Cette augmentation du taux d’imposition semblera injuste à de nombreuses petites entreprises, et peut-être aussi aux investisseurs individuels à long terme, car l’accumulation d’actifs en vue de la retraite se fait souvent au sein de leur petite entreprise et constitue, dans bien des cas, la seule source d’épargne-retraite.
Si une cristallisation immédiate des gains en capital accumulés n’est pas souhaitée, que doivent envisager les investisseurs à long terme? Bien que de nombreux détails des nouvelles règles proposées restent à préciser, voici quelques considérations générales.
Pour les particuliers, il peut être utile de planifier le calendrier des dispositions futures pour rester en dessous du seuil annuel de 250 000 $. De plus, cela peut sembler évident, mais le fait de maximiser les placements dans les régimes enregistrés, notamment le nouveau compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), lorsqu’il est admissible, peut réduire l’exposition à l’impôt futur sur les gains en capital. Par ailleurs, la planification successorale devient d’autant plus importante que l’éventuel impôt à payer sur la disposition réputée d’une immobilisation au décès augmente. À cet égard, des stratégies visant à réduire les gains en capital au décès pourraient être envisagées, comme les dons entre vifs, les dons de bienfaisance, le transfert au conjoint et la souscription d’une assurance vie, afin que la succession dispose d’une liquidité suffisante.
Pour les propriétaires d’entreprise, certaines stratégies visant à limiter l’exposition aux gains en capital peuvent consister, par exemple, à cotiser à un régime de retraite individuel (RRI), à procéder à un gel successoral afin de transmettre les futurs gains en capital aux propriétaires de la relève et à s’assurer que les actions de la petite entreprise sont admissibles à l’ECGC. Les stratégies les plus appropriées dans une situation donnée dépendent fortement des besoins de l’entreprise et de la situation personnelle de son propriétaire.
Méfiez-vous de la règle des pertes apparentes
Les règles fiscales canadiennes exigent qu’un particulier attende au moins 30 jours avant de racheter le même bien s’il veut pouvoir déclarer le montant intégral de la perte en capital. C’est ce qu’on appelle la règle des pertes apparentes. Essentiellement, si un particulier ou son conjoint ou conjoint de fait achète un bien identique à celui qui a été vendu au cours de la période qui commence 30 jours avant et se termine 30 jours après la disposition et qu’il le détient toujours le 31e jour suivant la disposition, alors la perte sur la vente initiale sera apparente. Une perte apparente est réputée nulle et ne peut être réclamée. Au lieu de cela, la perte refusée est ajoutée au prix de base rajusté du bien acquis.
La règle des pertes apparentes s’applique également si le bien est acquis par une société contrôlée par le particulier ou son conjoint ou conjoint de fait au cours de la période susmentionnée. Enfin, la règle des pertes apparentes s’applique aux fiducies dont l’investisseur ou son conjoint ou conjoint de fait est un bénéficiaire à participation majoritaire. Par conséquent, la stratégie consistant à vendre un bien détenu dans un compte non enregistré et à l’acquérir à nouveau dans un régime enregistré d’épargne-retraite (REER), un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), un régime enregistré d’épargne-études (REEE) ou un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) n’est pas viable.
Si vous envisagez de cristalliser un bien dans le but de réaliser des gains latents au taux d’inclusion de 50 % avant la date d’entrée en vigueur du 25 juin, veuillez prendre garde à l’application possible de la règle des pertes apparentes à tout bien qui est actuellement en situation de perte. Soulignons toutefois qu’un « gain apparent » n’existe pas : une cristallisation des plus-values latentes aurait simplement pour effet que ces gains seraient imposables dans l’année d’imposition de la cristallisation. Lorsque la date d’opération et la date de règlement d’une opération diffèrent, comme une disposition de fonds communs de placement, la disposition est réputée avoir eu lieu à la date de règlement, et non à la date d’opération.
En plus de la règle des pertes apparentes, voici d’autres éléments à prendre en considération.
Transferts en nature à des régimes enregistrés : Souvent, les investisseurs financent leurs régimes enregistrés au moyen d’un transfert en nature de titres à partir de leur compte non enregistré. Les transferts en nature d’un compte non enregistré à un régime enregistré (p. ex., un REER ou un CELI) entraînent une disposition aux fins de l’impôt. Tout gain en capital résultant de la disposition est imposable. Une perte en capital résultant du transfert en nature sera refusée et inutilisable en vertu des règles canadiennes relatives aux pertes « réputées nulles ». Il est donc plus avantageux de réaliser d’abord la perte en capital sur le titre dans le régime non enregistré, puis de transférer le produit dans le régime enregistré.
Transfert de la version en fiducie à la version en société d’un même fonds commun de placement : Les fonds communs de placement et les fonds négociés en bourse (FNB) peuvent être constitués légalement en fiducie ou en société. De nombreux fonds de sociétés offrent différentes catégories d’actions. Chaque catégorie représente un portefeuille de titres différent avec un mandat de placement différent (p. ex., technologie, Europe, etc.). Si vous avez accumulé une perte dans la version en fiducie d’un fonds commun de placement particulier, vous pouvez passer à la version en société de ce fonds et cristalliser la perte. Dans tous les cas, un échange entre la catégorie en fiducie et la catégorie en société est considéré comme une disposition imposable. Lorsque l’autre version du fonds est achetée, il n’y a pas de perte apparente. En effet, c’est une structure juridique différente qui est rachetée et non un bien identique. Soulignons toutefois qu’un transfert entre différentes catégories d’actions au sein de la même société de placement à capital variable sera probablement visé par la règle des pertes apparentes. En effet, les actions d’une même société de placement à capital variable sont considérées comme des biens identiques.
Achat d’un autre fonds de la même catégorie : Au lieu de passer d’une fiducie de fonds commun de placement à une société de placement à capital variable, il est également possible de réaliser une perte en passant d’une fiducie de fonds commun de placement à une autre fiducie de fonds commun de placement de la même catégorie. Par exemple, il est possible de réaliser la perte subie par une fiducie de fonds d’actions canadiennes en passant à une autre fiducie de fonds d’actions canadiennes au sein de la même famille. La possibilité de déclarer la perte dans ce cas dépendra de la question de savoir si les deux fiducies de fonds d’actions canadiennes sont considérées comme « identiques ».
Il en va de même pour les FNB. L’Agence du revenu du Canada (ARC) a déclaré que la détermination des placements « identiques » est une question de fait. Plusieurs facteurs sont pris en considération, dont la structure juridique de l’entité de placement, la composition des biens, les facteurs de risque, les droits des investisseurs et toute restriction applicable. Des biens sont généralement considérés comme identiques s’ils sont les mêmes à tous égards importants et qu’une personne n’a pas de préférence pour l’un plutôt que l’autre.
Agir trop tôt ou pas assez vite?
Enfin, il y a ce que de nombreux acteurs du secteur appellent un risque lié à un « changement de loi ». En effet, des élections fédérales sont prévues au cours des 18 prochains mois, et cette politique fiscale d’inclusion des gains en capital sera certainement un enjeu électoral majeur pour les conservateurs. Dans le cadre de leur programme électoral, ils pourraient promettre de l’abroger purement et simplement ou d’en modifier la portée et l’application. Il faut également tenir compte du fait que toute modification future du taux d’inclusion des gains en capital pourrait être d’application rétroactive ou prospective seulement; elle pourrait avoir une portée considérable ou ne s’appliquer qu’à des circonstances limitées. En résumé, même si l’imposition des gains en capital est à nouveau modifiée après l’élection, elle pourrait prendre de nombreuses formes.