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Vouloir le beurre (durable) et l’argent du beurre : la filière mondiale de l’alimentation

Vouloir le beurre (durable) et l’argent du beurre : la filière mondiale de l’alimentation

Prévenir le changement climatique est une question de vie ou de mort, nous pouvons donc bien parler de guerre. Or, dans une guerre, il faut souvent mener de front plusieurs combats. La lutte pour nous libérer de notre dépendance aux énergies fossiles et adopter des sources d’énergie renouvelables est un enjeu majeur, mais nous devons aussi combattre sur d’autres lignes de front.

Il faut que l’industrie agroalimentaire mondiale se montre plus respectueuse des enjeux du développement durable si nous voulons échapper au changement climatique. Ce thème est pour l’instant resté dans l’ombre, éclipsé par les enjeux de la transition énergétique. C’est là que résident les opportunités. Dans cet article, nous définirons la manière dont les filières mondiales d’approvisionnement alimentaire peuvent devenir plus durables et nous présenterons certaines des entreprises présentes dans nos portefeuilles qui y contribuent.

Un double problème : des pratiques non durables amplifiées par la croissance démographique

L’industrie agroalimentaire est confrontée à différents enjeux de développement durable. Elle dépend fortement de la main d’œuvre bon marché, rejette d’énormes quantités de déchets et produit de nombreux aliments à faible valeur nutritionnelle. Nous allons nous concentrer spécifiquement sur les impacts environnementaux qui devraient s’intensifier à mesure que la demande mondiale de produits alimentaires augmente.

La population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards d’ici 2050, soit près de deux milliards de bouches supplémentaires à nourrir par rapport à aujourd’hui 1. Souvenons-nous que plus de 700 millions de personnes souffrent de sous-alimentation2 et 1,9 milliard d’adultes de surpoids ou d’obésité3 ; cette croissance démographique nous obligera par conséquent à augmenter d’environ 50 % la production de calories pour répondre aux besoins nutritionnels de tous.

Avec les mêmes pratiques agricoles qu’aujourd’hui, nous aurions besoin pour y parvenir d’une surface agricole supplémentaire égale à deux fois la superficie de l’Inde, ce qui pèserait considérablement sur l’empreinte environnementale de l’industrie agroalimentaire.

Schéma 1: Comment combler le déficit alimentaire ?
Schéma 1: Comment combler le déficit alimentaire ?

Source : ONU, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agricultural Organization - FAO) et l’Institut des ressources mondiales (World Resources Institute - WRI).

Préoccupations environnementales

Sur son parcours de la ferme à la table, l’industrie agroalimentaire libère des émissions sur toute la chaîne de valeur. Elle est responsable d’un quart des rejets de gaz à effet de serre, contribuant de manière sensible aux émissions de gaz carbonique et pour près de 50 % aux émissions de méthane dans le monde. Dans une publication académique, Poore et Nemecek ont montré qu’au niveau planétaire, plus de 50 % des émissions générées par le secteur alimentaire étaient liées à l’élevage de bétail ; elles proviennent aussi bien de l’utilisation des sols que de la nourriture des animaux, de la réaffectation des terres ou de la production de méthane. Près de 20 % des rejets sont générés par des activités en aval de la phase de production, en particulier la transformation, le transport, l’emballage et la distribution.

L’industrie alimentaire doit faire des efforts de décarbonisation si l’on veut contenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5 °C. L’agriculture industrielle est également une menace sérieuse pour la biodiversité et contribue fortement à la consommation de plastique à usage unique.

Schéma 2: Émissions de gaz à effet de serre générées par les filières agroalimentaires mondiales

Source : Poore et Nemecek (2018), recherche Crédit Suisse.

La solution et le profil d’exposition de nos fonds

Pour atténuer l’impact des filières alimentaires occidentales, nous devons soit modifier radicalement notre alimentation, soit faire évoluer nos modes de production et de distribution. Selon nous, l’innovation peut faciliter cette mutation et nos stratégies d’investissement détiennent certaines sociétés qui innovent aux trois stades de la chaîne agroalimentaire : la production, la transformation et la distribution. Il est intéressant de noter que de nombreuses solutions viennent d’entreprises extérieures à la filière agroalimentaire.

Production alimentaire : adopter des techniques plus durables

Toutes les chaînes agroalimentaires du monde commencent par la production agricole. L’importante superficie des terres consacrées à l’agriculture dans le monde et le recours massif aux produits chimiques agricoles menacent les puits naturels de carbone et la biodiversité. Pour gagner en durabilité, les agriculteurs doivent changer leurs pratiques.

L’agriculture repose sur les engrais pour optimiser les rendements. Sans eux, nous serions confrontés à un risque de pénurie alimentaire. Pourtant, les produits fertilisants lessivent les sols et sont entraînés dans les cours d’eau par la pluie Cette pollution porte atteinte aux ressources halieutiques.

Yara, un fabricant d’engrais de premier plan, produit des fertilisants de qualité et ciblés qui ne s’infiltrent pas dans les systèmes d’alimentation en eau ; le risque pour la biodiversité associé à l’usage de ces substances chimiques est donc atténué. L’entreprise a également conçu une solution numérique pour l’agriculture qui permet d’appliquer la quantité optimale d’engrais pour plus d’efficacité et moins de déchets.

Outre la réduction du volume d’engrais qu’ils utilisent, les agriculteurs peuvent aussi adopter de nouvelles techniques pour limiter leurs émissions de CO2. Les techniques « sans labour » avec lesquelles les paysans ne labourent plus la terre gagnent en popularité. Ces méthodes génèrent des rendements, et donc des profits moins élevés, mais captent bien davantage de CO2 atmosphérique.  Yara a lancé un programme destiné à aider les agriculteurs à monétiser toute séquestration de carbone supplémentaire. Ce programme les incite à s’intéresser aux pratiques économes en carbone et favorise le développement des surfaces « sans labour ».

L’agriculture verticale hors sol est une autre approche innovante. Cette technique consiste à faire pousser les plantes à l’aide d’un réseau aquatique véhiculant un liquide nutritif ; leurs racines sont suspendues dans l’air, dans de l’eau ou sur un substrat neutre tel que le sable ou le gravier. Si elle n’en est qu’à ses balbutiements, l’agriculture verticale gagne du terrain, car elle exige moins d’espace et d’eau, aucun pesticide, produit davantage d’éléments nutritifs et peut être neutre en carbone si elle utilise de l’électricité renouvelable. La diminution des surfaces agricoles monopolisées par la production agroalimentaire est également favorable à la biodiversité. Dans nos portefeuilles de plus ou moins grande taille, nous sommes exposés à la société Signify, un fabricant international de lampes qui occupe une position dominante sur le marché des systèmes d’éclairage dédiés à l’agriculture verticale.

Transformation alimentaire : revoir la formule et l’emballage des produits

Les entreprises de transformation agroalimentaires doivent offrir des solutions plus durables. Les alternatives végétales aux produits carnés et laitiers ont une empreinte écologique beaucoup plus faible. L’innovation sur le segment des produits d’origine végétale contribuera à transformer les habitudes alimentaires et à réduire l’impact des filières agroalimentaires mondiales. Pour cela, les entreprises de ce secteur doivent réaliser des économies d’échelles en augmentant leurs capacités.

GEA est un fournisseur de technologies de transformation. Il dispose d’une solide position dans le secteur de l’alimentation d’origine végétale. Cet acteur clé permet aux entreprises de transformation d’innover en offrant des solutions végétales alternatives. La société devrait également pouvoir aider les producteurs traditionnels de denrées alimentaires à devenir plus « verts » ; grâce aux innovations qu’ils proposent, leurs clients peuvent accroître leur efficacité énergétique, réduire le gaspillage, y compris de l’eau, et exploiter des solutions de conditionnement alternatives.

Le conditionnement alimentaire représente 30 % du marché de l’emballage et compte donc parmi les grands consommateurs de plastique à usage unique. UPM et Stora Enso, deux leaders mondiaux de l’industrie du papier et de la pâte à papier, proposent des options sans aucun plastique aux acteurs de la transformation agroalimentaire. Grâce aux technologies modernes, 25 % des emballages en plastique pourraient être remplacés par le papier. Qui plus est, UPM et Stora investissent dans les technologies biochimiques pour produire du plastique biologique à partir du bois, une innovation qui limiterait la demande d’hydrocarbures.  UPM a récemment signé un accord avec Coca-Cola pour la fabrication de bouteilles en PET biosourcé.

Distribution des produits alimentaires : redessiner et raccourcir les chaînes agroalimentaires mondiales

Toute révolution dans le secteur agroalimentaire suppose l’implication des chaînes de supermarchés. Les entreprises de distribution alimentaire auxquelles nos portefeuilles sont exposés se sont engagées à proposer des options plus saines, améliorer la transparence de leurs produits, supprimer le gaspillage et réduire leurs émissions. Les acteurs de la grande distribution alimentaire sont suffisamment puissants pour imposer des changements aux différents stades de la fabrication et de la transformation des produits. Leur rôle sera déterminant également pour réduire l’intensité carbone de la logistique dans ces filières.

Si on les oublie parfois, les émissions générées par le transport des denrées alimentaires ne sont pourtant pas négligeables. Réduire la distance de la ferme à la table et décarboner le transport routier et maritime atténuera l’impact des filières agroalimentaires mondiales. Yara est à la pointe de l’innovation dans le domaine de l’ammoniac vert, un type d’ammoniac fabriqué à partir de l’hydrogène à la place du gaz naturel.

À l’avenir, l’ammoniac vert pourrait être utilisé comme carburant dans le secteur du transport maritime, afin de réduire les émissions de GES générées par le fret. Volvo et Daimler développent leur gamme de camions électriques. Les émissions de GES liées au transport routier vont diminuer à mesure que les entreprises de logistique progresseront dans l’électrification de leur flotte de véhicules.

Conclusion

La transition énergétique est naturellement au cœur des débats au sein de la communauté financière. Elle doit certes réussir si nous voulons lutter contre le changement climatique, mais la difficulté ne s’arrête pas là. Comme nous l’avons évoqué, les filières agroalimentaires mondiales doivent innover pour permettre à notre planète d’atténuer les effets des dérèglements climatiques. Au fil du temps, le marché des actions récompensera les entreprises capables d’accompagner ces évolutions. Toutefois, les investisseurs peuvent dès aujourd’hui mettre en place une exposition à ce thème qui s’inscrit sur plusieurs décennies.

Les analyses présentées dans cet article portent sur les préoccupations de développement durable liées au parcours des aliments, de la ferme à notre assiette. D’autres entreprises s’intéressent aux enjeux associés aux étapes ultérieures de ce parcours : une fois que la nourriture quitte notre assiette. Le thème de la réduction des déchets et de l’économie circulaire est un autre combat qu’il faudra aussi mener dans notre guerre contre le dérèglement climatique. Nous en parlerons dans un autre article de ce blog.

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Notes de bas de page

  • 1 Source : Nations Unies Perspectives de la population mondiale 2019.

    2 Source :  FAO (Food and Agricultural Organization) — Nations Unies L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, rapport 2021.

    3 Source : Organisation Mondiale de la Santé. Obésité et surpoids — Principaux faits Données de 2016.

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