Marchés et économie

Tour d'horizon de l'économie mondiale : l'emploi aux États-Unis, le secteur manufacturier en Europe et la confiance à l’égard de la Chine

Tour d'horizon de l'économie mondiale : l'emploi aux États-Unis, le secteur manufacturier en Europe et la confiance à l’égard de la Chine
Points importants à retenir
Emploi aux États-Unis
1

Le rapport sur l'emploi du mois d'août montre que l'économie américaine ralentit, mais se porte encore très bien.

Secteur manufacturier en Europe
2

En août, les nouvelles commandes manufacturières dans la zone euro ont chuté à l'un des niveaux les plus bas jamais enregistrés.

Confiance à l’égard de la Chine
3

Le redémarrage de l'économie chinoise après la pandémie s'essouffle, mais les mesures de relance pourraient contribuer à rétablir la confiance.

Dans de nombreuses régions du monde, c’est la rentrée scolaire et l’été est en quelque sorte terminé. Les paroles d’une chanson d’Eminem qui disent « snap back to reality » (reviens à la réalité) prennent vraiment tout leur sens aujourd’hui pour ceux et celles qui ont passé les derniers jours ou les dernières semaines à la plage. Revenir à la réalité signifie aussi qu’il est temps de se mettre à jour dans les nouvelles et les plus récentes statistiques. Je crois également que revenir à la réalité signifie admettre qu’un « atterrissage en douceur », même pour l’économie américaine, est peu probable compte tenu du fait que la politique monétaire fonctionne, mais « le décalage est long et variable ». La mise à jour de cette semaine porte sur le thème d’un « atterrissage et décollage en dents de scie ».

  • De nombreuses économies développées sont confrontées à un atterrissage en dents de scie et les banques centrales s’efforcent, tant bien que mal, de maîtriser l’inflation sans provoquer une récession. Jusqu’à présent, les États-Unis traversent moins de turbulences que la zone euro et le Royaume-Uni mais, malgré tout, je ne m’attends pas à ce que l’économie américaine parvienne à effectuer un atterrissage en douceur.
  • De son côté, la Chine vit un décollage en dents de scie, c’est le moins que l’on puisse dire, alors qu’elle tente de relancer sa croissance économique après des années de restrictions liées à la pandémie.

Passons en revue quelques-unes des plus récentes statistiques.

Atterrissage en dents de scie : Les États-Unis

Le rapport sur l'emploi du mois d'août1 montre que l'économie ralentit, mais se porte encore très bien. Le taux de création d’emplois est élevé, même si le nombre d’emplois créés au cours des deux mois précédents a été révisé à la baisse de 110 000. Le taux de chômage a légèrement augmenté et s’établit à 3,8 %. Plus important encore, à mon avis, la croissance des salaires a diminué. Le salaire horaire moyen a monté de 0,2 % sur un mois et de 4,3 % sur douze mois.

La croissance des salaires est un facteur important de l’inflation globale et il est encourageant de constater qu’elle se rapproche des seuils prépandémiques. Elle devrait continuer de ralentir, car le nombre de postes à combler va en diminuant. Le nombre de postes à combler aux États-Unis, qui a culminé à 12 millions en mars 2022, a chuté à 8,8 millions en juillet.2 C’est la première fois que le nombre de postes à combler passe sous la barre des 9 millions depuis mars 2021.2

Jusqu’ici, l’économie américaine a été relativement épargnée par le resserrement marqué de la politique monétaire de la Réserve fédérale américaine (Fed), mais nous savons que les conditions de crédit se sont considérablement resserrées; je m’attends donc à ce que la situation continue de se détériorer. Par exemple, un fabricant américain de meubles haut de gamme a récemment annoncé qu’il allait cesser ses activités, en grande partie parce qu’il n’est pas en mesure d’obtenir du financement. J’ai bien peur que d’autres suivront.

Atterrissage encore plus en dents de scie : La zone euro

L’indice des gestionnaires en approvisionnement (PMI) du mois d’août3 révèle que l’économie de la zone euro est encore plus sous pression que celle des États-Unis. L’indice composé PMI HCOB de la zone euro de S&P Global pour le mois d’août s’est fixé à 46,7 points, ce qui est proche de son plus faible pointage en près de trois ans et indique un déclin rapide. L’indice PMI du secteur tertiaire est passé de 50,9 points en juillet à 47,9 points en août, ce qui le place en territoire de contraction pour la première fois cette année. Les sous-indices des nouvelles commandes des secteurs tertiaire et manufacturier sont les plus préoccupants. Ils ont tous deux baissé, mais c’est celui du secteur manufacturier qui affiche le pire résultat. L’Allemagne est particulièrement sous pression, car elle enregistre le ralentissement global de l’activité le plus fort depuis juin 2009, en excluant la pandémie.

La bonne nouvelle est que, si l’impact est de plus en plus négatif sur l’économie de la zone euro, surtout si l’inflation diminue, cela pourrait signaler la fin plus rapide des hausses de taux de la Banque centrale européenne (BCE). Les données récentes sur l’inflation abondent dans ce sens. L’inflation de base a ralenti en août et les anticipations d’inflation des consommateurs demeurent relativement bien ancrées, les anticipations d’inflation sur un an se maintiennent à 3,4 % et celles sur trois ans ont légèrement avancé, pour s’établir à 2,4 %.4

Autre atterrissage en dents de scie : Le Royaume-Uni

L’économie du Royaume-Uni a elle aussi souffert des hausses de taux, comme en témoignent les résultats des plus récents sondages PMI.5 L’indice S&P Global/CIPS des gestionnaires en approvisionnement (PMI) du secteur manufacturier du Royaume-Uni a fléchi à 48,6 points, par rapport à 50,8 points en juillet. L’indice PMI du secteur tertiaire a chuté à 49,5 points en août, contre 51,5 points en juillet. L’indice du secteur tertiaire a reculé à son plus bas pointage en sept mois, tandis que celui du secteur manufacturier est à son plus bas niveau depuis mai 2020.

La situation est problématique, car la Banque d’Angleterre entend maintenir une position belliciste même si la Fed et même la BCE décidaient de cesser de relever leurs taux, ce qui pourrait nuire davantage à l’économie britannique. Cependant, cela pourrait changer, surtout si les récentes baisses rapides de l’inflation se poursuivent. Il sera donc important de voir dans quelle mesure le ralentissement de l’économie britannique va se traduire par une diminution de l’inflation dans un proche avenir, ce qui pourrait inciter la Banque d’Angleterre à adopter une position moins belliciste.

Décollage en dents de scie : La Chine

En Chine, le redémarrage de l’économie après la pandémie est décevant. Les effets décalés de la politique monétaire ont aussi touché l’économie chinoise, car les hausses de taux aux États-Unis et en Europe ont entraîné une diminution de la demande mondiale de biens. Cela a eu des répercussions sur le secteur manufacturier chinois et a mis des bâtons dans les roues de l’économie au moment de la reprise.

L’activité du secteur tertiaire6 est meilleure, mais elle a aussi subi des pressions. L’indice PMI Caixin du secteur tertiaire de la Chine a chuté à 51,8 points en août, contre 54,1 points en juillet. Il est toujours en territoire expansionniste, mais est à son plus bas niveau en huit mois. Or, contrairement à ce qui s’est passé dans la zone euro, le sous-indice des nouvelles commandes laisse entrevoir une amélioration.

Le secteur immobilier est l’un des points faibles de la Chine. La situation semble toutefois sur le point de s’améliorer. Les autorités chinoises ont récemment annoncé des mesures qui visent à soutenir ce secteur d’activité, notamment l’assouplissement des règles d’emprunt pour les acheteurs d’une première habitation; ces mesures incluent une réduction des taux hypothécaires et l’assouplissement du ratio de mise de fond. En outre, le 5 septembre, les autorités ont annoncé que le géant de l’immobilier Country Garden a pu éviter de tomber en défaut de paiement. Country Garden a honoré le paiement des coupons de ses obligations américaines juste avant l’expiration du délai de grâce qui lui avait été accordé.

Tout compte fait, c’est une question de confiance. Les autorités chinoises doivent mettre en place des mesures de relance suffisantes pour rétablir la confiance. Des mesures telles que la réduction significative, la semaine dernière, de la taxe sur les opérations en valeurs mobilières et les mesures de soutien au secteur immobilier pourraient, à mon avis, contribuer à renforcer cette confiance, mais il faut en faire plus.

Une route sinueuse : Les marchés

L’incertitude entourant la politique monétaire a contribué à la forte fluctuation des taux des bons du Trésor américain à 10 ans, ce qui a eu un impact significatif sur le rendement de l’indice S&P 500 en août.

Globalement, l’indice S&P 500 s’est replié en août, mais il a terminé bien au-dessus de son niveau le plus bas, la baisse du taux des bons du Trésor américain à 10 ans à la fin du mois a atténué la pression exercée sur les marchés boursiers. Cette baisse du taux des bons du Trésor américain à 10 ans a été provoquée par des données qui laissent présumer que l’inflation diminue, ce qui a renforcé l’anticipation que la Fed va mettre un terme au cycle de hausses de taux.

En bout de ligne, la politique monétaire a une incidence sur les marchés, tout comme sur l’économie. À mon avis, dès que nous aurons la certitude que le cycle de hausses de taux de la Fed est bel et bien terminé, cela va non seulement jouer en faveur des actifs à risque, mais aussi entraîner une dépréciation du dollar américain, ce qui, par le fait même, pourrait être particulièrement avantageux pour les actions des marchés émergents.

Le fait que les banques centrales des marchés émergents aient déjà commencé à assouplir leur politique monétaire est un autre facteur positif. La Chine n’est pas la seule à avoir abaissé les taux d’intérêt, le Brésil et le Chili en ont fait autant et l’on s’attend à ce que le Mexique et même Taïwan et la Corée leur emboîtent le pas sous peu. Selon moi, la mise en œuvre d’une politique plus ciblée pour soutenir l’économie chinoise devrait aider les marchés boursiers chinois.

Il faudra suivre de près les politiques monétaire et budgétaire, y compris la réunion du 6 septembre de la Banque du Canada, qui a, en quelque sorte, fait office de précurseur en matière de politique monétaire. Il y a du changement dans l’air et cela pourrait donner lieu à des occasions de placement.

Notes de bas de page

  • 1

    Source des données sur l’emploi aux États-Unis pour le mois d’août : US Bureau of Labor Statistics, 1er septembre 2023

  • 2

    Source : sondage sur les postes à pourvoir et le roulement de personnel (Job Openings and Labor Turnover Survey), US Bureau of Labor Statistics, 29 août 2023

  • 3

    Source des données du sondage PMI de la zone euro : S&P Global, 5 septembre 2023

  • 4

    Source : Banque centrale européenne, 5 septembre 2023

  • 5

    Source des données du sondage PMI du Royaume-Uni : S&P Global/CIPS, 1er et 5 septembre 2023

  • 6

    Source des données du sondage PMI de la Chine : S&P Global/Caixin Media, 5 septembre 2023