalité.

Et ça recommence!

Voici mon message d’intérêt public à la veille de l’élection. Les marchés se moquent de savoir si vous n’aimez pas le président. De fait, depuis 1961, le marché s’est mieux comporté lorsque la cote de confiance du président se situait entre 35 % et 50 %9. Il suffit d’observer les rendements de l’indice S&P 500 sous Obama, Trump et Biden, dont les cotes de confiance ont oscillé entre 35 % et 50 % pendant respectivement 74 %, 100 % et 82 % du temps10.

Donc, si vous, vos amis et votre famille n’êtes pas satisfaits du résultat des urnes, rappelez-vous que le marché, lui, préfère lorsque plus de la moitié du pays n’approuve pas le président.

Automatiser mon travail?

Chaque mois, je pose une question à ChatGPT – l’agent conversationnel axé sur l’intelligence artificielle – et j’évalue sa réponse.

Q. : Quelles sont les conditions qui entraîneraient un affaiblissement du dollar américain?

R. : L’affaiblissement du dollar américain peut découler de plusieurs circonstances et facteurs économiques, notamment :

  1. Des taux d’intérêt faibles : Si la Réserve fédérale maintient les taux d’intérêt à des niveaux bas ou les abaisse davantage, cela peut réduire l’attrait du dollar pour les investisseurs qui cherchent à obtenir des rendements plus élevés.
  2. Une inflation élevée L’inflation persistante peut éroder le pouvoir d’achat, ce qui entraîne une baisse de la valeur du dollar par rapport aux autres devises.
  3. Les déficits commerciaux : Un déficit commercial important, où les importations excèdent les exportations, peut exercer des pressions à la baisse sur le dollar, car davantage de dollars sont vendus pour acheter des biens étrangers.
  4. La croissance économique mondiale : Si d’autres économies croissent plus rapidement que l’économie américaine, les investisseurs pourraient préférer investir dans ces devises, ce qui affaiblirait le dollar.

Bonne réponse, ChatGPT. Je me concentrerai sur les points 1 et 4. Les investisseurs s’attendaient à ce que la croissance et les taux aux États-Unis diminuent pour converger vers ceux du reste du monde. Pourtant, les bonnes données économiques récentes suggèrent le contraire. Je reste néanmoins toujours d’avis qu’un assouplissement de la politique monétaire devrait entraîner un ralentissement du dollar américain, ce qui soutiendrait les actifs non libellés en dollars américains.

Sur la route

Ce mois-ci, mes voyages m’ont amené dans le comté d’Oakland, au Michigan, et dans le comté de Maricopa, en Arizona, deux endroits qui feront l’objet de toutes les attentions le soir des élections. Je n’étais pas préparé à l’avalanche de publicités de campagne qui bombardaient les ondes. On aurait dit qu’une publicité sur deux me demandait mon vote. Disons que cela m’a permis de saisir l’intérêt de ne pas vivre dans un État pivot.

Tout cela sera bientôt terminé. N’oubliez pas que nous avons plus de points communs que de différences. J’en sais quelque chose, moi qui passe mon temps à voyager dans notre formidable pays.

On se revoit après le scrutin. 

Notes de bas de page

  • 1

    Sources : Bloomberg L.P. et Invesco, au 30 septembre 2024. Les rendements des obligations du Trésor américain (7 à 10 ans) sont représentés par l’indice FTSE US Government Bond 7-10 Years. Statistiques calculées à partir des données quotidiennes sur les rendements à partir de janvier 1993. Les rendements indiciels ne constituent pas les rendements de stratégies. Il est impossible d’investir directement dans un indice. Les rendements passés ne sont pas garants des résultats futurs. 

  • 2

    Sources : Bureau of Economic Analysis et Bankrate.com, au 30 septembre 2024.

  • 3

    Source : Réserve fédérale américaine, au 30 juin 2024.

  • 4

    Source : Réserve fédérale américaine, au 2 octobre 2024.

  • 5

    Source : Investment Company Institute, au 9 octobre 2024.

  • 6

    Source : US Bureau of Labor Statistics, au 30 septembre 2024.

  • 7

    Source : Bloomberg L.P., au 15 octobre 2024. D’après le taux des obligations du Trésor américain à 10 ans et les contrats à terme sur fonds fédéraux.

  • 8

    Source : Bloomberg L.P., au 30 septembre 2024. Selon le rendement de l’indice S&P 500.

  • 9

    Sources : Bloomberg L.P., Gallup, et Invesco, au 30 septembre 2024. Selon le rendement de l’indice S&P 500 pendant les périodes où la cote de confiance est inférieure à 35 %, située entre 35 % et 50 %, et supérieure à 50 %.

  • 10

    Source : Gallup, 30 septembre 2024.