Planification fiscale et successorale

Ce que les investisseurs doivent savoir sur le budget fédéral de 2023

Ce que les investisseurs doivent savoir sur le budget fédéral de 2023

Le 28 mars 2023, Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances, a déposé le budget fédéral de 2023. Voici un résumé des principales mesures qui met l'accent sur l'impôt sur le revenu des particuliers, la planification financière, les portefeuilles de placement et l'imposition des sociétés privées.

Mesures visant l’impôt sur le revenu des particuliers

Remboursement pour l’épicerie

Le budget de 2023 instaure un « remboursement pour l'épicerie », qui triple le montant maximal du crédit sur la taxe sur les produits et services de janvier 2023 pour les particuliers admissibles.

Le crédit sur la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) est un paiement trimestriel libre d'impôt effectué par l'Agence du revenu du Canada (ARC) qui aide les particuliers et les familles à faible revenu à compenser la TPS/TVH qu'ils paient. Un particulier admissible doit être un résident canadien aux fins de l'impôt sur le revenu au début du mois au cours duquel un paiement est effectué et respecter l'une des conditions suivantes :

  • Être âgé de 19 ans ou plus
  • Avoir un époux ou un conjoint de fait
  • Être un père ou une mère qui vit/a vécu avec son ou ses enfants

Le montant du crédit est indexé sur l'inflation et calculé en fonction du revenu net de la famille, de l’état matrimonial et du nombre d'enfants de moins de 19 ans inscrits au crédit pour la TPS/TVH.

Voici un résumé des montants des paiements du crédit pour la TPS/TVH et des seuils de revenu pour l'année de base 2021 (période de paiement de juillet 2022 à juin 2023) : 

Année de base 2021 (période de paiement de juillet 2022 à juin 2023)
Crédit de base pour adulte admissible 306 $
Supplément pour adulte célibataire (« supplément pour célibataire ») 161 $
Crédit pour chaque enfant admissible de moins de 19 ans 161 $
Équivalent du montant pour conjoint pour parents célibataires 306 $
Seuil de revenu progressif pour le supplément versé aux adultes célibataires sans enfants (taux progressif : 2 %; jusqu'à 161 $ de crédit additionnel) 9 919 $
Seuil de revenu d'élimination (taux d'élimination : 5 %) 39 826 $
Crédit maximal pour adulte célibataire sans enfants 467 $
Crédit maximal pour les personnes mariées ou ayant un conjoint de fait sans enfants 612 $

Remarque : Les parents célibataires peuvent recevoir un supplément maximal additionnel pour célibataires et le montant par adulte pour le premier enfant (le montant par enfant est fourni pour chaque autre enfant).

Pour faire face à la hausse du coût de la vie attribuable à l’inflation, un paiement supplémentaire unique pour la TPS, qui a doublé le montant du crédit pour TPS sur une période de six mois, a été émis en novembre 2022. L’admissibilité à ce paiement unique était fondée sur le droit des particuliers au crédit en octobre 2022 et sur leur revenu net familial rajusté en 2021.

Le remboursement pour l’épicerie proposé dans le budget de 2023 fournira un montant supplémentaire de crédit pour taxe sur les produits et services équivalant au double du montant reçu pour janvier 2023 (c'est-à-dire que le montant de janvier 2023 est triplé). Aux fins de ce paiement, les taux de mise en œuvre et d’élimination progressives seraient triplés (passant à 6 % et à 15 %, respectivement), sans modification des seuils de revenu susmentionnés. Les paiements seront effectués après l'adoption de la loi. Le montant maximal du remboursement pour l’épicerie serait :

  • 153 $ par adulte
  • 81 $ par enfant
  • 81 $ pour le supplément pour célibataires

Pour tout complément d’information sur le crédit pour la TPS/TVH, veuillez consulter le site Internet du gouvernement du Canada.

Fiducies collectives des employés

En deux mots, les fiducies collectives des employés (FCE) sont une forme d’actionnariat des employés dans laquelle les actions d’une entreprise sont détenues en fiducie dans une société en exploitation au profit des employés. Cette structure est souvent utilisée pour faciliter l'achat d'une entreprise exploitée activement au Canada par ses employés. Le financement de l'achat de l'entreprise peut être facilité au moyen d'un prêt consenti par l'entreprise acquise par la FCE.

La FCE doit être un résident canadien et viser deux objectifs : détenir des actions d'entreprises admissibles au profit de ses employés bénéficiaires et, accessoirement, permettre des distributions de fiducie selon une formule qui tient compte de l'ancienneté, de la rémunération et des heures travaillées de l’employé. En règle générale, une entreprise admissible est une entreprise dont la totalité ou la quasi-totalité de sa juste valeur marchande est attribuable à des actifs utilisés dans une entreprise exploitée activement au Canada.

Si la fiducie est admissible à titre de FCE, le budget de 2023 propose d'ajouter les attributs fiscaux suivants :

  • La période de calcul de la provision pour gains en capital sera prolongée de cinq à dix ans pour les transferts d’entreprise admissibles à une FCE. Ce changement prévoit la comptabilisation d’au moins 10 % des gains en capital, au lieu des 20 % traditionnels, en vertu de la provision pour gains en capital actuelle de cinq ans.
  • Les remboursements de prêts par les actionnaires sont généralement imposables s'ils ne sont pas effectués dans l'année qui suit l'octroi du prêt. Les règles régissant les prêts aux actionnaires seront prolongées et passeront de un an à 15 ans pour leur éviter de payer de l’impôt sur les montants impayés s'ils sont liés à un transfert admissible à une FCE.
  • Une FCE sera exemptée des règles normales de disposition réputée sur 21 ans qui s'appliqueraient autrement aux fiducies.

Ces modifications entreront en vigueur le 1er janvier 2024.

Régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) et soutien aux étudiants

Le budget de 2023 contenait des propositions visant à modifier les règles régissant les REEE.

Maximums des paiements d'aide aux études (PAE)

Les bénéficiaires de REEE inscrits à plein temps à un programme d’études postsecondaires admissible ont le droit de recevoir un PAE maximal de 5 000 $ au cours de leur première période d'inscription de 13 semaines. En vertu des règles actuelles, les étudiants à temps partiel ont le droit de recevoir un PAE maximal de 2 500 $ au cours de chaque période d'inscription de 13 semaines.

À compter de la date du budget, le budget propose d'augmenter l'accès aux PAE pour les étudiants à plein temps et à temps partiel pendant les périodes de 13 semaines, comme suit :

  Avant le budget Après le budget
Plein temps $5,000 $8,000
Temps partiel $2,500 $4,000

Remarque : Même si les limites des PAE ont été augmentées et que ces changements entrent en vigueur immédiatement, il pourrait y avoir un délai avant que les promoteurs de REEE ne soient en mesure de traiter les demandes de retraits de PAE en vertu des nouvelles limites, car les modalités de leur régime pourraient devoir être modifiées pour tenir compte des changements apportés aux règles. 

Autoriser les parents divorcés ou séparés à ouvrir un REEE en tant que cosouscripteurs

Seuls les époux ou conjoints de fait peuvent ouvrir un REEE en tant que cosouscripteurs. Jusqu'à présent, si les souscripteurs divorçaient ou se séparaient après l'ouverture d'un REEE conjoint, le régime pouvait rester ouvert, mais aucun nouveau REEE ne pouvait être ouvert conjointement par des personnes divorcées ou séparées. Le budget de 2023 propose de permettre aux personnes divorcées ou séparées d'ouvrir des REEE, à compter de la date du budget.

Soutien aux étudiants

Le budget de 2023 prévoit des améliorations proposées aux prêts et bourses aux étudiants. Voici les modifications proposées qui entreraient en vigueur le 1er août 2023 :

  • Augmenter les bourses d’études canadiennes de 40 % de manière à fournir jusqu’à 4 200 $ aux étudiants à plein temps admissibles.
  • Rehausser le plafond des prêts d’études canadiens de 210 $ à 300 $ par semaine.
  • Abolir l'obligation pour les étudiants adultes de plus de 21 ans de subir un examen de crédit à leur première demande de bourses et de prêts fédéraux aux étudiants.

Conventions de retraite (CR)

Une CR est un type de convention parrainé par l’employeur qui vise à fournir des prestations de pension supplémentaires à ses employés. Cette convention permet généralement à un employeur de verser des cotisations à un dépositaire, qui détient les fonds en fiducie jusqu'à ce qu'ils soient distribués à l'employé, ou au bénéficiaire, lorsqu’il prend sa retraite, perd son poste ou son emploi ou lors de tout changement substantiel dans ses états de service. Les fonds sont généralement détenus dans le « compte de placement de la CR ».

Les employeurs peuvent généralement déduire 100 % de leurs cotisations à la CR. Bien qu'il n'y ait pas de limite précise quant au montant des cotisations qu'un employeur peut verser à une CR, elles doivent être considérées comme « raisonnables ». Par exemple, les avantages fournis ne doivent pas dépasser ceux qui sont appropriés pour le poste, le salaire et les états de service de l'employé. Toutes les cotisations versées et tous les revenus ou gains en capital réalisés dans le compte de placement de la CR sont assujettis à un impôt remboursable de 50 %. L'impôt remboursable prélevé sur les cotisations versées par l'employeur au dépositaire est versé par l'employeur à un compte d'impôt remboursable (CIR) ne portant pas intérêts administré par l'Agence du revenu du Canada (ARC).

Lorsque le dépositaire distribue les fonds du compte de placement de la CR au bénéficiaire, le CIR rembourse 1 $ pour chaque tranche de 2 $ distribuée, ce qui permet de récupérer l'intégralité du solde du CIR si la CR est entièrement payée. Toutes les distributions provenant du compte de placement de la CR s’ajoutent au revenu imposable du bénéficiaire, qui recevra un feuillet T4A-RCA du dépositaire faisant état du montant des distributions et de la déduction d'impôt sur le revenu.

Le « préfinancement » d’une CR signifie généralement qu'un employeur verse des cotisations à la CR avant le départ à la retraite de l'employé. Ces cotisations sont déductibles de l'impôt de l'employeur et ne s’ajoutent pas au revenu imposable de l'employé tant qu'elles ne lui sont pas distribuées par la CR à sa retraite. Ainsi, les employeurs peuvent choisir de préfinancer les prestations de retraite supplémentaires au moyen de cotisations versées à une fiducie établie en vertu d’une CR (fiducie d’une CR).

Les employeurs qui choisissent de ne pas préfinancer leurs obligations de prestations de retraite au moyen de cotisations à une fiducie d’une CR peuvent obtenir une lettre de crédit ou un cautionnement d’une institution financière afin de pouvoir régler les obligations de prestations de retraite à leurs employés à mesure qu’elles sont exigibles. Cela offre une sécurité à leurs employés et garantit le paiement d'une certaine somme d'argent si l'employeur n'est pas en mesure de remplir ses obligations en vertu de la CR. Pour garantir ou renouveler la lettre de crédit ou le cautionnement, l’employeur paie des frais ou primes annuels facturés par l’émetteur. Ces frais ou primes sont également assujettis à l'impôt remboursable de 50 %, ce qui signifie que l'employeur doit verser le double du montant des frais ou de la prime à la fiducie de la CR pour couvrir à la fois les frais et l'impôt remboursable. Par exemple, si les frais annuels relatifs à une lettre de crédit s’élèvent à 50 000 $, l’employeur doit cotiser 100 000 $ à la fiducie de la CR, étant donné que la somme restante de 50 000 $ sera versée à l’ARC au titre de l’impôt remboursable.

Le budget de 2023 propose deux mesures clés :

  1. Les frais ou primes payés pour garantir ou renouveler une lettre de crédit ou le cautionnement d’une CR qui est complémentaire à un régime de pension agréé ne seraient pas assujettis à l’impôt remboursable de 50 %. Ce changement s’appliquerait aux frais ou primes payés à compter de la date du budget.
  2. Les employeurs pourraient demander un remboursement d’impôts remboursables déjà versés pour des lettres de crédit ou des cautionnements par les fiducies d’une CR. Le remboursement serait calculé en fonction des prestations de retraite qui sont versées à partir des revenus de sociétés de l’employeur aux employés qui touchaient des prestations d’une CR garanties par des lettres de crédit ou des cautionnements. Les employeurs seraient ainsi admissibles à un remboursement pouvant atteindre 50 % des prestations de retraite payées, jusqu’à concurrence du montant de l’impôt remboursable déjà versé. Ce changement s’appliquerait aux prestations de retraite payées après 2023.

Régimes enregistrés d’épargne-invalidité (REEI)

Le budget de 2023 prolonge la disposition relative aux membres de la famille admissibles jusqu’au 31 décembre 2026. Cette disposition permet à un membre de la famille, comme le père ou la mère, un époux ou un conjoint de fait, d’être titulaire d’un régime pour un adulte ayant une déficience mentale et qui n’a pas de représentant légal. Les propositions incluront également un frère ou une sœur adulte de 18 ans ou plus à inclure dans la définition d'un membre de la famille admissible. Comme auparavant, un membre de la famille admissible qui devient titulaire du régime avant la fin de 2026 pourra demeurer le titulaire du régime après 2026.

Impôt minimum de remplacement (IMR) pour les particuliers à revenu élevé

L'impôt minimum de remplacement (IMR), qui est en vigueur depuis 1986, vise à empêcher les particuliers de faire un usage disproportionné des traitements fiscaux préférentiels et à garantir qu'un certain montant d'impôt demeure exigible malgré les avantages fiscaux ciblés réclamés. L'IMR exige qu’un calcul d'impôt distinct soit effectué parallèlement aux calculs réguliers de l'impôt sur le revenu d'un particulier en tenant compte de certains traitements ou déductions préférentiels qu'un particulier a demandés au cours de l'année d'imposition. Autrement dit, le revenu imposable régulier est recalculé en fonction de différentes hypothèses pour arriver à un revenu imposable ajusté aux fins de l'IMR; cela rétablit la « base de revenu assujetti à l’IMR » sur laquelle l'IMR peut être calculé. Cet autre calcul comporte l'ajout de déductions ciblées spécifiques au revenu imposable autrement déterminé selon la méthode régulière et exclut certains crédits d'impôt autrement disponibles. Selon les règles actuelles de l'IMR, Il importe de noter qu'un particulier (autre qu'une fiducie) a droit à une exemption de base de 40 000 $ aux fins de la détermination du revenu imposable rajusté selon le calcul de l'IMR. Au lieu des taux d'imposition progressifs utilisés dans les calculs d'impôt réguliers, un taux forfaitaire de 15 % est utilisé pour calculer l'impôt minimum à payer. Si le montant de l'IMR calculé est plus élevé que l'impôt ordinaire autrement payable, le particulier doit payer le montant de l'IMR. L'excédent de l'IMR sur l'impôt ordinaire autrement payable peut être reporté jusqu'à 7 ans et récupéré à même les impôts ordinaires, sous réserve de certaines limites. Techniquement, un calcul de l’IMR devrait être fait pour chaque particulier chaque année en plus du calcul régulier de l'impôt fédéral. Cependant, dans la plupart des cas, le montant de l'impôt fédéral régulier à payer serait plus élevé que celui de l'IMR; par conséquent, en pratique, l'IMR ne s'applique généralement qu'à un petit nombre de personnes. Selon le budget fédéral de 2022, la révision proposée de l'IMR indique que des milliers de Canadiens paient encore peu ou pas d'impôt sur le revenu des particuliers chaque année et suggère une révision de l’IMR ainsi que des changements substantiels.

Le budget de 2023 propose plusieurs modifications (énumérées ci-dessous) au calcul de l'IMR en élargissant l'assiette des revenus assujettis à l'IMR et en limitant les allègements fiscaux accordés sous forme de déductions, d'exonérations et de crédits.

  • Le taux d'inclusion des gains en capital sur les dispositions d'options d'achat d'actions passera de 80 à 100 %. De plus, les pertes en capital reportées prospectivement d’autres années et les pertes au titre d’un placement d’entreprise s’appliqueraient à un taux de 50 %. En outre, il propose d’inclure dans l’assiette de l’IMR 100 % de l’avantage associé aux options d’achat d’actions accordées aux employés.
  • Le taux d’inclusion en vigueur de 30 % des gains en capital admissibles à l’exonération cumulative des gains en capital sera maintenu.
  • Le budget propose d'inclure dans l'assiette de l'IMR 30 % des gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse. L’inclusion de 20 % s’appliquerait également à l’avantage associé aux options d’achat d’actions au moment de l’exercice, dans la mesure où une déduction peut être demandée à l’égard des titres sous-jacents qui ont fait l’objet d’un don.
  • Les déductions et dépenses énumérées ci-dessous seront refusées en appliquant un plafond de 50 % :
    • Frais liés à l’emploi, autres que ceux engagés afin de gagner un revenu de commissions
    • Déductions pour cotisations versées au RPC, au RRQ et au régime d’assurance parentale provincial
    • Frais de déménagement
    • Frais de garde d’enfants
    • Déduction pour soutien aux personnes handicapées
    • Déduction pour indemnités pour accidents du travail
    • Déduction pour prestations d’aide sociale
    • Déduction pour paiements au titre du Supplément de revenu garanti et allocations
    • Déduction pour le personnel des Forces armées canadiennes et des forces policières
    • Frais d’intérêts et frais financiers engagés pour gagner un revenu de biens
    • Déduction pour pertes comme commanditaire d’autres années
    • Pertes autres que des pertes en capital d’autres années
    • Déduction pour les habitants de régions éloignées
  • Les nouvelles règles seront étendues pour limiter l'application des crédits non remboursables à 50 % du montant qui pourrait autrement être réclamé. Une exemption à cette règle sera permise pour le crédit spécial pour impôt étranger.
  • Le montant réel des dividendes canadiens (admissibles et non admissibles) sera utilisé pour calculer la base de revenu de l'IMR avec un refus complet du crédit d'impôt pour dividendes canadiens.

L'exonération actuelle du revenu de base de l'IMR est de 40 000 $ et, dans le cadre du budget de 2023, elle augmentera jusqu'au début de la quatrième tranche d'imposition fédérale, soit environ 173 000 $ en 2023, ce qui en fait une meilleure cible de revenu pour les personnes à revenu élevé. Comme les paliers de l'impôt fédéral sur le revenu sont assujettis à un indice d'inflation annuel, l'exonération de l'IMR augmentera en fonction des augmentations d'indexation annuelles. En outre, le taux fixe de l’IMR passera de 15 à 20,50 %.

L'exemption de l'IMR sur son applicabilité à la fiducie se poursuivra et la durée du report prospectif sera maintenue pendant sept ans.

Les modifications proposées entreraient en vigueur pour les années d’imposition qui commencent après 2023.

Mesures visant les transferts intergénérationnels

Le budget de 2023 propose d'imposer des conditions supplémentaires à un véritable transfert intergénérationnel d'actions aux « enfants » adultes (définis dans la Loi de l'impôt sur le revenu [LIR], plus de détails ci-dessous). Voici d’abord quelques informations générales.

Article 84.1 - Règle anti-évitement

L'article 84.1 de la LIR vise à lutter contre les opérations de « dépouillement de surplus » (également appelées « dépouillement de dividendes ») utilisées dans certaines réorganisations de sociétés où un particulier (« l’auteur du transfert ») convertit des dividendes imposables en gains en capital accompagnés d'un remboursement de capital non imposable. Cela est généralement effectué en transférant des actions existantes (de la « société transférée ») à une autre société (la « société acheteuse ») en échange des actions de la société acheteuse et éventuellement d'une contrepartie autre qu'en actions. La société acheteuse a généralement un lien de dépendance avec l’auteur du transfert (veuillez noter que « avoir un lien de dépendance » est un terme défini dans la LIR). Étant donné que les gains en capital sont traités plus favorablement que les dividendes imposables et peuvent potentiellement être protégés par l'exonération cumulative des gains en capital (ECGC), ces opérations portent atteinte au principe d'intégration de l'impôt sur le revenu, qui vise à accorder le même traitement fiscal aux revenus gagnés individuellement ou par l'intermédiaire d'une société.

Autrement dit, l'article 84.1 a deux effets : (1) Réduction du capital versé (CV)* – cette mesure empêche l’auteur du transfert d'acquérir des actions de la société acheteuse avec un CV supérieur au CV des actions transférées (ou PBR, selon le plus élevé), et (2) dividende réputé – il considère que la société acheteuse a versé au particulier un dividende équivalant à l'excédent de toute contrepartie autre qu'en actions reçue sur le CV des actions transférées de la société transférée. Ces effets empêchent le particulier de convertir des dividendes par ailleurs imposables en gains en capital et de recevoir un remboursement de capital accru non imposable.

Cependant, certains véritables transferts intergénérationnels qui ne visent pas à dépouiller des surplus de dividendes peuvent également être visés par inadvertance par l'article 84.1, ce qui entraîne un taux d'imposition plus élevé (sur les dividendes réputés) et la perte de l'accès à l'ECGC. Étant donné que l'article 84.1 ne s'applique pas aux transferts sans lien de dépendance, il peut être préférable pour certains contribuables de vendre leurs actions à des personnes non liées plutôt qu'à leurs propres enfants.

*Le capital versé (CV) est un concept de droit fiscal qui mesure le capital d'apport et les bénéfices capitalisés qu'une société peut remettre à ses actionnaires en franchise d'impôt.

Le projet de loi C-208 a introduit une exception aux règles de l'article 84.1

Le projet de loi C-208 a été adopté en 2021 pour fournir une exception aux règles de l'article 84.1 et faciliter les transferts intergénérationnels d’entreprises de bonne foi. L'exception s'applique aux transferts d'actions admissibles de petites entreprises (ADPE) ou d'actions d'une société agricole/de pêche familiale à une société contrôlée par un ou plusieurs enfants ou petits-enfants de l’auteur du transfert âgés d'au moins 18 ans, pourvu que : la société acheteuse ne dispose pas des actions dans les 60 mois qui suivent l'achat (excluant certaines situations, comme une vente pour cause de décès). L'exception offre à l’auteur du transfert un traitement fiscal similaire à celui qui s’appliquerait s'il vendait son entreprise à une partie sans lien de dépendance.

Depuis que le projet de loi C-208 a reçu la sanction royale, le ministère des Finances s’est montré préoccupé au sujet de ce projet de loi et a manifesté son intention d'apporter des modifications à ces règles.

Proposition du budget de 2023 – Conditions supplémentaires pour mettre en pratique l’exception

Le budget de 2023 propose de renforcer les conditions de protection pour veiller à ce que l'exception introduite dans le projet de loi C-208 s’applique uniquement aux véritables transferts intergénérationnels d’entreprises, afin que ceux-ci puissent bénéficier du traitement fiscal prévu par la loi.

Un véritable transfert d’actions intergénérationnel est le transfert des actions de la société transférée par l'auteur du transfert (une personne physique) à la société acheteuse qui remplit toutes les conditions suivantes : 

  1. Chaque action de la société transférée doit être une ADPE ou une action du capital-actions d’une société agricole ou de pêche familiale (la définition des deux expressions étant prévue dans la Loi de l’impôt sur le revenu), au moment du transfert (condition existante).
  2. La société acheteuse doit être contrôlée par une ou plusieurs personnes dont chacune est un enfant adulte de l’auteur du transfert (le sens d’« enfant » à ces fins comprendrait les petits-enfants, les enfants du conjoint, les conjoints des enfants, les nièces et neveux, et les petites-nièces et petits-neveux) (condition existante).
  3. L'auteur du transfert qui souhaite entreprendre un véritable transfert d’actions intergénérationnel peut choisir de s’en remettre à l’une des deux options de transfert suivantes et remplir leurs conditions respectives (règle proposée dans le budget de 2023).

1)   Un transfert d’entreprise intergénérationnel immédiat (critère de trois ans) fondé sur des conditions de vente sans lien de dépendance.

2)   Un transfert d’entreprise intergénérationnel progressif (critère de cinq à dix ans) fondé sur les caractéristiques traditionnelles du gel successoral.

En ce qui concerne la condition numéro 3 ci-dessus, les deux options nécessitent les caractéristiques d’un véritable transfert d’entreprise intergénérationnel, bien que les conditions spécifiques à chaque option diffèrent. Les conditions proposées visent les situations suivantes :

  1. Transfert du contrôle (juridique et factuel) de l'entreprise – le contrôle de droit doit être transféré immédiatement dans le cadre des deux options; le contrôle factuel n'a pas besoin d'être transféré immédiatement dans le cadre de l'option de transfert d'entreprise progressif.

2. Transfert des intérêts économiques dans l'entreprise – la valeur économique de la dette et de la participation de l’auteur du transfert dans l'entreprise peut être réduite plus progressivement sur 10 ans dans le cadre de l'option de transfert d'entreprise progressif.

3. Transfert de la gestion de l'entreprise – les deux options nécessitent un délai « raisonnable ».

4. L'enfant conserve le contrôle de l'entreprise – l'enfant destinataire est tenu de conserver le contrôle de droit (et non factuel) pendant une période plus longue dans le cadre de l'option de transfert de l'entreprise progressif.

5. L'enfant travaille dans l'entreprise – la période requise de participation active de l'enfant dans l'entreprise est plus longue dans le cadre de l'option de transfert de l'entreprise progressif.

Autres points à noter :

  • Des règles d’exonération s’appliqueront à un transfert d’actions subséquent sans lien de dépendance ou au décès ou à l’invalidité d’un enfant, sans qu'il y ait de limite sur la valeur des actions transférées.
  • Un choix conjoint doit être fait par l’auteur du transfert et le ou les enfants avec responsabilité conjointe et solidaire applicable à tout impôt payable en raison de l’application de l’article 84.1 (si les conditions de l’exception ne sont pas remplies).
  • Il est proposé que le délai de prescription de l'ARC pour établir l'obligation fiscale de l'auteur du transfert soit prolongé de trois ans pour un transfert d'entreprise immédiat et de 10 ans pour un transfert d’entreprise progressif.
  • Il est proposé une provision pour gains en capital de dix ans pour les véritables transferts intergénérationnels d’entreprises.

Les mesures proposées s’appliqueraient aux opérations effectuées à compter du 1er janvier 2024.

Mesures visant l'impôt sur le revenu des sociétés et la fiscalité internationale

Impôt sur le rachat de capitaux propres (rachats d'actions)

Conformément à l’Énoncé économique de l'automne de 2022, le budget de 2023 propose d’instaurer un impôt de 2 % sur la valeur nette de tous les types de rachats d’actions par des sociétés publiques, également appelés rachats d'actions. Cette mesure vise les sociétés publiques résidant au Canada dont les actions se négocient sur une bourse de valeurs désignée, mais excluent les sociétés de placement à capital variable. Afin d’uniformiser les règles du jeu, la mesure s’appliquera également aux autres entités résidentes canadiennes dont les actions sont inscrites à une bourse désignée, telles que les fiducies de placement immobilier (FPI), les fiducies intermédiaires de placement déterminées (FIPD) et les sociétés de personnes intermédiaires de placement déterminées.

L’impôt sera calculé en fonction de la « valeur nette » du rachat d’actions par l’entité (effectué pendant une année d’imposition), moyennant une exemption minimale de 1 million de dollars de capitaux propres.

Les règles s’appliqueront à compter du 1er janvier 2024.

Règle générale anti-évitement (RGAE)

La RGAE est une règle générale de la Loi de l’impôt sur le revenu qui empêche les contribuables d’obtenir des avantages à même des stratégies considérées comme de l’évitement fiscal, même si ces stratégies elles-mêmes n’ont pas été expressément interdites.

Le budget de 2023 propose d’ajouter un préambule à la RGAE pour clarifier l’intention de la règle, y compris une déclaration stipulant qu’elle peut s’appliquer même lorsque le ministère des Finances a prévu ou aurait dû prévoir le potentiel d’abus d’une stratégie de planification fiscale.

Une modification est également proposée au critère de l’« objet » en vertu de la RGAE. À l’heure actuelle, la RGAE peut s’appliquer lorsque l’objet principal d’une opération est l’évitement fiscal. Le budget de 2023 propose une modification pour appliquer la RGAE lorsque l’évitement fiscal est l’un des objets principaux de l’opération.

Une section sur la substance économique sera ajoutée pour raffermir les balises d’analyse de la substance économique d’une opération. En général, si une opération est entreprise sans avantage économique clair (autre que l’évitement fiscal), l’opération pourrait être considérée comme dépourvue de substance économique.

Une pénalité de 25 % des avantages fiscaux obtenus par les opérations visées par la RGAE a été proposée, bien que cette taxe puisse être levée si l’opération d’évitement est volontaire ou effectuée en vertu des règles de divulgation obligatoire.

Enfin, le budget 2023 propose de prolonger de trois années supplémentaires la période normale de réévaluation des transactions assujetties à la RGAE.

Les propositions relatives aux modifications de la RGAE feront l’objet d’une période de consultation jusqu’au 31 mai 2023, après quoi des révisions pourront être apportées à ces modifications.

Déduction des dividendes reçus par des institutions financières

Une société réclame généralement une déduction des dividendes reçus sur des actions d’autres sociétés résidant au Canada. La politique qui sous-tend la déduction pour dividendes reçus vise à limiter l’imposition de plusieurs niveaux d’impôt sur les sociétés. Le budget de 2023 propose de refuser la déduction pour dividendes reçus en ce qui a trait aux dividendes reçus par les institutions financières sur les actions qui constituent des biens évalués à la valeur du marché. Cette mesure s’appliquera aux dividendes reçus après 2023. Les actions sont considérées comme des biens évalués à la valeur du marché lorsqu’une institution financière détient moins de 10 % des voix ou de la valeur de la société qui a émis les actions. La politique qui sous-tend la déduction pour dividendes reçus est incompatible avec la politique qui sous-tend les règles d’évaluation à la valeur du marché. Les règles d’évaluation à la valeur du marché classent généralement les gains sur les actions de portefeuille comme revenus d’entreprise et les dividendes reçus sur ces actions demeurent admissibles à la déduction pour dividendes reçus et sont ainsi exclus du revenu.

Traitement des caisses de crédit aux fins de l’impôt sur le revenu et de la TPS/TVH

Le paragraphe 137(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu contient une définition de « caisse de crédit » appliquée à la fois aux fins de l’impôt sur le revenu et de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (TPS/TVH). En gros, la Loi de l’impôt sur le revenu définit une caisse de crédit comme une personne morale, une association ou une fédération constituée ou organisée en caisse de crédit ou société coopérative de crédit, qui tire la totalité ou la quasi-totalité de ses revenus de diverses sources. Ces sources comprennent les prêts consentis aux membres, les titres de créance ou les titres du gouvernement canadien ou d’organismes publics, les frais facturés aux membres ou les prêts consentis à d’autres caisses de crédit. La LIR établit également des critères spécifiques qu’une caisse de crédit doit respecter, comme avoir des membres qui ont plein droit de vote qui sont des sociétés, des associations ou des fédérations constituées en caisses de crédit ou sociétés coopératives de crédit.

Les caisses de crédit qui répondent à cette définition sont assujetties à des règles uniques en matière d'impôt sur le revenu et de TPS/TVH qui s'appliquent à elles. Par exemple, une caisse de crédit qui répond à cette définition peut bénéficier des avantages de la règle de la TPS/TVH qui lui permet d'acquérir, sur une base exonérée, les biens et services par ailleurs taxables fournis par des centrales de caisses de crédit et d’autres caisses de crédit. La loi actuelle impose aux caisses de crédit un critère quant aux revenus : si plus de 10 % de ses revenus proviennent de sources autres que certaines sources désignées (comme le revenu d’intérêts découlant d’activités liées à des prêts), cette caisse de crédit ne répondrait plus à la définition de « caisse de crédit » et ne serait plus assujettie aux règles de l’impôt sur le revenu et de la TPS/TVH qui régissent les caisses de crédit. Étant donné que la majorité des caisses de crédit fonctionnent comme des établissements financiers à service complet offrant une large gamme de produits et services financiers, le dépassement du seuil de revenus de 10 % pourrait entraîner des incidences fiscales inattendues. Par conséquent, le budget de 2023 propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu en éliminant le critère quant aux revenus de la définition de « caisse de crédit » et en modifiant encore plus cette définition pour tenir compte de la façon dont les caisses de crédit fonctionnent actuellement. Les modifications proposées entreraient en vigueur relativement aux années d'imposition d'une caisse de crédit se terminant après 2016.

Autres mesures dignes de mention

Sévir contre les frais « indésirables »

Le budget de 2023 renferme des mesures pour réduire certains «frais indésirables», tels que les frais d’itinérance des télécommunications, d’événements et de concerts, d’excédent de bagages et d’expédition et de fret.

Sévir contre les prêts à conditions abusives

Le budget de 2023 prévoit des mesures pour réduire le taux d’intérêt maximum autorisé sur les prêts à taux d’intérêt élevé. Les changements comprennent des modifications au Code criminel afin de réduire le taux d’intérêt de l’équivalent de 47 % à 35 %.

Réduire les frais de transaction des cartes de crédit pour les petites entreprises

Dans le budget de 2023, le gouvernement annonce qu’il a obtenu des émetteurs de cartes de crédit Visa et de Mastercard des engagements à réduire les commissions d’interchange sur les transactions des petites entreprises. Ces mesures vont aussi protéger les points de récompense offerts aux Canadiens par les grandes banques canadiennes.

Doubler la déduction pour les outils des gens de métier

Le budget de 2023 propose que la déduction offerte aux gens de métier pour l’achat de nouveaux outils admissibles (requis comme condition d’emploi) passe de 500 $ à 1 000 $ à compter de 2023 et pour les années ultérieures. La déduction des coûts admissibles qui dépassent le crédit canadien pour emploi (1 368 $ en 2023) ne peut pas dépasser le total du revenu d’emploi gagné dans l’exercice d’un métier et toutes subventions reçues en vue d’acquérir les outils.

Cette nouvelle mesure va s'appliquer également aux apprentis mécaniciens de véhicules à l'égard des coûts dépassant le plus élevé entre le crédit canadien pour emploi ou 5 % du revenu gagné par le contribuable en tant qu’apprenti mécanicien.

Nouveau Régime canadien de soins dentaires

Afin que le nouveau Régime canadien de soins dentaires puisse voir le jour, le budget de 2023 permettra le partage de renseignements sur les contribuables avec Santé Canada et Emploi et Développement social Canada. Les prestations versées en vertu du régime de soins dentaires sont fondées sur le revenu et du nombre d’enfants de moins de 12 ans qui n’ont pas accès à un régime privé d’assurance dentaire.

Réforme fiscale internationale

Le Canada, membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), s'est joint au projet de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS, de l’anglais base erosion and profit shifting). Dans le cadre de ce projet, le Canada a accepté de collaborer à un plan de réforme fiscale internationale à deux piliers et a déjà entrepris des démarches pour amorcer la mise en œuvre du Pilier Un. Le Pilier Un vise à réaffecter les droits d’imposition sur les bénéfices des grandes entreprises aux pays où se trouvent leurs clients. Le Pilier Deux vise à s’assurer que les bénéfices de ces grandes entreprises soient assujettis à un taux d’imposition d’au moins 15 %, quel que soit l’endroit où ils sont gagnés.

Dans le cadre des efforts du Canada pour mettre en œuvre et appliquer le Pilier Deux, le budget de 2023 introduira des réformes fiscales qui entreront en vigueur à partir du 31 décembre 2023.

Système élargi de production automatisée des déclarations de revenus

Lancé pour la première fois en 2018, le programme de production automatisée des déclarations de revenus offert par l’Agence du revenu du Canada élargira le service qui fera passer le nombre de Canadiens admissibles à la fonction « Produire ma déclaration » à 2 millions d’ici 2025, soit une augmentation estimée à 300 %. Le service mettra également à l'essai un service de production automatisée qui aidera les Canadiens les plus vulnérables qui ne produisent pas leur déclaration de revenus à l'heure actuelle à recevoir les prestations auxquelles elles pourraient avoir droit.

Créer un nouveau congé en cas de fausse couche + améliorer l’accès au congé lié à la mort ou à la disparition d’un enfant

Le budget de 2023 propose d’apporter les modifications nécessaires au Code canadien du travail afin de créer un nouveau congé distinct pour les travailleuses et travailleurs des secteurs sous réglementation fédérale si la mère fait une fausse couche ou s’ils subissent la mort ou la disparition d'un enfant.